Alzheimer : quand s'inquiéter ?
La maladie d'Alzheimer. En France, elle touche un peu plus d'un million de personnes et plus seulement âgées. Mais suffit-il d'avoir perdu ses clés ou ne plus savoir où l'on a garé sa voiture au supermarché pour s'en inquiéter ? Quels sont les vrais premiers signes d'alerte ? Comment s'effectue le diagnostic et comment l'annoncer ? A l'occasion de la Journée Mondiale Alzheimer, le point avec le Dr Emmanuel Cognat, neurologue et le témoignage de Virginie, dont le mari a été diagnostiqué à 54 ans.
©FreepikC’est seulement en1906 qu’Aloïs Alzheimer, neuropsychiatre allemand identifia la maladie et lui donna son nom. Mais de quoi parle-t-on ? "C’est la plus fréquente des maladies neuro dégénératives.", rappelle le Dr Cognat. "C’est-à-dire celles qui ont en commun de causer la mort prématurée des neurones, ce qui est dû à des lésions bien précises dans le cerveau : l’accumulation de la protéine amyloïde et celle anormale d’une autre protéine, dite de tau." Des altérations qui vont alors progressivement toucher la mémoire et les capacités cognitives.
Qui est concerné ? Si l’âge constitue le premier facteur de risque, (20 % des cas à 80 ans), on sait aujourd’hui que la maladie peut se révéler plus tôt, avec plus de 65 000 personnes touchées avant 65 ans et dans des cas plus rares vers la trentaine. Autres pistes : un mode de vie, trop sédentaire, une alimentation déséquilibrée, le tabac, mais aussi l’hypertension, diabète et stress chronique. Des facteurs qui ne déclenchent pas la maladie, mais peuvent à terme fragiliser : "Pour faire simple", explique le neurologue, "si on a un cerveau qui est en bonne santé, il résistera mieux à la maladie." Quant à l’hérédité, seul 1% des cas est dû à un gène défectueux transmis par l’un des parents. Il existe cependant des prédispositions génétiques. "Mais", rassure le Dr Cognat, ce n’est pas parce qu’on les a que l’on va forcément développer la maladie."
Qu'avez-vous mangé hier soir ?
Alzheimer, une maladie qui évolue lentement. Mais quels sont les premiers signes d’alerte ? En premier lieu, la mémoire. "Mais celle qui concerne des petites choses récentes." précise le Dr Cognat. "Une bonne question à poser, c’est de demander à la personne ce qu’elle a mangé la veille au soir. De là, on peut tirer les ficelles pour savoir avec qui on était et à quelle heure." Autres symptômes : la difficulté à trouver ses mots, à se repérer dans l’espace, de se concentrer, d’établir un raisonnement et la tendance à égarer des objets. Des signaux pas toujours faciles à repérer. "C’est une maladie insidieuse et il est impossible de dater les premières difficultés." souligne le neurologue. "Mais quand elles deviennent atypiques et qu’elles se répètent, il faut aller consulter."
C’est ce qu’a vécu Virginie, dont le mari a été diagnostiqué Alzheimer à 54 ans. "Ca a commencé par une fatigue, des troubles cognitifs quotidiens, pas de mémoire récente, mais plus de concentration, de logique." témoigne cette maman de deux garçons. "C’est une personne très investie dans son travail, qui faisait énormément de mots croisés, de calculs, et qui a ressenti des difficultés même dans des jeux de carte, comme la coinche, où il faisait des erreurs qu’il n’aurait jamais faites avant." Un burn-out est alors pronostiqué. Mais un an après, la situation s’aggrave, avec une humeur de plus en plus dépressive. Un Irm est prescrit, sans résultats. C’est finalement une ponction lombaire qui révèlera l’Alzheimer.
Vers qui se tourner ?
Qui donc consulter quand ces troubles posent question ? "En premier lieu, le généraliste." indique le Dr Cognat. "C’est le médecin qui nous connait le mieux et sera le coordinateur des soins. Il va identifier le degré d’atteinte de rupture avec l’état antérieur et il pourra réaliser des tests, dit « papier crayon », comme le rappel de mots ou celui de l’horloge*. "Même si aujourd’hui, ils sont de plus en plus remplacés par des tests numérisés, via des applications. Et si la plainte doit être explorée plus avant, il prescrira des examens du cerveau, des analyses biologiques. Et une fois ce bilan établi, il pourra orienter vers des consultations plus spécialisées, dite "consultation mémoire." 400 sont répertoriées en France, avec des degrés d’expertise bien définies.
Mais comment annoncer une maladie d’Alzheimer au patient et à l’entourage ? Virginie en a fait l’amère expérience. "Le médecin lisait les résultats de la ponction lombaire en même temps que nous. Je pense qu’il ne s’y attendait pas non plus. Et puis on nous a dit que c’était mauvais et que c’était Alzheimer. Le ciel nous tombe sur la tête. On est perdus et on nous a laissés comme ça !" Une situation que déplore le Dr Cognat. "Quand on fait une ponction lombaire, on sait qu’on peut avoir ce type de résultat et donc il faut le préparer. Ensuite, il y a des recommandations. Elles ont été récemment actualisées pour l’annonce du diagnostic, avec un temps dédié, qui doit ensuite être suivi d’une consultation post annonce, avec des propositions. Car contrairement aux idées reçues, il y a des choses à faire."
Quelles solutions après l'annonce ?
De fait, si on ne peut encore guérir, des médicaments existent pour retarder l’évolution de la maladie, dont "certains malheureusement déremboursés*, malgré une efficacité réelle." regrette le neurologue. "Il y a aussi la remédiation cognitive, ce qu’on fait généralement avec l’orthophoniste, qui va permettre d’entretenir ces fonctions cognitives et puis les interventions d’équipes spécialisées Alzheimer au domicile, pour mettre en place des adaptations afin de limiter l’impact de la maladie."
Reste qu’Alzheimer, ç'est encore un tsunami pour l’entourage. Comment affronter cette épreuve ? "L’important, c’est de nommer la maladie et surtout de ne pas rester isolé.", souligne le Dr Cognat. Virginie, elle, a pu compter sur le soutien de son généraliste, qui l’a orientée vers l’association France Alzheimer. Elle y a ainsi suivi une formation pour les aidants. De même qu’elle a pu avoir un accompagnement à domicile de bénévoles de la Maison des Crolle, vers Grenoble. Elle a aussi intégré depuis 6 mois un groupe de paroles de jeunes aidants* sur WhatsApp, où sont partagés infos et expérience de professionnels. Mais ça ne résout pas tout. "En fait, ça demande une énergie incroyable pour tout faire. Il n’y a pas de guichet unique où on vous dit tout ce à quoi vous avez droit. Il faut aller de l’avant partout." déplore-t-elle. D'où l'importance de consulter tôt , pour mieux se préparer à ce combat ...
*Le 9 septembre dernier, la Haute Autorité de Santé (Has) a annoncé que le Leqembi,©, nouveau traitement contre la maladie d'Alzheimer, ne serait pas remboursé pour des effets secondaires estimés bien trop lourds au regard "d'une efficacité modeste."
Pour aller plus loin:
France Alzheimer : infos sur la maladie, formation à l'accompagnement, lieux ressources, recherche. 101 antennes locales à retrouver sur https://www.francealzheimer.org/ ou au 01 42 97 52 41 service d'appel gratuit
Les Maisons des Crolles : unité médico-sociale accueillant de jeunes personnes Alzheimer. A découvrir sur : Maisons des Crolles
*Pour contacter le groupe des jeunes aidants : parolesaidants@gmail.com


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