Yaser, jeune palestinien, a trouvé refuge à Concarneau
Nous partons à la rencontre d’une famille, composée de Jérôme et Emna Tinard, Linda leur fille de 4 ans, et Yaser.
Yaser a 25 ans, c’est un étudiant gazaoui qui a trouvé refuge ici dans la Ville Close après avoir réussi à quitter l’enclave palestinienne, la famine et les bombardements. Le jeune homme partage donc son quotidien, entre une vie à reconstruire et l’inquiétude permanente, de savoir sa famille restée à Gaza sous les bombes. Nous avons rencontré la famille Tinard dans leur maison de Concarneau.
Jérôme, Yaser et Emna, dans la maison de la famille Tinard à Concarneau ©Océane ThéardLe jardin des Tinard est inondé de soleil. On entend le chant des oiseaux, le bruissement des feuilles chahutées par le vent. Yaser, gants de jardinage aux mains, taille un olivier.
Nous sommes bien loin, à 3 700 kilomètres exactement du fracas des bombardements qui tonnent dans l’enclave palestinienne. Et pourtant, le destin des Tinard va se retrouver lié à celui de Yaser. Leur histoire commence en 2021. Jérôme Tinard travaille alors en Mauritanie, dans une société de logistique internationale. Il rencontre Yaser, qui travaille en apprentissage en tant que frigoriste industriel. Des liens se tissent, professionnels d’abord, puis une amitié profonde se noue entre Yaser et cette famille d’expatriés. Il y a Jérôme le père, Emna, la mère, et Linda leur fille qui aura 5 ans dans quelques jours.
En 2023, Les Tinard reviennent en France, Yaser, lui, rentre à Gaza pour les vacances, il est toujours étudiant. Quand soudain, le 7 octobre vient percuter sa vie. Le jeune homme tient les Tinard informé de son quotidien qui vient de basculer dans l'horreur. "Il était devenu un ami proche, il faisait partie de notre vie. On a décidé de ne pas fermer les yeux et de ne pas faire semblant de ne pas avoir reçu cet appel", raconte Jérôme. Le 1er avril 2024, Yaser parvient à partir de Gaza. Seul. Il doit laisser sa famille derrière lui. "Il y avait mon nom sur la liste et toute la famille était hyper contente pour moi. Mais je voyais dans leur regard un peu de tristesse, parce qu'il n'y avait que mon nom et qu'ils n'allaient pas sortir avec moi. Et je me rappellerai toujours, et je m'en rappelle jusqu'à aujourd'hui. Quand, le matin, j'ai pris la voiture pour partir, ma mère était derrière en train de pleurer de me faire des coucous pour me dire au revoir. C'était très, très difficile", souffle Yaser, dont les paroles sont traduites par Emna.

Un périple de l'Égypte au Finistère
L'exil le mène en Égypte, en Turquie, puis en Grèce, où il arrive en avril 2024. Yaser obtient alors le statut de réfugié au droit d’asile grec, et un titre de voyage de réfugié en Grèce qui lui permet de voyager dans l’espace Schengen. Il se retrouve alors dans une situation de précarité extrême. "On l'a fait sauter dans le premier avion en direct pour la France. Il n'y en avait pas, donc il a atterri en Espagne. Nous, on a pris la route pour aller le récupérer à Barcelone et le ramener chez nous", se souvient Jérôme, il ouvre un album photo qui retrace toute l'histoire de Yaser et des Tinard. Sur l'un des clichés, on voit Yaser, le jour où la famille a retrouvé le jeune homme en Espagne à la sortie de l'avion.
Et puis il y a eu le trajet vers la France, et l'arrivée ce soir de juin 2025 à Concarneau. "Alors, vraiment, ici, le calme et le silence m'avaient choqué en arrivant, parce que j'ai beaucoup voyagé. Durant le périple d'ailleurs, aucun endroit n'était aussi silencieux qu'ici", sourit Yaser. La paix, la nature aussi, le jardin arboré des Tinard. Et puis toute une nouvelle vie à rebâtir dans le Finistère. Yaser prend des cours de français deux fois par semaine au sein d'une association. Il rêve d'un travail, dans la voile, qui le passionne, ou dans son précédent emploi dans le secteur de la climatisation, d'un futur qui se dessine. Mais avec toujours ses pensées tournées vers Gaza. Dans sa tête, jour et nuit, il n'y a que ses parents, tous deux malades d'un
cancer, ses sœurs, son petit frère Mohammad. Tous vivent dans le quartier Al-Rimal à Gaza-Ville sous les bombes. "Ma famille pour moi, c'est mon cœur, et quelqu'un qui n'a pas de cœur, il ne peut pas vivre. Mais, heureusement, il y a la famille Tinard et grâce à eux, grâce à leur mobilisation, ils sont toujours là pour m'aider, pour faire en sorte que j'aille bien et pour que je puisse avancer. J'y arrive plus ou moins, mais réellement, en sachant que ma famille est toujours là-bas c'est très, très compliqué et je n'arrive pas vraiment à avancer non plus", confie Yaser.
Des appels, des mails et une cagnotte pour sauver la famille de Yaser
Pour tenter de sauver la famille de Yaser, Jérôme et Emna tentent tout. Le couple s'est même temporairement arrêté de travailler pour se consacrer à ce combat. Les appels, les mails, tous les jours aux élus, aux députés finistériens, aux journalistes. La famille a aussi entamé une procédure d'adoption de Yaser. Un combat rude, de longue haleine, dont l'issue reste encore inconnue. Une bonne nouvelle, deux hôpitaux, l'un en Jordanie et l'autre en Turquie ont accepté de prendre en charge les parents de Yaser et leurs accompagnants. Mais reste encore à réussir à faire sortir la famille de l'enclave palestinienne. "On voit les listes de d'évacuation de l'OMS [Organisation Mondiale de la Santé] et sur laquelle il y a 18 400 inscrits pour ceux qui ont pu être inscrits. On rappelle que la famille de Yasser n'en faisait pas partie. Imaginez qu'il soit parmi les sortants prioritaires relèverait du miracle. À l'impossible, nul n'est tenu. On le sait bien. Mais en même temps, on garde la foi", sourit Jérôme.
Une cagnotte participative est actuellement ouverte sur le site gofund.me pour couvrir les frais de nourriture, frais médicaux et frais d’avocats engagés pour sauver la famille de Yaser.
