Yannick Dupagne publie Anguilles sous roche : un roman entre croyances et désillusions africaines
Après plusieurs années passées entre la Belgique, le Cameroun et la République démocratique du Congo, Yannick Dupagne revient avec un nouveau roman, Anguilles sous roche, publié aux éditions L’Harmattan dans la collection « Écrire l’Afrique ». Un texte nourri d’expériences vécues, de récits entendus et d’une imagination qui interroge le réel.
©L'HarmattanL’auteur, déjà reçu l’an dernier pour son précédent ouvrage « Les Usurpateurs », poursuit à travers ce nouveau titre une réflexion entamée depuis ses débuts sur les rapports de pouvoir, la foi, et les fragilités humaines. « Anguilles sous roche » est né d’une idée qui trottait dans sa tête depuis deux ans.
C’est lors de son dernier séjour au Congo, loin de toute distraction, qu’il trouve enfin le temps de l’écrire. Ses soirées, il les consacre à noircir les pages, « loin de la télévision », dit-il avec un sourire.
Fiction et réalité
Dans ce roman, Dupagne ancre son intrigue au cœur d’un petit village perdu dans la forêt équatoriale : Ésobé. Là se dresse le temple de Marie, dirigé d’une main de fer par le pasteur Isée, autoproclamé homme de Dieu aux ambitions bien terrestres. Autour de lui gravitent Maître Piaget, directeur de l’école, et Louis, nouvel enseignant venu du dehors. Mécréant assumé, Louis va pourtant bouleverser les certitudes du village et l’existence de Ponie, une jeune fille orpheline, soumise aux traditions et à l’autorité religieuse.
Le récit, qui s’ouvre sur la découverte d’un cadavre par le vieux Jef, mêle habilement intrigue, satire et émotion. Fidèle à son style, Yannick Dupagne alterne les registres : du rire à la gravité, de la tendresse à la dénonciation.
Croyances et libertés
À travers la relation entre Louis et Ponie, le roman questionne la foi, l’éducation et les croyances ancestrales. L’auteur évoque notamment une superstition selon laquelle les femmes ne peuvent pas manger d’anguilles… d’où le titre de l’ouvrage. Pour Dupagne, ces injonctions traduisent une forme d’asservissement qui freine l’émancipation des consciences : « C’est un frein au développement du pays », confie-t-il.
L’ouvrage s’attarde aussi sur un phénomène que l’écrivain observe de près : la prolifération des églises indépendantes au Congo notamment. Dans un contexte où le travail est rare, devenir pasteur représente parfois un moyen de subsistance. « Beaucoup se lancent sans aucune formation théologique, simplement pour se remplir les poches », déplore-t-il.
Fidélité et engagement
Depuis son tout premier récit, écrit en 1993 après un voyage au Cameroun, Yannick Dupagne publie fidèlement chez L’Harmattan. C’est un libraire namurois, de la librairie Papyrus, qui lui avait conseillé la maison d’édition. Depuis, l’auteur s’y sent « chez lui ».
Avec Anguilles sous roche, Yannick Dupagne signe un roman à la fois ancré dans le réel et traversé de poésie. Il dresse le portrait d’un Congo tiraillé entre traditions, espoirs et manipulations, tout en posant une question essentielle : comment éveiller les consciences dans un monde encore prisonnier de ses croyances ?


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