Vers une régulation de TikTok ?
Jusqu’au 31 mai, une consultation citoyenne invite les utilisateurs français de TikTok à partager leur expérience et point de vue sur la plateforme. Le réseau social chinois, régulièrement pointé du doigt pour son impact sur la santé mentale des jeunes, est dans le viseur d’une commission d’enquête parlementaire.
Tik Tok compte près de 160 millions d'utilisateurs en EuropeParmi les logos d’Instagram, de Snapchat ou de Facebook, celui de TikTok occupe une place à part sur le smartphone des jeunes.
En France, 7 utilisateurs sur 10 ont moins de 24 ans d’après l’ARCOM, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique. Le réseau social de l’entreprise chinoise ByteDance peut même se targuer de compter 1,5 milliard d'utilisateurs actifs dans le monde (25 millions dans l’Hexagone) depuis son lancement en 2016.
Mais tout n’est pas rose. Outre un manque de vérification des fausses informations, des systèmes de “matchs” (live avec un ou plusieurs utilisateurs) où des cadeaux virtuels sont envoyés avec de l’argent réel dont une partie revient à la plateforme, c’est bien son impact sur la santé mentale qui alerte. Une situation à laquelle est particulièrement exposée la jeunesse.
TikTok : Un algorithme immodéré
À tel point que depuis le mois de mars, une commission d’enquête parlementaire en a fait son objet d’étude à l’Assemblée nationale. Une trentaine de députés sont réunis autour de cette démarche transpartisane, pour mettre en lumière les effets psychologiques de TikTok sur les mineurs.
« Nous voulons déterminer les façons de réguler l’application vis-à-vis de ces problématiques » expose Arthur Delaporte, député Parti socialiste du Calvados et président de la commission.
Se succèdent ainsi pendant six mois de nombreuses auditions à l’Assemblée nationale. La commission convie psychologues, auteurs de rapports, influenceurs, ainsi que les responsables de TikTok France.
Les mesures proposées, après cet état des lieux, pourraient être graduées, comme « faire en sorte que des mineurs de moins de 13 ans ne puissent par exemple pas aller sur l'application [NDLR : un enfant sur deux âgé de 11-12 ans possède un compte Tik Tok en France selon l’Arcom, l’âge minimal pour s’inscrire est de 13 ans], ou que des mineurs de moins de 18 ans ne puissent pas avoir accès à du contenu érotique », avance-t-il.
Une situation qui a déjà viré au drame. Onze familles dans l’Hexagone, dont certains adolescents ont mis fin à leurs jours, ont saisi la justice. Elles reprochent à l’application son manque de modération vis-à-vis de vidéos promouvant le suicide, l'automutilation ou encore les troubles alimentaires.
À Caen, des jeunes témoignent d’un temps conséquent passé sur la plateforme, synonyme parfois d’isolement.
Entre deux à cinq heures par jour
Tout juste majeur, Corentin est déjà tombé sur du contenu qu’il qualifie de « borderline ». Ici il trouve une femme exposant sa nudité, là il découvre une vidéo révisionniste faisant l’éloge du régime de Vichy.
Comme lui, Célia, 17 ans, dénonce un contenu problématique, « des vidéos dérangeantes qui ne sont pas bannies », où le racisme et l’incitation à la haine peuvent parfois être légion.
Cela ne l’empêche pas de passer beaucoup de temps sur l’application, qu’elle utilise avec ses amis pour partager des vidéos. Et la notification du temps d’écran quotidien qui s’affiche sur son téléphone, fonctionnalité instaurée par ByteDance, n’y change rien, aussitôt apparue, aussitôt fermée.
Après quatre ans d’utilisation, Paul songe à désinstaller l’application sur laquelle il passe jusqu’à cinq heures par jour. « J’y vais plus par habitude qu’autre chose ».
Outre les qualités de divertissement qu’ils assignent à la plateforme, tous concèdent son caractère addictif, où les vidéos, pour la plupart courtes, s’enchaînent au rythme du scroll (défilement du contenu) avec son doigt.
Paul en a d’ailleurs bien conscience. « La dopamine…», souffle-t-il, du nom de la molécule sécrétée par le cerveau, qui renvoie du désir, du plaisir et pouvant conduire à de l’addiction.
Chacun de ces jeunes, comme tous les autres utilisateurs de Tik Tok, est invité à donner son avis à travers la consultation citoyenne. La commission d’enquête parlementaire doit rendre ses conclusions le 12 septembre, avec sa rapporteuse, la députée Laure Miller du groupe Ensemble pour la République.
