"La France des valeurs. Quarante ans d’évolutions". C’est le titre de l’enquête de référence sur les évolutions de la société française publié aux Presses universitaires de Grenoble et réalisée par groupe d’universitaires et de chercheurs Grenoblois. C’est la cinquième depuis 1981. Elle permet donc de capter l’évolution des sentiments des français sur la manière d’appréhender les grandes questions sociales. Christian Vadon s’entretient avec Pierre Bréchon, professeur émérite de science politique, qui a dirigé cette enquête.
"Le regard sur nos données sur quatre décennies nous amène a être plutôt optimistes et à voir de fortes dynamiques dans la société française. Par exemple on dit "l'individualisme augmente beaucoup, les gens sont de plus en plus égoïstes, ne s'intéressent plus aux autres". Et bien pour nous c'est faux. Bien sûr il y a de l'individualisme, mais il y en a plutôt moins qu'avant. Et il ne faut pas mélanger l'individualisme et l'individualisation. L'individualisation ça veut dire qu'on est entrés dans une culture où chacun veut faire des choix autonomes, sans être déterminés par sa famille, par une Eglise, par un Etat, donc on veut la liberté de choisir, de maîtriser notre vie et de ce point de vue là, il y a de plus en plus ce qu'on appelle le libéralisme des moeurs, c'est à dire que les français nous disent "chacun doit pouvoir faire ce qu'il veut dans sa vie privée", et donc en matière de sexualité, d'euthanasie, de suicide même, les différentes options font partie des choix individuels."
"Bien sûr, l'altruisme lui se renforce plutôt, chacun veut faire ses choix, mais ça ne veut pas dire qu'on fait des choix égoïstes, le niveau par exemple d'action dans les associations n'est pas en baisse en France, peut être plus intéressant, y a vingt pour cent des français qui font du bénévolat dans les associations."
"Pas vraiment, ce qu'on peut dire c'est qu'il y a un attachement à l'identité française donc les gens se sentent français, se disent plutôt fiers d'être français qu'autrefois, mais cela dit le contenu que l'on met dans "être français" a aussi changé. Autrefois, être français c'était davantage lié à la naissance, c'était très identitaire. Aujourd'hui, être français, c'est plutôt respecter les lois, c'est parler la langue, c'est vivre ensemble. Donc la notion même de "qu'est ce que c'est que la France ?" a un petit peu changé."
"Une des choses qui nous frappe c'est que les français sont devenus très pessimistes sur l'état de leur société, on a un peu le sentiment que tout va mal, c'est un peu une difficulté pour les dynamiques de la société française. Par contre, les enquêtés nous disent : "Je me sens plutôt heureux." On a le sentiment de réussir quelque chose dans nos vies privées. Donc au fond il y a une espèce de paradoxe."
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