Bouches-du-Rhône
"Un scoutisme au pluriel ?" Témoignage du père Yves Combeau
Quelle est l'utilité sociale du scoutisme ? L'œuvre fondée il y a plus d'un siècle par le Britannique Baden Powell rencontre toujours un grand succès en France, avec près de 100 000 jeunes engagés rien que chez les Scouts et Guides de France. Un sondage de l'IFOP récemment publié démontre l'impact positif du scoutisme sur la société française. Le père Yves Combeau, dominicain et historien du scoutisme, décrypte les actions de ce mouvement au sein de la société.
Les anciens scouts sont plus engagés dans la société que les autres et sont "plus heureux que le reste de la population". 93 % d'entre eux déclarent que l'expérience scoute est utile dans leur vie professionnelle et 73 % considèrent que cette expérience a constitué un atout lors d’un entretien d'embauche. C'est ce que révèle un sondage de l'IFOP publié au mois de septembre.
Le scoutisme, un idéal de service commun
Michel Barnier, ainsi que plusieurs hommes politiques tels que François Fillon, Lionel Jospin, Jacques Chirac, étaient des anciens scouts. Selon le père Yves Combeau, cela n'est pas surprenant, car "il y a une forme d'extrémisme dans l'engagement scout qui peut conduire à cet engagement extrême en politique. Le scoutisme donne une souplesse face à l'adversité."
Il y a une forme d'extrémisme dans l'engagement scout qui peut conduire à cet engagement extrême en politique. Le scoutisme donne une souplesse face à l'adversité.
Cet engagement ne concerne pas seulement l'univers politique, mais l'ensemble de la société. "Quand vous êtes scout, vous devez vous débrouiller pour accomplir ce que vous avez à faire, dans des conditions naturelles parfois hostiles et dans la simplicité de l'humanité. Cela donne des armes pour tracer son chemin dans la vie adulte." Pour l'historien dominicain, c'est parce que l'on est scout que l'on s'engage, et non l'inverse. Les mouvements scouts sensibilisent les jeunes à un idéal de service commun, qui s'applique ensuite au service de la société. "C'est une préparation à l'engagement sociétal", conclut-il. Le père Yves Combeau exprime également son admiration pour les chefs scouts : "C'est sans doute une des raisons de l'engagement civique. L'engagement du chef est très pesant, et pourtant, ils le font."
Le catholicisme s'est approprié le scoutisme
Le scoutisme a été créé par Baden Powell, qui a vécu en Angleterre, dans un contexte où l'engagement religieux n'est pas intime, mais social, conduisant à se mettre au service des plus faibles. La religion n'était donc pas au centre du mouvement scout. Le père Yves Combeau explique ainsi que "lorsque Baden Powell a découvert les applications françaises du scoutisme, il a été surpris par la place prépondérante occupée par le catholicisme, avec un engagement beaucoup plus exigeant et intime de la foi. L'intensité de l'engagement des jeunes chefs et cheftaines au service des démunis l'a émerveillé."
Lorsque Baden Powell a découvert les applications françaises du scoutisme, il a été surpris par la place prépondérante occupée par le catholicisme, avec un engagement beaucoup plus exigeant et intime de la foi.
Les catholiques n'ont pas inventé le scoutisme, mais ils s'en sont rapidement emparés. "Cela a cristallisé le scoutisme dans un univers de pensée catholique", analyse l'historien. Cette dimension religieuse se manifeste à travers l'aspect initiatique du parcours pédagogique du scoutisme, qui correspond au cheminement d'initiation chrétienne des adultes. "On retrouve dans le scoutisme les engagements successifs, avec l'appel à s'engager et la promesse." Selon le père Yves Combeau, la relation à la nature fait également partie de la tradition catholique.
Le scoutisme au pluriel ?
Lors de sa création, le scoutisme a souhaité se tenir à l'écart de la politique. Cependant, le père Yves Combeau rappelle qu'à partir des années 1930, le monde catholique ressent le besoin de s'engager. "C'est le début du catholicisme de gauche. Au nom de l'Évangile, on se sent le devoir de s'engager dans la cité et dans la politique. Lorsque l'on s'engage, on prend position. Cela a suscité des périodes de très fortes polarisations, que l'on peut toujours observer aujourd'hui." L'historien distingue des différences pédagogiques très marquées : "Je me demande s'il est juste de parler du scoutisme au singulier tant les mouvements sont différents. Il y a une position ecclésiale qui peut varier, ainsi qu'un objectif propre à chaque mouvement quant à l'insertion du jeune dans l'Église."
Je me demande s'il est juste de parler du scoutisme au singulier tant les mouvements sont différents. Il y a une position ecclésiale qui peut varier, ainsi qu'un objectif propre à chaque mouvement quant à l'insertion du jeune dans l'Église.
Des affinités politiques peuvent découler de l'appartenance à un mouvement plutôt qu'à un autre. "Aujourd'hui, il existe une tendance écologiste, centriste et sociétale fortement représentée chez les Scouts et Guides de France (SGDF), tandis que les mouvements de centre - centre droit sont beaucoup plus représentés chez les SUF ou les Scouts d'Europe, voire plus à droite éventuellement", précise le père Yves Combeau. Quant aux revendications identitaires de certains mouvements scouts, pour le dominicain, elles sont nées de la frustration, motivées par le besoin de se rattacher à une communauté visible d'appartenance. "Le désir identitaire des jeunes découle avant tout d'un manque de propositions identitaires. Nous avons besoin de dire qui nous sommes, car nous avons besoin de savoir qui nous sommes. Je le manifeste donc je suis. Le port de l'uniforme en public, partagé par tous les mouvements, est une forme d'identitarisme. Par l'uniforme, je me définis."
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