Trump face à l’Europe: le choc des modèles, avec Christian Saint-Étienne
Les quatre grands axes de la politique de Donald Trump, écrit Christian Saint-Étienne, sont le protectionnisme, la baisse des impôts, la lutte contre l'immigration et la fin des efforts fédéraux en faveur de l'environnement. Tout l'inverse de l'Union européenne, plateforme de libre échange. Toujours selon l'auteur, elle est non productive, exige des impôt auprès des pays membres, envisage l'immigration comme la solution à la dénatalité, et fait de l'environnement une norme qui a des conséquences sur ses industries, automobiles en particulier. Focalisant son attention sur Donald Trump, Christian Saint-Étienne nous explique comment sauver la France et l'Europe, selon lui.
Face à Donald Trump, comment sauver l'Europe ? ©rawpixel.comDans son ouvrage Trump et nous : Comment sauver la France et l’Europe, l’économiste Christian Saint-Étienne s’interroge sur la capacité de l’Union européenne à faire face à un monde de plus en plus dominé par les États-Unis et la Chine, en particulier dans le contexte du retour de Donald Trump à la présidence américaine.
L’Union européenne face au défi trumpien
Selon lui, le 45e et 47e président des États-Unis n’a jamais caché son intention vis-à-vis de l'Europe: « Il a dit qu’il voulait œuvrer à la dissolution de l’Union européenne. » Historiquement, rappelle Christian Saint-Étienne, les États-Unis ont souvent vu d’un œil méfiant l’émergence de l'Europe, susceptible de constituer une puissance concurrente, à l’image des « États-Unis d’Europe ».
Trump a dit qu'il voulait œuvrer à la dissolution de l’Union Européenne
Dans ce contexte, il estime que Donald Trump, a mis en œuvre une politique marquée par la « domination, brutalité et autocentrée ».
En comparaison, l’Union européenne continue de progresser par « petits pas », en suivant une règle « sacralisée » qui date de sa création après la Seconde Guerre mondiale. Christian Saint-Étienne décrit ce cadre comme une « colonne vertébrale de concurrence interne qui interdit l’émergence de grandes puissances ». Cela, selon lui, empêche l’UE d’avoir un vrai poids à l’échelle mondiale.
Il critique aussi la manière dont l’Union a été construite. Il considère qu’elle est devenue « intrinsèquement une bureaucratie ». «L’Union européenne s’est construite de manière si bureaucratique, au sens de la théorie économique, qu'elle en a perdu toute perspective sur sa raison d'être », écrit l’auteur. Il pense que cette organisation trop rigide a empêché l’Europe de prendre le virage de la troisième révolution, la révolution iconomique, celle du numérique. Dans un autre de ses livres L'Iconomie, pour sortir de la crise, paru en 2013, il décrit déjà cette difficulté.
L’Union européenne est intrinsèquement une bureaucratie.
Ainsi, l’Europe n’aurait pas su faire émerger de grands acteurs du numérique comme les GAFAM aux États-Unis ou les DATAHC en Chine. « On a complètement raté cette révolution », affirme-t-il.
« Nous avons besoin d’un gouvernement politique et stratégique, d’un gouvernement dynamique », souligne le titulaire de la chaire d'économie industrielle au CNAM (Conservatoire national des arts et métiers).
Sortir du carcan bureaucratique
Selon Christian Saint-Étienne, la France et l’Union européenne représentent « deux couches de fonctionnement bureaucratique : un carcan terrible pour le développement des entreprises ».
L’ancien directeur du FMI propose deux « grandes transformations ». La première est institutionnelle : transformer la Commission européenne en secrétariat du Conseil européen, avec des membres élus directement. La seconde est économique et stratégique : créer une alliance de six à dix États européens « qui veulent aller plus vite », autour d’une « politique très offensive de recherche, de développement et d'investissement pour redynamiser et redonner des perspectives de carrière et d’évolution à la jeunesse européenne ». Cette réflexion rejoint en partie les constats formulés en 2023 par Mario Draghi, ancien président de la Banque centrale européenne. Dans un rapport commandé par la Commission européenne sur la compétitivité de l’UE, Draghi identifie trois priorités majeures : innover et combler le retard technologique; avoir un plan commun pour la décarbonation/compétitivité et renforcer la sécurité/ réduire les dépendances.
Un gouvernement bureaucratique, de "petits pas" mené en fonction d'une règle statique alors qu'on a besoin d'un gouvernement dynamique.
De telles réformes exigeraient toutefois une « volonté politique ». Proche de figures telles que Michel Rocard ou Raymond Barre, Christian Saint-Étienne est persuadé que cette refonte peut se faire via « une France dirigée par des personnalités de la dimension de De Gaulle ». Il se montre plus critique envers Emmanuel Macron, qu’il décrit comme un « pur politique tacticien » sans « vision politique et stratégique », ajoutant que « Macron a plutôt accompagné cette évolution », notamment pendant la révolution numérique.
Enfin, il invite à réévaluer la relation avec les pays d’Europe de l’Est. Plutôt que de les « mépriser », il recommande d’engager un dialogue avec eux : « Il faudrait plutôt parler avec eux pour essayer de comprendre comment on pourrait s'en servir comme levier pour transformer le fonctionnement de l’UE » conclue-t-il.


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