Trois générations de chercheurs musulmans
"La preuve de Dieu" (2018, Cerf). L’ouvrage présente et analyse la mystique shi’ite à travers l’œuvre de Kulaynî, dont il traduit de l’arabe des extraits de cette œuvre inédits en français.
Al-Kulaynî (qui vécut au 3ème siècle de l’Hégire, soit au 10ème de l’ère chrétienne) est une des autorités les plus importantes du shi’isme, en particulier à travers les commentaires de son "Livre de la Preuve". Dans la langue théologique shi’ite, "la Preuve" est un des noms mystiques du Guide, l’"imâm" comme on dit en arabe. Etant un "homme divin et théophanique", le Guide est par lui-même la "preuve" de Dieu et le "modèle ultime du fidèle". La lecture shi’ite du Coran a reçu de ses sources une empreinte christique.
La lecture à la fois critique et inspirante de l’histoire du Coran et de ses sources, initiée au 19ème siècle par des érudits arabisants allemands et français, bénéficie depuis au moins trois générations en France du travail d’érudits d’origine berbère, arabe, persane, etc. Le patriarche de cette lignée – Mohamed Arkhoun – en a posé des bases solides au sein de la Sorbonne. Sa mémoire a été récemment honorée, à l’Institut du Monde Arabe, à l’occasion de la publication de certains de ses ouvrages chez Albin Michel.
Dans mon esprit, Arkhoun est l’Abraham de ceux qui, en France comme au bord de la Méditerranée, ont essayé, après lui, de faire redécouvrir la pertinence et la beauté de l’islam quand on ose faire la critique honnête et respectueuse de ses textes avec les moyens de la science. Les Bencheikh, Bidar, Meddeb, Benzine, etc., tous si différents, sont comme ses fils.
Ils condamnent les horreurs du terrorisme, ils rejettent les impasses de l’islam politique, ils renouvellent les possibles de la pratique, de la théologie et de la prière. Ils témoignent, au cœur des institutions républicaines et dans l’espace public, d’un chemin qui permet déjà aux musulmans, si nous avons des yeux et des oreilles pour voir et entendre le blé qui pousse, de sortir du "coin" où un littéralisme superficiel et l’emprise du pouvoir enferment des centaines de millions de croyants.
Je participe depuis 10 ans, avec admiration, à la découverte d’une nouvelle génération de musulmanes et de musulmans qui, s’appuyant sur les recherches des universitaires (Arkhoun etc.) et suivant leurs aînés dans l’espace public, s’engagent à revenir vers les communautés avec des projets culturels et cultuels. Ils ont foi dans la beauté de l’islam, de sa révélation et du chemin qu’il ouvre aux croyants. C’est d’elle dont ils vibrent et vivent en portant le double souci de purifier son visage et de réconcilier avec elle la société française.
Comme le dit le professeur Amir-Moezzi : "de nos jours, il devient de plus en plus indispensable de montrer de manière sereine et rigoureuse que l’islam en général et l’islam shi’ite en particulier ne se réduisent pas à ce que nous présente quotidiennement une actualité douloureuse. Le shi’isme, en l’occurrence, n’est pas uniquement l’idéologie politico-religieuse de son clergé. Il représente une religion, dans le sens le plus complexe du terme, qui a joué un rôle considérable dans l’enrichissement de la pensée et de la spiritualité musulmanes" et humaines. Il est de notre responsabilité de chrétiens d’entendre ces voix.
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