Accueil
Transmission d'une entreprise à un enfant, quelles pistes pour sa réussite ?

Transmission d'une entreprise à un enfant, quelles pistes pour sa réussite ?

Un article rédigé par Martin Obadia - RCF Haute-Loire, le 20 octobre 2025 - Modifié le 20 octobre 2025
5 minutes éco en AuvergneTansmettre son entreprise à un de ses enfants, un acte aux enjeux multiples

37 000 entreprises ont été transmises en 2024 selon la Direction générale des entreprises. Depuis 2022 leur nombre repart à la hausse après des années perturbées par la pandémie de Covid-19. La tendance pourrait s'intensifier dans les prochaines années. Il existe différents type de transmission, notamment à un enfant. Il y a des pièges à éviter et des actions à mettre en place. Nicolas Iordanoff, consultant en stratégie et conduite du changement à Alterego43 analyse cette démarche. 

Nicolas Iordanoff, consultant en stratégie et conduite du changement à Alterego43 ©RCFNicolas Iordanoff, consultant en stratégie et conduite du changement à Alterego43 ©RCF

Les transmissions d'entreprises devraient s'accentuer dans les 5 prochaines années. En cause selon la Direction générale des entreprises, de nombreux patrons qui doivent prendre leur retraite. La DGE estime qu'ils seraient environ 500 000 sur toute la décennie 2020. Certains ne vont pas trouver de repreneurs, d'autres vont céder à un salarié, à une autre société ou à un enfant, un dernier mode de transmission qui nécessite quelques règles. 

 

Martin Obadia : Quand le dirigeant réfléchit à céder à un enfant, qu'est ce qui entre en ligne de compte chez lui ? Qu'est ce qui se joue dans cette réflexion?

Nicolas Iordanoff : Il se joue des choses très profondes chez lui parce qu'il y a d'abord la crainte de lâcher l'entreprise, il faut savoir qu'il y a passé sa vie et qu'il y a fait des sacrifices aussi. Lâcher ça du jour au lendemain est très compliqué. Il y a aussi ce sentiment de trahison de son groupe d'appartenance des entrepreneurs qui est un petit groupe très restreint. L'entreprise est pour eux vécue, alors ils ne le savent pas, tout ça est inconscient, mais comme une partie de soi. Donc c'est perdre une partie de soi, de son identité, de lâcher son entreprise. Ça génère aussi une appréhension du vide qui est une composante très particulière des entrepreneurs. Ils travaillent beaucoup, très longtemps sur des grands rythmes de journées, de semaines. Et il y a derrière tout ça ce que j'appelle volontiers le syndrome des pantoufles et des discussions de tamalou.

  

MO : Expliquez nous ?  

NI : Il y a une habitude, on s'apprête à quitter un univers où tout est rapide, tout va très vite, il y a beaucoup de process en même temps, beaucoup de décisions à prendre. Et d'un coup d'un seul, on a l'impression qu'on va arriver dans un autre monde où il ne va rien se passer à part mettre ses pantoufles le matin et discuter de et toi t'as mal où ? Et ça c'est quelque chose qui n'est pas dans le registre normal de l'entrepreneur. Et c'est pour ça que certains dirigeants continueront même après la reprise à rester un peu dans l'entreprise.

 

L'enfant doit être interrogé pour savoir s'il est intéressé ou non à la reprise, c'est aussi une question compliquée ?

Oui, ce qui est observé parfois dans lors des accompagnements et des rencontres, c'est que l'enfant n'est pas forcément interrogé. Du point de vue existentiel, l'enfant parfois n'a pas l'occasion de se dire, “est ce que c'est le bon choix pour moi ? Est ce que je ne tourne pas le dos peut être à un destin plus fabuleux ou différent ?” Il peut y avoir aussi la peur de décevoir, la peur de l'échec, des coups durs et puis aussi ce sentiment de responsabilité familiale. C'est une entreprise de la famille et il peut y avoir très rapidement l'émergence du syndrome de l'imposteur chez le repreneur et puis avec cette comparaison permanente avec le cédant, c'est une pression qui est extrêmement difficile à vivre. Parfois il y a des dynamiques transgénérationnelles. C'est comme hériter d'un magnifique château du 16e siècle qui est dans la famille depuis 400 ans. Il faut imaginer le poids pour les repreneurs. On sait bien, les émissions sont nombreuses que reprendre un château n'est pas forcément un cadeau.

 

Il y a aussi celui qui dit en fait je ne suis pas partant pour reprendre et ça. Ça peut être problématique ?

Ça peut être un début d'échec pour la reprise. Donc il faut que ces questions là pour le repreneur soient posées très en amont.

L'annonce officielle constitue une véritable onction paternelle qui est un acte symbolique fort, comme le monarque qui transmettait le sceptre au prince héritier et qui, avec tous les pouvoirs qui sont afférents avec. C'est un acte officiel de reconnaissance par le père d'un repreneur pour lequel il dit, “je le reconnais apte à prendre la suite de l'entreprise”

 

Une fois que la reprise est actée, il y a l’annonce à la famille et aux salariés. En quoi c’est un moment marquant et important ?  

Ça constitue une véritable onction paternelle qui est un acte symbolique fort, comme le monarque qui transmettait le sceptre au prince héritier et qui, avec tous les pouvoirs qui sont afférents avec. C'est un acte officiel de reconnaissance par le père d'un repreneur pour lequel il dit, “je le reconnais apte à prendre la suite de l'entreprise” et c'est un acte difficile aussi. Mais c'est aussi par là que le cédant va pouvoir faire son deuil. C'est un engagement qui est très fort, tant pour le père que pour le repreneur, puisque c'est un engagement à faire fructifier l'œuvre, à la développer, à la maintenir et maintenir finalement l'héritage de la famille, la mémoire de la famille. Ce sont aussi des moments qui sont de l'ordre de la mort et de la naissance. Le cédant doit faire le deuil de ce qui a été au centre de sa vie, de ses sacrifices pour naître dans une nouvelle étape de son existence, en même temps que le repreneur doit faire le deuil de sa vie d'avant, souvent paisible, pour naître à sa nouvelle vie d'entrepreneur dont il connaît déjà les joies et les douleurs. Et ce sont des bouleversements pour les conjoints respectifs et pour l'enfant.

 

Quels enjeux s'ouvrent pour les salariés à partir du moment où l'annonce est faite, que c'est l'enfant qui reprend ?

C'est déjà une perte de repères, il peut y avoir une baisse de motivation ou ça peut être aussi une joie de voir l'ancien partir. Il y a quelque chose quand même de l’ordre de la crise de confiance, “c'était mieux avant”, la nostalgie du fondateur Autre élément : une crainte d'instabilité parce qu'on sait que peut-être, des salariés qui sont là depuis très longtemps, qui ont des compétences clés, pourraient partir aussi et mettre à mal la poursuite de la production, de la vente. Il y a souvent aussi un rapport d'âge avec la remise en cause de l'autorité, sur “il ou elle est trop jeune ou n'a pas l'expérience pour du père ou de la mère”. Ça peut être un moment aussi de manipulation et de division chez les salariés qui peuvent voir l'occasion sur certains conflits latents de pouvoir s'exprimer. Tant que le Boss, l'ancien est là, on ne touche à rien, on ne bouge pas parce qu'il y a une crainte assez naturelle dans sa manière de gérer l’entreprise depuis 30 ou 40 ans. Ce changement peut aussi être l'occasion d'un bouleversement social au sein de l'entreprise et de conflits qui se mettent à éclater.

Le cédant peut tuiler pendant un certain temps mais ça ne doit pas être trop long. C'est une affaire de 4 à 6 mois, pas plus. Après pour les salariés, on sait plus qui est le patron 

 

Comment préparer la transition quand on est le dirigeant cédant ? Quel positionnement il peut avoir dans la phase de transition ?

Il est à la fois simple et complexe. Le mieux pour un dirigeant qui va céder son entreprise à son à son enfant, c'est déjà de faire une cartographie de tous les processus clés, un organigramme clair qui soit partagé, qu'on sache où on va, quelle était la vision, la mission pour qu'elle soit partagée. Que toit soit absolument clair au moment de la transmission. Il va falloir aussi qu'il se prépare à établir des règles claires de non ingérence. Donc il peut tuiler pendant un certain temps mais ça ne doit pas être trop long. C'est une affaire de 4 à 6 mois, pas plus. Après pour les salariés, on sait plus qui est le patron, donc il faut aller très vite et puis se discipliner pour ne plus intervenir et surtout éviter le sujet dans les discussions de famille.  

 

Et pour celui qui reprend, il y a aussi une préparation, il faut se positionner comme le nouveau chef d'entreprise. Mais comment ?  

Il y a souvent 2 situations assez différentes. La première, c'est quand un enfant, depuis son plus jeune âge, traîne dans les ateliers de l'entreprise familiale et qu’il y passe ses vacances, ses soirées, et que tout doucement il s'impose assez naturellement comme le candidat repreneur naturel. Lui pourra s'assurer aussi en tant que repreneur que oui, c'est bien l'entreprise qu’il veut reprendre. Il n’y a pas de doute là-dessus. Et puis il y a l'enfant qui n'a pas eu cette expérience de l'entreprise et qui devra lui aussi à mon sens se faire accompagner par des consultants ou des coachs pour préparer en amont tout ce qui est formation, monter en compétences, entrer dans l'entreprise rapidement. Peut être faire aussi quelques pauses dans l'entreprise pour s'insérer dans les différents services aux différents niveaux de l'entreprise. Et il devra aussi assurer son propre style de management et pouvoir imposer progressivement sa vision.

Il y a à la fois poser une vision claire, la communiquer en permanence aux salariés, être en contact régulier.

 

Que faut-il mettre en place vis-à-vis des salariés ?

Une communication interne forte, une association des salariés principaux qui ont les compétences clés. Le repreneur ne doit pas hésiter à s'associer les compétences clés, les personnes clés de l'entreprise. Veiller aussi à ce que des gens ne partent pas,  veiller à poser les principes d'une continuité dans la politique sociale et salariale, maintenir des rites et des traditions qui plaisent, les habitudes. Ne pas toucher à tout ça jusqu'à progressivement aussi créer de nouveaux rites, de nouvelles habitudes. Il est possible aussi de temps en temps de s'assurer qu'il n'y a pas de contournement de la hiérarchie et que les choses se font bien dans les règles. Il y a à la fois poser une vision claire, la communiquer en permanence aux salariés, être en contact régulier. J'ai envie de dire que le repreneur doit passer au moins 50% de son temps, quand il arrive, avec chacun, chacune de ses salariés tout au long de sa journée et de sa semaine. C'est vraiment important.

 

L'intégralité de l'interview est à retrouver ci-dessous.

Nicolas Iordanoff - La transmission d'une entreprise à un enfant
5 minutes écho
Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
5 minutes éco en Auvergne
5 minutes écho
Découvrir cette émission
Cet article vous a plu ? Partagez-le :

Votre Radio vit grâce à vos dons

Nous sommes un média associatif et professionnel.
Pour préserver la qualité de nos programmes et notre indépendance, nous comptons sur la mobilisation  de tous nos auditeurs. Vous aussi participez à son financement !

Faire un don
Qui sommes-nous ?

RCF est créée en 1982, à l'initiative de l'archevêque de Lyon, Monseigneur Decourtray, et du Père Emmanuel Payen. Dès l'origine, RCF porte l'ambition de diffuser un message d'espérance et de proposer au plus grand nombre une lecture chrétienne de la société et de l'actualité.

Forte de 600.000 auditeurs chaque jour, RCF compte désormais 64 radios locales et 270 fréquences en France et en Belgique. Ces 64 radios associatives reconnues d'intérêt général vivent essentiellement des dons de leurs auditeurs.

Information, culture, spiritualité, vie quotidienne : RCF propose un programme grand public, généraliste, de proximité.Le réseau RCF compte 300 salariés et 3.000 bénévoles.