Transat Café L'OR, le skipper Yann Eliès dans une dynamique de "transmission"
La Transat Café L'Or, ancienne Transat Jacques Vabre, s'élancera le 26 octobre du Havre, direction Fort de France. Le Briochin Yann Eliès a remporté trois fois cette transatlantique en double. Entretien.
Le skipper Yann Eliès sur les rives du Golfe du Morbihan.© Archives Claire Le ParcQu'est ce que cette course représente pour vous? C'est votre dixième participation, en quoi est-elle sportivement et humainement intéressante?
Yann Eliès : "C'est une course en double et ce qui est finalement assez rare dans le paysage de la course au large française, parce qu'on est un peu monoculture, on pratique quasiment que le solitaire. Et donc un rendez vous comme ça tous les deux ans, en double, c'est une manière, je dirais, de briser un peu le le quotidien, d'embarquer une nouvelle personne à nos côtés, d'apprendre justement de cette nouvelle personne qui a des compétences différentes. C'est un moment où on essaye d'échanger, de partager et de progresser pour ensuite devenir meilleur en solitaire.
Ensuite, c'est une transatlantique qui souvent reprend quand même le début de course d'un Vendée Globe, C'est une répétition générale, un petit peu de ce qui va se passer dans dans trois ans. Pour tous ces aspects, je trouve que c'est une course qui est un peu plus humaine que les courses en solitaire qu'on fait d'habitude".
Qu'est ce qui permet selon vous de faire la différence, vous qui l'avez remporté trois fois?
Yann Eliès : Ça n'a pas été toujours très facile pour moi. Mes premières participations ne sont pas toujours soldées par des grands résultats, mais je dirais qu'il y a eu un déclic quand j'ai compris qu'il fallait prendre justement quelqu'un de différent de soi comme coéquipier et non pas un copain ou quelqu'un qui vous ressemble, parce que justement, au contraire, on va se retrouver en conflit sur des décisions météorologiques si on a les mêmes compétences. Alors que si par exemple, on prend quelqu'un qui est complètement différent et qui va analyser la météo de manière différente de vous, vous allez apprendre. Et puis, on ne va pas forcément se retrouver en conflit sur les choix. Donc voilà, tout ça m'a quand même permis d'avoir des résultats in fine et presque devenir un spécialiste du double, ce que je n'étais pas du tout à l'origine".
Parlons de la catégorie IMOCA dans laquelle vous allez concourir. Il y a pas mal de changements dans cette classe, beaucoup de bateaux ont changé de nom et ou de skipper. Est-ce que cela rabat un peu les cartes ou selon vous, c'est anecdotique?
Yann Eliès : "On est dans une année post-Vendée Globe, donc on sait que c'est une année de transition où tous les skippers qui y ont participé ; pas tous, mais presque tous, souhaitent se relancer dans une nouvelle campagne, mais n'y arrivent pas forcément tout de suite. D'autres, piqués par le virus, de nouveaux entrants arrivent et cherchent aussi à participer au prochain. Donc c'est une année de transition où effectivement, on ne retrouve pas forcément tous les 40 skippers qui ont participé au Vendée Globe parce que leurs contrats avec leurs sponsors s'arrêtent. Ceux qui continuent sont quand même bien fatigués. Ils sont un peu à la relance donc c'est vrai que c'est une année où on se retrouve avec presque moitié moins de bateaux que la dernière fois. Ça fait quand même beaucoup.
La situation économique n'est pas évidente non plus. Pas mal de choses sont figées, notamment dues à la situation économique mais aussi politique. On n'échappe pas à ce qui se passe dans les sphères parisiennes et à l'Assemblée nationale. Après nous, sportifs, de toute façon, on va arriver quand même, je pense, à avoir un plateau quand même correct, presque huit bateaux qui peuvent, je pense, jouer la gagne ou les accessits au podium donc ça ne change pas grand chose. On continuera à avoir un plateau quand même exceptionnel, je trouve".
Pour cette édition de la Transat Café L'Or, vous serez en binôme avec Élodie Bonafous. Présentée comme très prometteuse, elle s'est illustrée déjà sur ses premières courses. Qu'est ce que ça représente pour vous? Pourquoi ce choix? Qu'est ce que vous en attendez?
Yann Eliès : "C'est un peu mon côté transmission/entraîneur et c'est vrai que depuis déjà deux ans, j'ai commencé à entamer une reconversion puisque j'ai décidé de ne plus courir en solitaire. Je me dis que ce serait le moment, notamment quand je vois la performance d'Élodie Bonafous sur le dernier Vendée Globe, qu'on retrouve notre nouvelle Ellen MacArthur, ou en tout cas que cette nouvelle génération de femmes accède aux premières places du Vendée Globe. Je ne sais pas si tout le monde s'en rappelle, mais en 2001, Ellen MacArthur est une femme qui avait disputé la victoire à Michel Desjoyeaux sur le Vendée Globe et avait fini deuxième. Et depuis, plus rien !
On a eu quelques femmes à participer, mais pas de grands résultats sportifs. Et puis on sent quand même qu'il y a une nouvelle génération de femmes qui arrive. Et donc, quand la proposition est arrivée du sponsor Quéguiner qui est mon ancien sponsor et, qui plus est, celui d’Élodie, j'ai forcément adhéré au projet. Voilà, je suis dans une logique de transmission parce que j'avais déjà commencé à le faire avec notamment Charlie Dalin, puis Sébastien Simon en 2021 et avec Yoann Richomme en 2023.
J'espère qu’Élodie sera la prochaine femme à monter sur le podium du Vendée Globe. Je fais tout pour, pour lui donner tout ce que je sais faire".


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