Synode : la responsabilité des évêques en question
Durant les quatre semaines qui viennent de s'écouler, 364 pères et mères synodaux ont échangé comme jamais auparavant dans l'histoire de l'Église catholique. Mais au fond, la question qui était posée à travers les notions de co-responsabilité ou de synodalité, c'est la question du pouvoir. Qui gouverne au sein de l'Église catholique ? Et jusqu'où s'étend la responsabilité des évêques ?
On a parlé d'un synode sur la gouvernance de l'Église catholique, sur la décentralisation, sur la co-responsabilité avec les prêtres et les laïcs… Dans le fond, n'est-ce pas le rôle des évêques qui est au cœur du synode sur l’avenir de l’Église ? On en débat avec Jean-Charles Putzolu, rédacteur en chef de la rédaction francophone de Vatican News, Cyprien Viet, journaliste de l’agence iMédia à Rome, et Jean-Marie Guénois, rédacteur en chef religions au Figaro.
Un synode "sur le pouvoir"
À travers ce synode, selon Jean-Marie Guénois, "le pape pose ouvertement la question de savoir qui, dans l’Église, prend les décisions et de quelle autorité". Pour le journaliste du Figaro, c’est une façon de mettre "trop de dossiers" sur la table, au risque de rendre "ce synode confus". Reste que l’une des questions centrales est bien le rôle de l’évêque. Celui-ci est clairement posé dans l’Instrumentum laboris, le document de travail qui a guidé les échanges entre les pères et mères synodaux. Ce document "met en cause le pouvoir de l’évêque, pour moi c’est le vrai sujet du synode", affirme le vaticaniste.
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La responsabilité des évêques en question
Pourquoi questionner à nouveau le rôle des évêques ? N’avait-on pas déjà réglé la question lors du concile Vatican II ? Il y a justement dans l’Église catholique "une certaine relecture critique" de Vatican II, rappelle Cyprien Viet, de l’agence iMédia. On reconnaît que si l’on s’est beaucoup penché dans les années 60 sur "la collégialité épiscopale", la notion de "co-responsabilité n’avait pas à l’époque été un sujet assez fouillé". Par co-responsabilité, il faut entendre la place que peuvent prendre les prêtres, les diacres, les religieux, mais aussi les fidèles pour élaborer ou prendre des décisions. À cet égard, selon le vaticaniste, on peut voir le synode comme une volonté de "prolonger le concile en abordant ces zones qui n’avaient pas été suffisamment explorées".
Vatican II ou pas, c’est "la crise des prêtres pédophiles, les scandales d’abus sexuels dans l’Église" qui, pour Jean-Marie Guénois, "a mis en difficulté les évêques et le niveau épiscopal et la gestion des évêques". De fait, Jean-Charles Putzolu rappelle que cette crise a révélé "une verticalité de l’Église". "Les dossiers remontaient jusqu’à Rome et ne redescendaient pas forcément. Et en l’absence de réponse, que faisaient les évêques ? On peut les accuser de tout, mais il y a cette procédure-là, cette hiérarchie, cette verticalité qui n’a pas fonctionné."
Décentralisation : que veut le pape François ?
La décentralisation dont le pape François a souvent parlé va-t-elle affaiblir le rôle des évêques ou au contraire le renforcer ? Pour Jean-Charles Putzolu, rédacteur en chef francophone de Vatican News, il y a "une volonté de décentralisation aux conférences épiscopales" mais "dans le respect de l’autorité". Le pape "demande aux évêques d’écouter, de consulter mais de décider".
Le pape a-t-il en tête un modèle continental ? On sait le rôle qu’il a pu jouer quand il était archevêque de Buenos Aires au sein du Conseil épiscopal latino-américain (Celam). Va-t-on vers une synodalité décentralisée où, continent par continent, on pourrait prendre des décisions indépendamment de l’autorité romaine ? Jean-Charles Putzolu souligne que le Celam est un exemple de "concertation" et de "collégialité". "Ce n’est pas une autorité qui décide au nom des autres, c’est une autorité qui applique des décisions qui ont été prises ensemble." On ne peut, selon lui, que constater en regard "la faiblesse des instances européennes".
Le risque avec ce type de décentralisation, prévient Jean-Marie Guénois c’est "de créer beaucoup de divisions comme on le voit chez les protestants, qui sont des Églises atomisées, et comme on le voit chez les orthodoxes, qui sont des Églises liées aux nations".
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