LE POINT DE VUE DE STEPHANE VERNAY - Ce matin, Stéphane Vernay s’interroge sur la décision de justice concernant Marine Le Pen. Procès politique ou peine juste ? Les deux récits vont s’opposer de manière très spectaculaire autour de l’affaire des assistants parlementaires européens du Front national.
Quelle que soit la décision des juges, qui rendront leur décision ce lundi matin, on peut s’attendre à une tempête médiatique infernale. Une relaxe des prévenus paraît peu probable, compte tenu de ce qui s’est dit et de ce qui a été produit au tribunal pendant le procès. Si les juges le font, ce qui est possible, l’argument du « procès politique » sera crié avec force, mais plus par les mêmes bouches.
C’est la gauche et les démocrates qui crieront au scandale, en affirmant que Marine Le Pen échappe à une condamnation par magouille, tandis que le RN pourra parader en clamant qu’ils avaient raison depuis le début, après avoir répété partout que leur patronne est innocente.
Et si Marine Le Pen est condamnée, ses sympathisants monteront au créneau en hurlant, avec elle, que tout cela n’a été pensé, organisé et réalisé que dans un seul but : l’abattre. L’empêcher de remporter l’Élysée en 2027. La condamner à mort politiquement, surtout si les juges décident d’assortir sa condamnation d’une peine d’inéligibilité exécutoire de cinq ans, comme l’avait demandé le parquet pendant le procès.
De fait, si cette peine d’inéligibilité est prononcée contre elle, elle ne pourra pas se présenter en 2027. Le problème, c’est que si les juges considèrent que le Front national s’est bel et bien rendu coupable d’un détournement massif d’argent public pendant des années, je ne vois pas bien comment ils pourraient condamner l’ancienne présidente du parti sans prononcer cette peine d’inéligibilité à son encontre, prévue dans la loi. Ils peuvent décider de ne pas la rendre exécutoire, ce qui signifierait qu’il faudrait attendre que tous les recours juridiques soient épuisés – en appel, en cassation – avant de l’appliquer.
Certains imaginent déjà le président de la République user de son droit de grâce pour permettre à Marine Le Pen d’être candidate en 2027, mais là aussi, vous imaginez les cris de protestation à venir en pareil cas ? De quel droit Marine Le Pen serait-elle au-dessus des lois ? Au nom de quoi devrait-elle bénéficier d’un traitement de faveur ? Au nom du libre exercice de la démocratie ? C’est un argument intéressant. Il a été repris par plusieurs adversaires de Marine Le Pen, qui ont déclaré qu’ils préféraient la battre « dans les urnes » plutôt que par une décision de justice.
Le problème, c’est que cet argument accrédite, sans le dire tout à fait, l’idée que les juges ne devraient pas avoir le pouvoir de rendre Marine Le Pen inéligible. Que ce serait « antidémocratique », contraire à la volonté du peuple, et la démonstration que notre vie publique serait soumise à ce qu’on appelle le « gouvernement des juges ». Alors même que les juges ne font qu’appliquer le droit, conformément aux lois votées par les représentants du peuple, légitimement élus, que sont les députés.
C’est précisément parce que les citoyens de ce pays exigeaient des mesures fortes contre la corruption des politiques que ceux-ci ont conçu cette peine d’inéligibilité, avec exécution immédiate. C’est pour cela qu’elle a été débattue et votée par tous les partis, y compris le Rassemblement national, qui a toujours réclamé fermeté et tolérance zéro en la matière. Appliquer la loi, telle qu’elle a été soutenue à l’unanimité par les représentants du peuple français, ça, c’est la démocratie. Exiger que la loi s’applique à tous sauf à vous-même le jour où vous êtes sur la sellette, ça, ce n’est pas la démocratie. C’est du populisme de bas étage.
Des chroniqueurs d'horizons variés nous livrent leur regard sur l'actualité chaque matin à 7h20, dans la matinale.
- Le lundi : Stéphane Vernay, directeur de la rédaction de Ouest-France à Paris, et Arnaud Benedetti, rédacteur en chef de La revue politique et parlementaire ;
- Le mardi : Corinne Bitaud, agronome et théologienne protestante, et Marie-Hélène Lafage, consultante en transition écologique auprès des collectivités territoriales ;
- Le mercredi : Clotilde Brossollet, éditrice, et Pierre Durieux, essayiste ;
- Le jeudi : Antoine-Marie Izoard, directeur de la rédaction de Famille chrétienne ; Aymeric Christensen, directeur de la rédaction de La Vie ;
- Le vendredi : Blanche Streb, essayiste, chroniqueuse, docteur en pharmacie, auteure de "Grâce à l’émerveillement" (éd. Salvator, 2023), "Éclats de vie" (éd. Emmanuel, 2019) et "Bébés sur mesure - Le monde des meilleurs" (éd. Artège, 2018), et Elisabeth Walbaum, Déléguée à la vie spirituelle à la Fédération de l'Entraide Protestante.
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