Jonathan Cornillon, normalien, spécialiste de la Rome antique et des premiers siècles du christianisme, maître de conférences à Sorbonne Université, a étudié le rapport entretenu par Jésus et des premiers chrétiens avec l’argent. Il arpente dans son ouvrage Le partage Jésus, les premiers chrétiens et l'argent (aux éditions de Cerf) la notion de partage sur laquelle se fonde le fonctionnement économique des premières générations de chrétiens tout en montrant qu'une grande majorité de l'exégèse, libérale et conservatrice, a cherché à minimiser la radicalité du modèle de solidarité matérielle et de propriété développé par Jésus et par les premiers chrétiens.
La Pentecôte, célébrée ce lundi 9 juin 2025, marque pour les chrétiens la naissance de l’Église missionnaire de Jésus avec les Douze. Spécialiste de la Rome antique et des premiers siècles du christianisme, Jonathan Cornillon a étudié l’organisation du financement de l’évangélisation depuis Jésus jusqu’au IIIe siècle de notre ère.
Dans le Nouveau Testament, Jésus prône le partage. Il choisit, avec ses disciples, un mode de vie fondé sur la mise en commun des biens, à l’opposé de la propriété privée. Ils vivaient grâce aux dons, en particulier de femmes qui les soutenaient matériellement. Comme le rappelle Jonathan Cornillon dans son ouvrage Le partage. Jésus, les premiers chrétiens et l’argent :
"Marie, dite de Magdala, de laquelle sept démons étaient sortis (...) et de nombreuses autres qui les aidaient de leurs biens (Lc 8, 1b-3)."
Cette mise en commun permettait de constituer ce que Cornillon appelle une "caisse commune", destinée à subvenir aux besoins du groupe et à soutenir les plus pauvres.
L’évangile selon Luc, dans Les Actes des Apôtres, révèle que les premiers chrétiens "mettaient tout en commun." Ce modèle communautaire puise aussi dans une culture philosophique antique. Jonathan Cornillon souligne la proximité de cette vision avec celle exprimée par Aristote dans l’Éthique à Nicomaque (livre IX) :
"Souhaitant, en effet, vivre avec leurs amis, ils s’adonnent et participent de concert à ces activités, qui leur procurent le sentiment d’une vie en commun. "
Les apôtres, baignés dans un monde profondément hellénisé, adoptent donc une forme de solidarité radicale inspirée de cette vision de l’amitié.
Mais cette caisse commune n’est en aucun cas une institution bancaire ou une forme d’organisation économique coercitive. Jonathan Cornillon précise que confondre ce modèle avec le communisme serait anachronique. Le communisme implique une redistribution contrainte des biens dans un cadre institutionnel, ce que ne faisait pas la communauté chrétienne primitive qui œuvrait en vue de la charité.
Au contraire, il s’agit d’un engagement volontaire, fondé sur une conviction spirituelle et un impératif moral de solidarité. Jonathan Cornillon insiste sur le fait que ce sont les lectures libérales et conservatrices de l’exégèse contemporaine qui ont le plus contribué à édulcorer la radicalité du message de Jésus et de ses disciples sur le plan matériel.
Jésus, selon l'écrivain, enseigne à ses disciples que l’argent doit être utilisé pour vivre sobrement et aider les pauvres en priorité. Les collectes organisées visaient principalement à soutenir les plus démunis, notamment les chrétiens indigents de Jérusalem.
En outre, dénonçait la dissimulation des biens et l’avidité, rejetant toute logique d’accumulation pour elle-même. L’argent, n’a de légitimité que dans son usage au service des autres, jamais dans l’enrichissement individuel, doit être dépensé en priorité dans le cadre du "principe de l'aide aux pauvres" comme l'atteste l'auteur.
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