Santé : à Ambert, l'illustration de la désertification médicale

Un article rédigé par Jean-Baptiste Labeur - RCF, le 10 mars 2022 - Modifié le 10 mars 2022

Suite de notre semaine spéciale "La voix des régions" en Auvergne-Rhône-Alpes à l'occasion de l'élection présidentielle. Direction l’Auvergne et plus particulièrement à Ambert, dans le Puy-de-Dôme. Une ville qui illustre bien la problématique des déserts médicaux en France.
 

Hôpital d'Ambert - Jean-Baptiste Labeur RCFHôpital d'Ambert - Jean-Baptiste Labeur RCF

Se rendre à Ambert dans le Puy-de-Dôme, via Montbrison, n'avait pas comme seule motivation le fromage, bien connu, qu'on y fait. A l'automne dernier, les urgences de l’hôpital et le SMUR ont fermé durant trois semaines. Une décision temporaire de la direction en raison d’un manque de médecins qui a déclenché la colère des élus locaux et la mobilisation des habitants. Depuis, ces services ont rouvert mais les Ambertois sont toujours inquiets et prêt à se remobiliser.

 

Une logique de déconstruction de l'hôpital

L’hôpital d’Ambert représente un bassin de vie de 30.000 habitants. Pour rappel, sur place, le coup de grâce est venu d’une nouvelle loi santé, la loi Rist. L’article 33 de ce texte plafonne les tarifs de l'intérim médical dans le public. Et à Ambert on avait beaucoup recours à l’intérim. Sur onze postes d’urgentistes seulement un et demi était assuré par un permanent. Et avec les nouveaux tarifs plafonnés, la plupart des intérimaires  ne sont pas restés. Du côté des syndicats de soignants, on considère que cette fermeture même temporaire s’inscrit dans une logique de déconstruction de l’hôpital. C’est l’avis de Maryline Barnier, aide-soignante et déléguée FO à l’hôpital d’Ambert.

 

"L'hôpital d'Ambert a souvent été sacrifié. On a vu des services disparaître au fil des années. Là, il y a des travaux qui sont en train de se faire sur l'ancienne réanimation. Ce service de cinq lits a fermé en 2008. La chirurgie a fermé bien plutôt. La maternité a fermé en 2006. Tous les deux trois ans, un service ferme. Jamais dans la tête des gens, on s'était dit qu'un service d'urgence ou de SMUR pouvait fermer. C'est vital" explique-t-elle au micro de RCF.

 

Attirer de nouveaux professionnels de santé

A ce stade les urgences ne sont pas encore sauvées, elles fonctionnent grâce aux renforts fournis par les hôpitaux de Clermont-Ferrand et de Thiers. Le maire de la ville, Guy Gorbinet, bataille encore pour remplir les planning. "On travaille au mois. Pour l’instant, les urgences de mars sont pleines. On travaille sur avril. On va travailler pour pérenniser ces postes et d’avoir trop recours à l’intérim. On est des habitants comme les autres, on mérite tout à fait le maintien des urgences au sein de l’hôpital" lance-t-il notamment.

Pérenniser ces postes à Ambert c’est le défi aussi pour le nouveau directeur de l’hôpital Julien Cestre. "Il faut aussi que nous puissions attirer les professionnels. Cela peut concerner le niveau de rémunération, le rapport vie privée/vie professionnelle. Cela doit impacter la qualité de vie au travail. Il y a différentes pistes qui sont étudiées. Il faut que nous puissions proposer des choses pour que les professionnels puissent trouver un sens à leur métier, et c’est aussi dans ce sens-là, un projet sur les établissements" explique le nouveau directeur.

La création d'une maison médicale

Attirer des praticiens à l’hôpital public c'est bien.  Mais attirer des libéraux, c'est encore mieux. Ambert est un désert médical. Depuis plusieurs années, des soignants poussent à la création d’une maison de santé regroupant médecins généralistes ou spécialistes, infirmières et un laboratoire d’analyse. Une maison dont les travaux ont débuté depuis peu en face de l’hôpital. La première pierre était d'ailleurs posée cette semaine. 

 

"Il y avait une surcharge immense. Chaque jour des patients frappent à notre porte et ne peuvent pas accéder à notre patientèle car nous sommes déjà à Ambert sur le double de la moyenne nationale de patients par médecin. Nous sommes submergés, un peu comme un Boeing qui aurait pris trop de passagers. Nous sommes obligés de fermer nos portes et il est difficile de dire non. Un territoire qui n’a pas de sécurité, d’école et de santé, c’est un territoire qui n’attire pas et qui ne peut pas vivre sereinement. On a beaucoup de familles qui viennent s’installer ici et qui disent que s’il n’y a pas de médecins, elles ne resteront pas" rappelle Marie-Claire Bui, un médecin à l'initiative du projet.

 

La santé, premier pilier d'attractivité d'un territoire

Si tout va bien, cette nouvelle maison de santé ouvrira dans 15 mois. C’est un enjeux d’attractivité pour le territoire souligne le maire Guy Gorbinet alors que la population a tendance à s'accroître. "Avec le Covid, nous avons eu l’installation de gens que nous n’avions pas l’habitude de voir. Avec également le bassin d’emploi d’Ambert. Nous avons vu des gens entre 25 et 45 ans s’installer. Ces gens-là regardent s’il y a un hôpital et s’ils peuvent se faire soigner correctement. La santé est vraiment le premier pilier de l’attractivité du territoire" précise le maire d'Ambert.

 

Les élus locaux souhaitent que cette maison de santé s’articule avec les urgences. Mais les syndicats de soignants restent vigilants. Pour Maryline Barnier, l’ouverture cette maison ne doit pas être un prétexte pour fermer les urgences. "On veut que cet établissement soit réhabilité. On veut que les urgences restent ouvertes en deux lignes, urgence et SMUR, H24. On ne peut "pas réduire davantage l’offre de soins. Il faut se donner les moyens de pérenniser ce qui est existant, et même de développer. On demande aux politiques dans leur programme présidentiel de mettre le paquet sur la santé, comme ils l’ont mis sur le quoi qu’il en coûte" conclut la syndicaliste.

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