Rony Brauman est médecin. Il est l'ancien président de Médecins sans frontières, directeur de recherche à la Fondation MSF, auteur de "Guerre humanitaire : mensonge et intox" (éd. Textuel)
En Syrie, dans le quartier de la Ghouta orientale, la trêve d’un mois demandée par le Conseil de sécurité de l’ONU n’a pas abouti. La trêve de cinq heures par jour exigée par Poutine n’a pas fonctionné également. "La trêve demandée par le président russe était une trêve partielle. Elle ne concernait que certains groupes armés et pas les autres. Or comme le mélange entre ces groupes est constant, il est évident que c’était une annonce pour la galerie mais qui n’était pas appelée à être suivie d’effets. Je vois un pays et une population qui plonge dans l’enfer. Des groupes armées qui vont jusqu’au bout, qui pensent encore après six ans de guerre qu’ils peuvent obtenir une victoire totale. On ne voit pas aujourd’hui d’issue possible. Et l’Occident n’est pas parvenu à rétablir les rapports de force" analyse l’ancien président de Médecins sans frontières.
En Syrie, au Yémen, les populations semblent aux prises avec des intérêts régionaux qui les dépassent totalement. "C’est une situation que l’on voit dans toutes les guerres. Sans doute apparaît-elle de manière plus nette aujourd’hui. Il n’y a pas tant de choses nouvelles que cela" explique-t-il, ajoutant que "le moment où les patrons pouvaient faire marcher leurs clients au pas est révolu", au sujet des grandes puissances internationales.
Face à l’horreur vécue par les populations, apparaît parfois une certaine forme de lassitude. "On se blase un peu. Un médecin qui souffrirait devant chaque patient comme il a souffert au moment où il faisait ses études n’arriverait pas à survivre très longtemps. Inévitablement, on se durcit. Et je dis cela sans le moindre cynisme" ajoute Rony Brauman.
Autre sujet d’inquiétude pour les organisations humanitaires, la situation des Rohingyas en Birmanie. "Une minorité qui devient un bouc émissaire est quelque chose de très classique. Mais je me permets de récuser le terme de catastrophe humanitaire. Il y a une politique de terreur à leur encontre destinée à les expulser au Bengladesh. Ils sont considérés comme étrangers en Birmanie. Sur le plan de l’assistance, il n’y a rien de spécifique" précise le médecin humanitaire.
Ce dernier vient de publier "Guerre humanitaire : mensonge et intox" (éd. Textuel). Un ouvrage où il reprend la notion de guerre humanitaire, de guerre juste, que l’on doit à Saint Thomas d’Aquin. "J’ai d’abord été frappé que les critères de la guerre juste tels qu’ils ont été édictés par Saint Thomas il y a sept siècles, ont été repris à leurs comptes par les législateurs internationaux. Les notions de cause juste, d’autorité légitime, de moyens proportionnés, de guerre comme ultime recours et de chance raisonnable de succès, permettent de penser, si on n’est pas intégralement pacifiste, les guerres humanitaires. Il y a des guerres légitimes" conclut Rony Brauman.
RCF est une radio associative et professionnelle.
Pour préserver la qualité de ses programmes et son indépendance, RCF compte sur la mobilisation de tous ses auditeurs. Vous aussi participez à son financement !