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Retraites : Taxé de partialité, le Conseil constitutionnel au centre de l'attention à l'heure de rendre une décision cruciale

Retraites : Taxé de partialité, le Conseil constitutionnel au centre de l'attention à l'heure de rendre une décision cruciale

Un article rédigé par Constantin Gaschignard - RCF, le 13 avril 2023  -  Modifié le 17 juillet 2023
L'Invité de la Matinale "Le Conseil constitutionnel ne nous a pas habitués à une jurisprudence sociale"

Grand soir des oppositions ou lettre à la poste pour l'exécutif ? Saisi à quatre reprises en contrôle a priori, le Conseil constitutionnel rend vendredi 14 avril sa décision sur la loi retraites. De part et d'autre de l'échiquier politique, des voix s'élèvent pour contester la légitimité de la rue de Montpensier.

La façade du Conseil constitutionnel, 2 rue de Montpensier, à Paris ©Gauthier Bedrignans / Hans Lucas La façade du Conseil constitutionnel, 2 rue de Montpensier, à Paris ©Gauthier Bedrignans / Hans Lucas

Sur la réforme des retraites, adoptée au forceps mi-mars, le Conseil constitutionnel n'a pas manqué de saisines. Quatre en tout, en contrôle a priori de la loi controversée. L'une émane de la Première ministre, les trois autres de groupes parlementaires :  les députés RN, les députés NUPES et Liot, ainsi que la gauche sénatoriale. Cela n'aurait pas été possible avant 1974, date à laquelle la saisine des Sages fut ouverte à un consortium d'au moins 60 députés ou 60 sénateurs. Quatre saisines donc, mais "une décision", précise Lauréline Fontaine, professeur de droit public à l'université Sorbonne-Nouvelle (Paris-III). Le Conseil va statuer sur la loi et se saisir des différents arguments qui lui ont été présentés"

 

 

Le Conseil constitutionnel ne nous a pas habitués à une jurisprudence très sociale

 

 

"On ne peut jamais pronostiquer une décision de justice, on peut seulement imaginer des choses au regard de ce qu'il a déjà fait", admet la constitutionnaliste, qui constate que "le Conseil ne nous a pas habitués à une jurisprudence très sociale, dans la mesure où il n'a jamais consacré la notion de République sociale qui figure pourtant à l'article premier de la Constitution. Il a plutôt tendance à valider des réformes économiques et financières, comme la réforme actuelle".

 


Plusieurs scénarios envisageables

 

Pour la décision qui sera rendue vendredi 14 avril, trois scénarios sont possibles. Une validation complète du texte, une censure totale, une censure partielle. Dans ce dernier cas de figure, la loi pourra être promulguée amputée de ses articles jugés non conformes. "Il existe des arguments assez forts en faveur de la censure, comme le fait d'avoir recouru à l'article 47-1 de la Constitution, qui permet de limiter la durée des débats parlementaires, et même impossibilité de vote pour l'Assemblée nationale, qui je le rappelle n'a pas voté en première lecture", estime Lauréline Fontaine, à qui la censure totale paraît hautement improbable : "Depuis 1959, il a rendu moins d'une vingtaine de décisions de censure totale sur 1700 ou 1800 décisions sur les lois". 

 

 

Manque d'indépendance et d'impartialité


Auteur d'un tout récent livre à charge contre la juridiction garante de la Constitution*, la juriste dénonce "les insuffisances de cette institution qui se revendique depuis tant d'années comme un protecteur des droits et libertés, comme une instance qui opposerait aux majorité politiques successives une parole plus forte, celle de la Constitution". Elle incrimine un organe "pas véritablement indépendant", "pas impartial". "Jacqueline Gourault, qui est membre du Conseil constitutionnel, est une ancienne ministre qui avait porté le premier projet de réforme des retraites sous Édouard Philippe (elle occupait alors le portefeuille de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, ndlr). Donc on ne peut pas dire qu'elle statue en toute impartialité".

 

 

Jacqueline Gourault, qui est membre du Conseil constitutionnel, est une ancienne ministre qui avait porté le premier projet de réforme des retraites sous Édouard Philippe

 

 

Renouvelés par tiers tous les trois ans, les neuf Sages sont nommés pour neuf ans, par le président de la République (3), celui du Sénat (3) et celui de l'Assemblée nationale (3). Leur profil politique est régulièrement critiqué. Sur BFMTV hier, Marine Le Pen jugeait que le système de nomination et la composition du Conseil "mériterait peut-être réflexion".

 

"Il n'y a pas de véritable débat contradictoire", regrette Lauréline Fontaine.  "Un rôle surdimensionné est donné au gouvernement qui défend bec et ongles sa loi devant le Conseil, tandis que les autres intérêts ne sont pas véritablement représentés". En France, la procédure de contrôle de constitutionnalité a priori ne donne habituellement lieu à aucun débat contradictoire en séance publique. Une exception en Europe.

 

 

*Lauréline Fontaine, La Constitution maltraitée, Editions Amsterdam, 2023, 20 euros

 

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Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
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