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Retraites : les agriculteurs dans l'attente d'un prolongement des lois Chassaigne

Retraites : les agriculteurs dans l'attente d'un prolongement des lois Chassaigne

Un article rédigé par Stéphane Marcelot - RCF Puy de Dôme, le 17 novembre 2025 - Modifié le 17 novembre 2025

Depuis trente ans, l'Association des retraités agricoles (Adra) se mobilise pour l'amélioration des retraites paysannes. Entretien avec son président dans le Puy-de-Dôme, Bernard Favodon, au moment où le débat sur la réforme des retraites demeure vif.

Bernard Favodon, président de l'Association départementale des retraités agricoles dans le Puy-de-Dôme et vice-président de l'association nationale éponyme © RCFBernard Favodon, président de l'Association départementale des retraités agricoles dans le Puy-de-Dôme et vice-président de l'association nationale éponyme © RCF

Comment est née l’Association des retraités agricoles ?

Il convient d’abord de préciser que ce n’est pas un syndicat. Elle s'est constituée il y a une trentaine d'années. Un responsable syndical de la Dordogne, qui siégeait au conseil d'administration de la FNSEA à Paris a dit un jour, bon écoutez, il y a longtemps que je réclame que l’on défende des retraites agricoles, vous ne voulez pas le faire, il a claqué la porte et il a monté une association. Voilà l’origine.

La bataille n’a alors fait que commencer...

Il faut se remettre dans l'époque : c'était la solidarité intergénérationnelle dans les exploitations qui prévalait. Moi, je l’ai connue. Nous étions trois générations sous le même toit, donc personne ne se préoccupait des retraites agricoles, y compris le syndicalisme qui était co-gestionnaire de la politique agricole. Ce qui fait que nous avons été invisibles, oubliés de la République durant longtemps. En 2002, Germinal Peiro, député socialiste de la Dordogne, membre de la majorité Jospin à l'époque, nous a obtenu la retraite complémentaire obligatoire. C’est à ce moment-là que nous nous sommes rendu compte que les artisans et les commerçants bénéficiaient de cette RCO depuis 1975…

Il y a 5 ans, la première loi Chassaigne était adoptée ; Le montant des pensions de retraite est passé de 75% à 85% du SMIC net agricole pour les anciens chefs d’exploitation ayant eu une carrière complète. Un accélérateur ?

Nous avions rencontré à plusieurs reprises André Chassaigne. Cette loi, elle a été votée à l'unanimité à l'Assemblée Nationale, ce qui est à souligner, les textes transpartisans se font tellement rares aujourd’hui... Il y a eu ensuite une deuxième loi Chassaigne pour la revalorisation des petites retraites agricoles des conjointes, des aides familiaux, ce qui a permis d'augmenter entre 75 et 150 euros les retraites mensuelles. Désormais, nous attendons une troisième loi, qui sera pas Chassaigne, mais qui émanera de son successeur au Palais-Bourbon , Julien Brugerolles. Une troisième loi qui vise à réparer les injustices de la première. Alors pourquoi les injustices ? Parce que les 85% du SMIC, sans doute que le gouvernement à l'époque trouvait que cela coûtait trop cher à la nation, donc ils ont mis l'écrêtement. Il faut savoir que 80% des agriculteurs sont polypensionnés. Il y en a qui ont fait de l'abattage dans le livre à doigts, d'autres qui ont fait du ramassage scolaire, et les élus. Ce qui fait que cette loi, elle était destinée à 330 000 exploitants agricoles à temps complet, et il y en a 100 000 qui ont été éliminés avec cet écrêtement-là. Donc nous, on demande la suppression de l'écrêtement. Et nous espérons que cette loi sera présentée au mois de juin 2026.

On est dans une phase de tiers-mondisation de nos campagnes

Le niveau des pensions de retraites fait actuellement l’objet d’une bataille au Parlement, le coût de la vie reste un handicap pour bon nombre de retraités. Quelles remontées avez-vous du terrain ?

Les gens sont en attente, parce que tout de suite... Bon, 85% du SMIC, cela fait 1 200 euros. Mettons à peu près 200 000 agriculteurs qui sont à 85% du SMIC. Mais après, les femmes d'exploitants... Parce que nous, on demande la parité. La parité, on ne l'a pas encore. Une femme d'exploitant, elle a 650 euros de retraite tout de suite. Il y a beaucoup de chemin encore à faire pour arriver à une parité, à des retraites qui soient au moins à l'équivalent du SMIC. Vous savez, vous avez beaucoup de personnes qui sont dans un état terrible. Ce sont des hommes et des femmes qui ont travaillé énormément. On fait pas de corporatisme. Mais nous estimons que la nation a une dette envers cette génération-là. Parce que maintenant, les choses ont changé. Pour 80% des exploitants, actuellement, leurs femmes, leurs épouses travaillent à l'extérieur. Donc on n'est plus du tout dans la même situation.

Beaucoup d’agriculteurs ont du mal à anticiper, prévoir leur retraite. Parfois à accepter l’étape d’après. Il y a toujours un cap psychologique à passer ?

Nous en parlons, et nous en parlons même énormément. Et puis en plus, nous sommes très préoccupés par la désertification, les déserts médicaux. Le prix des EHPAD, qui est inaccessible pour des petites retraites... On est dans une phase... Je l’ai dit l'autre jour. On est dans une phase de tiers-mondisation de nos campagnes. Quand vous pensez qu'il y a un an ou deux, Médecins du monde est intervenu à Saint-Éloi-les-Mines. Récemment, j’ai échangé avec un médecin salarié du Conseil départemental, à Saint-Gervais, qui m’a dit j’ai vu des gens âgés. Cela fait 5 ans qu'ils avaient pas consulté un médecin. 5 ans. Alors quand on connaît les pathologies qu'on développe en vieillissant , c'est quand même très inquiétant.

 

 

 

 

 

 

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