Reconnaissance de la Palestine par la France à l'ONU "C'est bien tardif. Gaza est irrémédiablement détruite." pour le frère Jean-Jacques Pérennès
Ce lundi, à l'occasion de la 80e assemblée générale des Nations Unies à New-York, Emmanuel Macron annoncera la reconnaissance par la France de l'Etat de Palestine. Dès ce dimanche, le Royaume-Uni, le Canada et l’Australie ont formellement reconnu l’Etat de Palestine. Notre grand témoin du jour est dominicain. Natif de Tréguier (22), le frère Jean-Jacques Pérennès a été directeur de l'Ecole biblique et archéologique française de Jérusalem de 2015 à 2023. Il a également dirigé l'Institut dominicain d'études orientales du Caire en Egypte pendant 15 ans.
© Amélie Gazeau RCFRCF en Bretagne : Quel regard portez-vous sur cette reconnaissance de la Palestine par la France?
Frère Jean-Jacques Pérennès : C'est bien tardif. Cela fait 70 ans que la Palestine a été divisée. La création de l'État d'Israël remonte à 1948. Et il y a eu une vraie tentative, à l'époque les Palestiniens n'ont pas accepté d'être amputés de la moitié de leur territoire, et on le comprend. Ensuite, il y a eu une tentative d'un accord, au moment des Accords d'Oslo en 1993, et là on a vraiment espéré que les choses puissent un peu avancer, puis ça n'a pas abouti.
Parce qu'il y a eu un sabotage assez systématique de ces accords, de la part d'Israël et aussi un manque de leadership de la part des Palestiniens. Et aujourd'hui, s'il y a reconnaissance d'un État, on ne voit plus très bien à quoi ça va conduire puisque Gaza est détruite, irrémédiablement détruite, pour très longtemps. Et la Cisjordanie ne peut plus constituer une continuité territoriale puisqu'il y a entre 7 et 800 000 colons israéliens en Cisjordanie.
Comment aujourd'hui avoir un État viable ? C'est très fragile. En même temps, symboliquement, c'est important, c'est quand même une réaffirmation du droit. Et une des choses qui est en cause depuis des décennies, c'est le non-respect du droit et du droit international. C'est important que les Nations Unies puissent rappeler qu'on ne fait pas n'importe quoi. Il y a un droit, un droit international qu'il faudrait respecter. Aujourd'hui, de façon ouverte et délibérée, il y a un déni de droit des Palestiniens dans beaucoup de leurs contextes.
RCF en Bretagne : Ce n'est pas parce que certains États reconnaissent l'Etat palestinien que le projet de deux États redevient possible, encore moins dans ce climat.
Frère Jean-Jacques Pérennès : Israël, de toute façon, ne le veut pas, et les États-Unis actuellement, qui ont une voix de veto au Conseil de Sécurité, qui est indispensable - il ne faut pas de veto au Conseil de Sécurité pour que la résolution puisse vraiment passer -; donc les États-Unis soutiennent Israël, financent l'effort de guerre, surtout depuis l'administration Trump, mais c'était déjà le cas avant. Donc, je ne vois pas comment les choses peuvent avancer, non.
RCF en Bretagne : Si la France prend cette position aujourd'hui, est-ce que ça peut changer quelque chose pour les religieux et religieuses françaises présents en Terre Sainte ?
Frère Jean-Jacques Pérennès : Je ne pense pas directement. Non, vous savez, ces communautés sont quand même très modestes et leur mission, c'est surtout d'être une présence d'amitié et de travail, et si possible de réconciliation, essayer de garder le lien avec les personnes. Donc ça, évidemment, c'est à la fois le le monastère d'Abou Gosh, les Dominicains, les Pères Blancs de Sainte-Anne, et cetera, font ce travail, mais dans un contexte aussi, où c'est difficile de faire plus. Rester, tenir, c'est déjà un un gros pari aujourd'hui, avec une position évangélique, c'est-à-dire de ne pas rejeter l'autre.
RCF en Bretagne : Vous parlez des chrétiens là-bas. Avons-nous, ici, un rôle ? Peut-on faire quelque chose à notre échelle, pour ces deux peuples israéliens et palestiniens ?
Frère Jean-Jacques Pérennès : Je pense que déjà aujourd'hui, il serait souhaitable que des chrétiens retournent visiter les chrétiens palestiniens. Ce n'est pas dangereux aujourd'hui d'aller à Jérusalem, à Bethléem, à Nazareth. Donc, il serait urgent que des pèlerinages reprennent. J'ai beaucoup apprécié que le nouveau président de la Conférence des évêques de France, le Cardinal Aveline, soit allé en Terre Sainte, ça a été son premier voyage à l'étranger.
Son prédécesseur y était allé aussi, mais dans le contexte d'aujourd'hui, c'est encore plus parlant. Et donc, pour signifier justement la solidarité, je pense que nous les chrétiens devons continuer à soutenir des projets agricoles, associatifs, humanitaires. Ne pas baisser les bras quand on ne voit pas vers où aller. C'est de l'ordre de la foi et de l'espérance.


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