Le contexte des relations Europe-Afrique a beaucoup changé ces deux dernières décennies.
Pensez-vous que l’importance politique et économique de l’Europe pour l’Afrique diminue par rapport à d’autres partenaires ?
Oui, la tendance est nette : si l’Europe est encore destinataire de 30% des exportations africaines, c’était 42% en 2000. La Chine représente aujourd’hui 30% des flux d’investissement direct étranger en Afrique, alors que la France n’en fournit que 5%, comme le Royaume-Uni, et l’Allemagne 2%, même si l’Europe reste première en stock d’investissements étrangers.
A l’inverse, les migrations deviennent un sujet important pour les Européens, même si ce sont des pays africains qui accueillent le plus de migrants. Comme l’Afrique se développe, avec l’émergence d’une classe moyenne dynamique qui a un peu plus les moyens de voyager, ces mobilités pourraient potentiellement devenir des mobilités pendulaires, où les Africains voient leur intérêt à retourner dans leur pays.
En 2050, un homme sur quatre sera africain. Il est donc crucial qu’il puisse trouver des opportunités d’emplois aussi sur place. Or, jusqu’à présent, les politiques de codéveloppement ont échoué.
Alors, que peut et que doit faire l’Europe dans ces conditions ?
L’aide au développement demeure enfermée dans une logique de guichet où la corruption, longtemps taboue, peine à être endiguée. Le comportement des multinationales a souvent été prédateur, tandis que les accords de libre-échange, certes préférentiels pour les Africains, ont parfois contribué à déstructurer brutalement des agricultures vivrières ou des industries spécialisés. Il ne s’agit évidemment pas de rétablir des barrières commerciales, les échanges étant le socle de la prospérité. Mais il faudrait davantage impliquer les sociétés civiles pour faire émerger des projets d’investissements correspondant aux besoins. Une des voies est de faciliter l’intégration régionale, plutôt que les relations bilatérales.
L’Union européenne est en train de renégocier l’Accord de Cotonou qui nous lie aux pays d’Afrique, Caraibes, Pacifique, en fait nos anciennes colonies, et propose de l’étendre à tous les pays africains, donc de négocier avec l’Union Africaine qui vient de décider d’un accord de libre-échange à l’échelle du continent. Enfin, les Africains n’apprécient pas que les Européens cherchent à conditionner l’aide au développement à la maîtrise des flux migratoires. Ils appellent à un changement de regard européen sur l’Afrique afin que nous cessions de les voir essentiellement comme une menace. Les migrations devront cependant bien être un enjeu partagé UE-Afrique.
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