Quel Premier ministre pour incarner le compromis ?
Dans la soirée du lundi 9 septembre, François Bayrou a largement perdu le vote de confiance qu’il avait provoqué, par 364 voix contre 194. Chute inédite d'un gouvernement dans l'histoire de la Ve République. Le Béarnais remettra ce matin sa démission à Emmanuel Macron, qui doit nommer un nouveau Premier ministre dans les tout prochains jours. Pour décrypter cette situation inédite, Jean-Louis Bourlanges, ancien député du Modem, et Dominique Potier, député socialiste, ont livré, au micro de RCF - Radio Notre Dame, leurs clés de lecture de la situation.
Portrait du Premier ministre Francois Bayrou lors de son discours de politique generale apres avoir engage la responsabilite de son gouvernement devant l Assemblee nationale. Paris France, le 8 septembre 2025 © Virginie Haffner/ Hans LucasUne page de la Ve République vient de se refermer, une autre, qui risque de lui ressembler, va bientôt s'ouvrir. De la dissolution surprise en juin 2024 à la chute lundi du gouvernement Bayrou, sur un vote de confiance, la France vit une situation d’instabilité depuis près de 14 mois, avec 4 gouvernements en l'espace de 12 mois.
Ce qui dysfonctionne
La Ve République serait-elle à bout de souffle, voire complètement dysfonctionnelle ? Pour Jean-Louis Bourlanges, la Constitution de la Cinquième République a démontré une extrême plasticité. "Nous avons eu d'abord la Ve République avec une majorité claire pour le président. Ensuite, on a eu une division : président d'un côté, majorité de l'autre. Ça a donné des formules de cohabitation. Et là, nous sommes dans une situation où la majorité présidentielle est minoritaire, mais elle reste la grosse minorité, tandis que l'opposition, qui est majoritaire, est totalement séparée entre le RN et LFI." Cette situation entraîne, selon l’ancien député du Modem, une opposition qui se place uniquement dans une logique de destruction, sans se donner la capacité de construire une politique.
Et là, nous sommes dans une situation où la majorité présidentielle est minoritaire, mais elle reste la grosse minorité, tandis que l'opposition, qui est majoritaire, est totalement séparée entre le RN et LFI.
Cette nécessaire destruction se trouve dans la nature même des partis politiques LFI et RN, que Jean-Louis Bourlanges qualifie de "démagogiques". Dominique Potier partage ce constat, considérant qu’une accession au pouvoir de l’un de ces deux partis constituerait "une atteinte grave à la démocratie et à l’esprit de la République." Ces partis pourraient accéder au pouvoir dans une atmosphère de colère des Français, concluent les deux parlementaires.
Mettre en place un compromis
L’alternative à ce scénario catastrophe, selon Dominique Potier, réside dans le compromis. "Nous devons distinguer, pour reprendre la formule de Weber, une éthique de conviction et une éthique de responsabilité." L'éthique de conviction consiste à préparer, pour chaque camp dans l'espace démocratique et républicain, un horizon politique pour 2027 et pour la France, pour l'Europe, pour le monde. De l’autre côté, l’éthique de responsabilité est celle qui consiste à stabiliser le pays, à lui apporter, à travers un compromis, une stabilité indispensable dans une géopolitique et une économie fracassées, souligne Dominique Potier.
Nous devons distinguer, pour reprendre la formule de Weber, une éthique de conviction et une éthique de responsabilité.
Le prochain Premier ministre doit incarner ce sens du compromis pour redonner de l’espoir dans la République. Selon le député PS, "quelqu'un qui ne soit pas candidat, ça pourrait être une force. Quelqu'un qui dise : voilà, au nom de l'intérêt général, au nom de l'État, au nom de mon amour pour la France, je suis prêt, pendant 20 mois, à incarner ce compromis dans toutes les tempêtes du monde."
Les sujets urgents
Ces vingt mois de compromis ont pour objectif de traiter des sujets urgents. Pour Dominique Potier, ils sont au nombre de trois : la crise ukrainienne, la question écologique et une trajectoire de compromis qui réduise la dette tout en maintenant la justice sociale et fiscale. Pour Jean-Louis Bourlanges, la solution se trouve dans un retour vers nos valeurs fondamentales : la démocratie, la liberté et la solidarité. "Je crois vraiment qu'il faut absolument que l'Europe se redresse. L'Europe vit quelque chose de très nouveau, qui est la confrontation avec deux adversaires. Et là, il faut vraiment se redresser, et je pense que le chemin ne peut être tracé que par la présidentielle."


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