Quel bilan pour la concertation publique de l'association Mountain Wilderness ?
En janvier dernier, l’association Mountain Wilderness lançait une grande concertation en ligne pour recueillir les avis et les propositions des citoyens sur les manières de vivre et de penser la montagne, aujourd’hui et demain, partout en France, et dans tous les massifs. Le bilan est bien supérieur aux attentes de l'association avec plus de 25 000 participants et 435 000 votes.
La plateforme Make.org a comptabilisé plus de 435 000 votesQuatre mois pour imaginer la montagne de demain, c'était l'ambition de Mountain Wilderness en lançant cette grande concertation publique sur la plateforme Make.org. Focus sur les résultats avec le directeur général de l'association Mountain Wilderness, Julien Loyer.
RCF Isère : Avant toute chose, quel était l'objectif que vous recherchiez ?
Julien Loyer : Les Alpes ont été désignées pour accueillir les Jeux olympiques en 2030. Et chez Mountain Wilderness, on a d'abord saisi la Commission nationale du débat public en se disant que ce serait bien qu'il y ait au moins une concertation et une discussion avec les habitants de ces territoires. Comme on a reçu une fin de non-recevoir, on s'est demandé comment recueillir la parole des citoyens le plus largement possible ?
On a trouvé un allié de choix qui fait figure de référence dans sa capacité à mobiliser très largement la population : Make.org. Ils ont l'habitude d'organiser des grandes concertations à grande échelle, avec objectivité et la plus grande pluralité d'avis possible. On voulait savoir quelles étaient en réalité les préoccupations principales et les idées des Français pour l'avenir des montagnes.
Est-ce que la participation a été à la hauteur de vos espérances ?
Alors, pas du tout... Elle a plutôt été bien au-dessus de nos espérances ! En réalité, on espérait avoir plus de 500 propositions et plus de 100 000 votes autour de ces propositions-là et ça nous paraissait déjà très ambitieux.
Et en réalité, les résultats ont plus que dépassé nos espérances et même celles de make.org. Ça permet de voir qu'au-delà des habitants des montagnes, en réalité, les Français s'intéressent beaucoup à ce sujet-là. C'est donc un peu plus de 25 000 personnes qui ont pu participer à cette grande concertation. Près de 2 400 propositions ont été déposées. Et l'un des éléments qui est intéressant aussi, c'est de voir qu'il y a eu plus de 435 000 votes pour les propositions. Chaque personne qui se connectait sur la plateforme pouvait soit faire des propositions, soit voter sur des propositions proposées par d'autres, favorablement, défavorablement, ou neutre.
Les enjeux et les défis auxquels on doit faire face et répondre en montagne, ils sont très nombreux : l'environnement, catastrophes climatiques, activités économiques, transports, agriculture, pastoralisme, le logement... Quels sont les thèmes qui ont été abordés et qui ont le plus mobilisé ?
Alors, il faut bien comprendre que nous, on n'a pas du tout orienté les thèmes dans notre campagne de communication. Sur les sept thèmes, le premier qui ressort en majorité c'est la question des activités touristiques. Je rappelle que la question était : quelles sont vos idées pour protéger et faire vivre les montagnes en 2030 ? À Mountain Wilderness, cet équilibre nous parle évidemment, de voir comment est-ce que sur les sujets des activités touristiques, on arrive à enclencher une transition, à pouvoir l'accompagner, à pouvoir diversifier les activités à toutes les saisons, de pouvoir également réfléchir à l'encadrement de ces activités touristiques. Et ça, c'est un élément qui était intéressant dans ce que nous a dit Make.org, c'est que c'est très rare dans leurs grandes consultations, que la population soit plutôt favorable à créer plus d'encadrement. Les sujets liés aux activités touristiques, ça représente plusieurs centaines de propositions.
Le deuxième sujet principal, c'est la protection des espaces de montagne. Il y a un enjeu fort autour de la restauration des écosystèmes montagneux, avec des sujets de reforestation, de protection de la biodiversité, de limitation aussi des pratiques en montagne. Pas mal de propositions autour de l'eau également, et puis après des petits sujets, mais qui font consensus aussi autour des nuisances sonores en montagne. C'est un sujet sur lequel nous on travaille beaucoup, notamment sur les loisirs motorisés et l'usage de la voiture et de la moto sur les routes de montagne avec des questions de limitation de vitesse, mais aussi de festivals où on sait qu'il y a des combats locaux autour de ces sujets-là sur lesquels parfois, on apporte notre soutien. Des propositions aussi autour des déchets, et puis sur le très controversé sujet de la neige artificielle.
Les citoyens sont partants pour diversifier les activités, pour avoir une économie touristique toute l'année. À la fois, il y a une volonté d'accélérer la transition, mais dans une trajectoire qui ne soit pas trop rapide. Dès que les enjeux sont trop forts, ça a apporté de la controverse dans les votes des citoyens.
Le troisième sujet, c'est autour des questions de logement et de construction, avec là aussi un consensus peut-être inattendu sur le fait d'arrêter des nouvelles constructions d'infrastructures et de logements touristiques. Et enfin un sujet de controverse autour de la manière de limiter ou de contrôler les résidences secondaires. Deux éléments qui sont ressortis très fortement dans les propositions.
La sensibilisation de la population était aussi un fort enjeu identifié. Un besoin d'éducation à l'environnement, de sensibiliser sur l'impact des activités sur les territoires de montagne. Et c'est lié aux questions de gouvernance locale : comment est-ce qu'on permet mieux aux citoyens localement de ne pas subir éventuellement des projets qui peuvent venir d'ailleurs, que ce soit politique ou financier, mais de pouvoir y prendre part pour participer à l'avenir de leur territoire ?
On pense aussi aux grands événements sportifs, comme les JO d'hiver 2030 dans les Alpes. Est-ce que c'est un sujet dont les citoyens se saisissent ?
Ça, c'est quelque chose qui nous a positivement étonnés. En réalité, on a moins de 6 % des propositions qui concernent les grands événements. Et parmi elles, il n'y en a que quelques-unes qui parlent des JO. Ça n'empêche que c'est ressorti et que c'est un sujet de controverse, sur le fait d'interdire des grands événements ou de les encadrer très fortement.
Sur le terrain, 50 rencontres ont été organisées par votre association, avec plus de 3 000 personnes qui ont participé. Sept ateliers ont été également animés. Est-ce que c'est pour vous un moyen de passer des idées à l'action ?
Absolument, on se rend compte qu'on est en train de tisser un peu un continuum, de se dire qu'il y a des volontés de faire différemment, de participer. Les conférences, c'est clairement l'occasion de penser autrement. Ensuite, c'est aussi une question de se poser la question soi-même, qu'est-ce que je peux faire ? Et nous, ce qu'on espère, c'est de voir comment on peut essayer, à l'échelle de Mountain Wilderness, de faire un peu caisse de résonance, de se dire, j'ai un déclic, je vois par où commencer. Bon, maintenant, comment est-ce qu'on s'organise collectivement ? C'est vraiment ce qu'on appelle de nos vœux, de pouvoir accompagner ça, et de se dire, s'il y a dix personnes qui ont envie de quelque chose, on a des éléments concrets et on a la chance de pouvoir s'appuyer sur plus de trente ans d'expertise.
Est-ce que vous dialoguez avec tout le monde ? Je pense aux grosses stations de ski qui n'ont peut-être pas forcément les mêmes intérêts, ou en tout cas les mêmes priorités. Est-ce que vous dialoguez avec eux ?
On a organisé des ateliers dans tout type de territoire. On a des élus locaux qui sont intéressés au sujet. Ça permet de se projeter un peu loin, ça permet aussi d'ouvrir le dialogue. C'est un premier pas. Ensuite, on se lance dès la fin juin sur une tournée des massifs de France et on va aller gratter toutes les initiatives qui existent autour de ces sujets-là et comment est-ce qu'on peut les faire évoluer à l'échelle de territoire. Ce qu'on va pouvoir capitaliser dans un "observatoire national de la transition des territoires de montagne".
Et le dernier élément, il est en effet en lien avec les pouvoirs publics, mais pas que : c'est bien gentil d'avoir des idées, des envies, des projets, mais comment est-ce qu'on les finance ? Et on se rend compte que quand on concentre l'énergie autour d'un sujet, on sent qu'il y a une certaine convergence. On voit que ça donne un peu d'espoir pour faire effet boule de neige, faire avancer les choses en alignant tout le monde. Et ça se fera que par l'alliance des acteurs publics, des acteurs privés et des citoyens.
Que ce soit sur les JO 2030 ou des suites de la Grande Concertation, vous donnez donc rendez-vous dans les différents massifs montagneux. Ce sera en septembre dans les Alpes. Plus d'infos sur votre site internet et réseaux sociaux.


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