Que pensent les musulmans de l'actuel débat sur la fin de vie ?
Le vote solennel de la loi sur la fin de vie est prévu le 27 mai. Pourquoi revenir sur une loi équilibrée et risquer d'aller trop loin ? C'est ce que craint Sadek Beloucif, chef du service d'anesthésie et réanimation à l'APHP de Bobigny, membre du conseil d'administration du Forum de l'Islam de France et ancien membre du comité consultatif national d'éthique de 1999 à 2007.
Le vote solennel sur le texte de l'euthanasie et les soins palliatifs est prévu le 27 mai. © Servir ensembleFin de vie : décalages entre les impressions et la réalité terrain
Pour Sadek Beloucif, ce projet de loi sur la fin de vie nécessite d’être mieux compris par les citoyens français. Pour lui, il n’est pas présenté avec des termes ajustés avec la réalité. En effet, dans le cadre de cette loi, le terme « aide active à mourir » est utilisé. Pour le chef de service, le terme n'est pas adapté, il est connoté d'un sens gentil et doux. « Ce n'est pas du tout une aide à mourir, c'est une mort provoquée médicalement », poursuit-il.
Ce n'est pas du tout une aide à mourir, c'est une mort provoquée médicalement.
Des personnalités françaises, tel que Charles Biétry, figure majeure du journalisme sportif atteint de la maladie de Charcot, très invalidante, plaide pour l'adoption de la loi sur la fin de vie. Sadek Beloucif estime que la loi actuelle permettrait au journaliste sportif de mettre fin à des souffrances si elles étaient jugées intolérables par lui-même et « cela de manière relativement humaine et sans avoir recours à une loi qui mélange euthanasie et suicide assisté », assure Sadek Beloucif.
Un corpus législatif sur la fin de vie déjà équilibré
Pour Sadek Beloucif, un nouveau texte législatif sur la fin de vie est inutile car le corpus législatif existant est extrêmement bien construit. Pour rappel, la loi Kouchner de 2002 était celle du droit des malades, a été renforcée par la première loi Léonetti en 2005 , votée suit à l'émotion suscitée par différents cas, tel que l'affaire Lambert. Cette dernière a été revue avec la seconde loi Léonetti en 2015-2016 pour introduire la notion de sédation continue maintenue jusqu'au décès.
C'est très différent anthropologiquement de laisser mourir que de faire mourir.
La loi Léonetti affirme que nul ne peut décider pour autrui. Elle distingue deux cas extrêmement clairs. Tout d’abord, elle se demande si le patient est libre de donner son consentement ou pas. Si celui-ci, proche de la fin de vie, considère qu'un traitement est invasif et qu’il n’en veut plus alors son opinion prévaut sur l'opinion du médecin. Mais si le patient, pleinement conscient, n’est pas en fin de vie mais gravement handicapé par exemple alors il doit se faire soigner. La loi établit donc un distinguo très fort entre la notion de traitement et la notion de soin. « C'est très différent anthropologiquement de laisser mourir que de faire mourir », assure l’ancien membre du comité consultatif national d'éthique de 1999 à 2007.
Croyants ou agnostiques : tous concernés par la fin de vie
La France est une république laïque, démocratique et sociale, la religion relève donc du domaine privé, pourtant des religieux s’expriment sur la fin de vie comme Haïm Korsia, rattaché au judaïsme ou Mgr Éric de Moulin-Beaufort. Le conseiller santé de la Grande Mosquée de Paris s'est également exprimé en affirmant que : « les responsables peuvent et même doivent, quand c'est le cas comme maintenant, pouvoir s'exprimer ». Il poursuit : « je ne suis pas contre la loi en tant que telle, je suis pour la vie. Et je considère que la mort fait partie de la vie ».
L'argument de dire c'est un catho, un musulman intégriste ou un juif donc sa parole est démonétisée, il est manipulatoire et absolument méchant.
Un sondage récent montrait que 55% des français se déclaraient athées ou agnostiques. Mais une forme de transcendance ou une authentique spiritualité laïque existe aussi. « L'argument de dire c'est un catho, un musulman intégriste ou un juif donc sa parole est démonétisée, il est manipulatoire et absolument méchant », affirme Sadek Beloucif. Ce projet de loi concerne tous les français, « nous serons tous un jour un aidant naturel d'un être cher qui est en fin de vie avant d'être à notre tour aidé », assure le chef du service d'anesthésie et réanimation à l'APHP de Bobigny.


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