Mgr Verny : "Jésus a vaincu le pêché et la mort !"

RCF : Vous revenez de l'Assemblée plénière de printemps des évêques de France, à Lourdes. Avec un point d'étape sur la lutte contre les abus sexuels dans l'Eglise Catholique. Un sujet sur lequel vous travaillez particulièrement. Comment avez-vous vécu cette session ? Que reste t-il à faire pour faire de l'Eglise une maison sûre ? 

Mgr Thibault Verny : Avec les équipes de travail mises en route suite au rapport de la CIASE et les personnes victimes, nous avons travaillé pendant une journée et demie. J'ai été marqué par l'humilité et la détermination : l'Eglise essaye de faire au mieux. Elle ne fait pas tout bien. Elle a besoin parfois d'être bousculée. J'ai aussi vécu fortement cette notion de compagnonnage : nous marchons avec les personnes victimes tout comme elles nous accompagnent. C'était un moment tourné vers l'avenir.  Je suis toujours préoccupé par l'accueil et l'accompagnement des victimes. L'autre enjeu c'est la prévention : que tout le monde s'approprie des outils de formation, de prévention, de diagnostics. Que tous, nous prenions notre part pour faire de l'Eglise une maison sûre.

RCF : Avec cet enjeu de ne pas refermer le dossier, en se disant qu'on a assez entendu parler du sujet... 

Mgr Thibault Verny : Oh oui, je l'entends ! "Parlons d'autre chose !" "Quand est-ce qu'on va parler d'autre chose ?" Or, ma conviction, c'est que lorsqu'on rend compte de la vérité, lorsqu'on accueille les personnes blessées avec humilité, lorsqu'on prend soin de ces personnes et que l'on fait de la prévention pour les générations futures : on annonce l'Evangile, on est témoins de l'Evangile ! Nous avons été étonnés par le nombre de jeunes participants aux Journée Mondiales de la Jeunesse. Nous voyons le nombre de baptêmes et de confirmations d'adultes augmenter. Je pense que le travail de vérité et d'humilité de l'Eglise en France n'y est pas étranger. 

La commission pontificale internationale nourrit mon action pastorale en Savoie et ma prière 

RCF : Vous avez abandonné la présidence du conseil de prévention et de lutte contre la pédophilie de la conférence épiscopale. Cela vous laissera plus de disponibilité pour les diocèses de Savoie ? 

Mgr Thibault Verny : J'ai effectivement demandé à ne pas être reconduit pour un deuxième mandat de président de ce conseil, pour pouvoir être plus disponible dans ma mission au service des diocèses de Savoie. Comme le souhaitait le Pape, je reste membre de la commission pontificale pour la protection des mineurs, avec un rayonnement international.

RCF : Des déplacements et rencontres qui nourrissent votre action pastorale en Savoie ? 

Mgr Thibault Verny : Ils nourrissent mon action pastorale, ma prière. Cela élargit le regard, cela me permet d'être confronté aux autres cultures : c'est toujours bon pour un français d'élargir ses horizons ! Il y a dans cette commission, où je suis le seul évêque, des personnes des îles Tonga, du Zimbabwé, de Colombie... C'est passionnant de les entendre, d'avancer ensemble et de s'éclairer les uns les autres. 

Voir l'impatience des catéchumènes est rafraichissant, pour tous les chrétiens déjà baptisés 

RCF : Nous démarrons ce week-end la montée vers Pâques. Vous l'évoquiez, avec ces 80 adultes baptisés dans l'Eglise Catholique de Savoie, au cours de la vigile pascale. Vous les avez rencontrés. Qu'en gardez-vous ? 

Mgr Thibault Verny : Quatre-vingts, c'est autant d'histoires personnelles. Leurs lettres témoignent d'une diversité de parcours, parfois émaillés d'épreuves, de virages. Et je me dis que l'Esprit-Saint a beaucoup d'imagination. Et c'est très rafraichissant pour nous tous, déjà baptisés, de sentir cette impatience des catéchumènes, à l'approche de la vigile pascale. 

RCF : A l'aube de cette semaine Sainte, comment expérimenter et comprendre la résurrection, à notre échelle ? 

Mgr Thibault Verny : L'émerveillement du dimanche de Pâques, c'est de réaliser que rien ne peut nous séparer du Seigneur ! Jésus a vaincu le pêché et la mort. Quand bien même nous sommes au plus profond de la nuit, le Seigneur vient nous rejoindre et manifester que rien ne peut nous séparer de son amour. Je pense à tous ceux qui sont dans la nuit, qui sont trop malades pour participer aux célébrations : que cette Bonne Nouvelle parvienne à tous !

Dieu parle au présent à chacun d'entre nous 

RCF : Lundi de Pâques, quatre cents savoyards partiront pour vivre le pèlerinage de l'année jubilaire à Rome. Suivra au mois de mai la béatification de Camille Costa de Beauregard à Chambéry. Un printemps exceptionnel pour l'Eglise catholique de Savoie ! 

Mgr Thibault Verny : De beaux motifs de joie et d'action de grâce qui nous tournent vers l'universalité de l'Eglise. A Rome il y a l'Eglise tout entière ! Nous y apporterons d'ailleurs les intentions de prières recueilles dans les communautés. Quant à la béatification, il n'y en a que dix célébrées de par le monde, cette année. J'en profite pour souligner le beau travail de tous ceux qui œuvrent à la préparation de cet événement. Trois lieux pour vivre cette célébration : la cathédrale, son parvis et le Bocage. Trois lieux pour la vivre pleinement et y participer. 

RCF : Une carte blanche, pour finir cet entretien ! Partagez-nous une pensée ou une parole qui vous accompagne en ce moment. 

Mgr Thibault Verny : C'est la notion de temps. Je m'émerveille de la patience de Dieu à notre égard. L'Eglise ne s'est pas faite en un jour. Il y a cette fidélité du Seigneur à son Eglise à travers les virages, les chemins sinueux, les questionnements... Parfois nous sommes impatients. Et en même temps, Dieu parle au présent à chacun d'entre nous. Il y a cette urgence de répondre au Seigneur qui frappe à la porte aujourd'hui. Comme Jésus le dit à Zachée : "Aujourd'hui, il me faut demeurer chez toi !".