Jeudi dernier, le ministre de la Justice, Gérald Darmanin, dévoilait les noms des sites de détention spécialisés pour les narcotrafiquants. Les 200 plus dangereux seront emprisonnés à l’isolement total dans la prison Vendin-le-Vieil à partir du 31 juillet et à la mi-octobre dans celle de Condé-sur-Sarthe. Mais ce nouveau régime de détention posent un certain nombres de questions.
D'ici l'été, les premiers détenus dangereux intégreront une cellule à l'isolement dans un établissement pénitentiaire de très haute sécurité. Les deux prisons choisies : Vendin le Viel dans le Pas de Calais et Condé sur Sarthe dans l'Orne sont récentes et sont déjà les deux établissements les plus sécurisés de France, mais elles vont encore être renforcées.
“L'établissement est prêt à 70 % au niveau infrastructure. Le brouillage téléphonique est déjà effectif, le brouillage drone également. Au niveau sécurité et de la sécurisation des bâtiments, il nous en reste deux à sécuriser totalement” explique David Lacroix, délégué FO pénitentiaire à la prison de Vendin.“L'architecture fait que, comme c'est une prison qui est un peu enterrée, avec des murs très hauts par rapport à la moyenne, l'accès à l'extérieur est quasi impossible. Nous n’avons pas de problème de projection non plus de l'extérieur, mais il va falloir faire un gros travail sur la sécurisation du parking du personnel” ajoute-il. Selon le garde des Sceaux dès le mois d’avril pendant les travaux. Les surveillants auront une formation de deux mois. À partir du mois de mai-juin, les nouveaux détenus rentreront.
Cet établissement accueille déjà des prisonniers très dangereux comme Salah Abdeslam. Il le seul membre encore en vie des commandos des attentats du 13 novembre ou Rédoine Faïd, surnommé le roi de l’évasion. C’est d’ailleurs en raison de l’évasion sanglante de Mohamed Amra en mai 2024, où deux agents pénitentiaires avaient été tués, que Gérald Darmanin avait justifié et accéléré la création de nouvelles prisons destinées à isoler les trafiquants de stupéfiants.
Il est inspiré de la lutte anti-mafia en Italie. Il comprend des mesures telles que des fouilles intégrales après tout contact avec l'extérieur, des parloirs équipés d'hygiaphone, un accès limité au téléphone et un isolement en cellule. Ces dispositions ont été dénoncées par l'Observatoire international des prisons qui les juge "attentatoires aux droits fondamentaux". Jean-Claude Mas, le directeur de l’OIP, explique que “l'isolement total ça veut dire pas d'activité, ça veut dire pas d'accompagnement, ça veut dire qu’on ne voit personne. Les détenus au bout d'un temps assez court, se retrouvent dans des situations de détresse psychologique importante avec des pertes ou altérations de sens.” Pour le directeur de l’OIP, ce nouveau système risque de rendre “ces détenus encore plus dangereux à leur sortie”. Il dénonce aussi le caractère discrétionnaire pour les placer dans ce type d’établissement. Cette décision reviendra au seul ministre de la Justice.
Dans ces prisons, seront affectées des personnes qui sont soit condamnées, mais aussi en détention provisoire, mise en examen. Cela implique pour les juges d’instruction de pouvoir les interroger. Le nouveau système prévoit de limiter l’extraction de détenu pour les amener dans le bureau du juge et de privilégier la visio-conférence. “Or ce n’est pas toujours possible dans le cadre d’une enquête. Autant la visio est bien adaptée à des interrogatoires courts et simples, autant elle l'est beaucoup moins sur des interrogatoires de fond en confrontation, ce n'est pas possible de recourir à cette technique” souligne Ludovic Friat, président de l’Union syndicale des magistrats. Autre solution, les juges pourraient se déplacer en détention pour interroger les personnes mises en examen les plus dangereuses, mais là, ce sont des problèmes logistiques qui vont rapidement arriver estime le magistrat. “Faire déplacer le juge, son greffier, mais c'est de faire aussi déplacer sur une confrontation les autres personnes, qui peuvent être des victimes, des co-auteurs. On voit rapidement qu'on va se heurter à quelque chose de très lourd ” complète Ludovic Friat.
Ce régime de détention a fait l'objet d'un amendement à la proposition de loi sur la lutte contre le narcotrafic. Le texte sera soumis aux députés dans l’hémicycle à partir du 17 mars. Face aux critiques, Gérald Darmanin a saisi le Conseil d'Etat, qui doit se réunir cette semaine mais des obstacles constitutionnels pourraient aussi se poser.
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