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Présidentielle : l'abstention va-t-elle (encore) battre un record ?
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Présidentielle : l'abstention va-t-elle (encore) battre un record ?

Un article rédigé par Clotilde Dumay - RCF, le 31 mars 2022  -  Modifié le 31 mars 2022

Les sondages prévoient un taux d’abstention proche des 30%, pour l’élection présidentielle organisée en avril. Au niveau du record établi en 2002, à un peu plus de 28%.

Drapeau de la France. ©Unsplash Drapeau de la France. ©Unsplash

À moins de deux semaines du 1e tour prévu le 10 avril, c’est l’autre candidat en tête dans les sondages : le taux d’abstention, proche des 30% dans les enquêtes d’opinion, à un niveau équivalent à celui d’Emmanuel Macron. Et tout près du record de 28,4% enregistré le 21 avril 2002, lors du 1e tour de la présidentielle. "Pour ce type d’élection, il est rare d’avoir un très gros plantage des sondages", prévient d’emblée le politologue Bruno Cautrès, chercheur au Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof). Paradoxalement, 48,7 millions de personnes sont inscrites sur les listes électorales cette année, soit 95% des Français en âge de voter. Le nombre d’inscrits a progressé de plus de 800.000 personnes entre mai 2021 et mars 2022.

 

Un vote de plus en plus optionnel

 

D’après Bruno Cautrès, "les jeunes générations et les électeurs des classes populaires" devraient davantage s’abstenir, comme c’est le cas à chaque scrutin. Mais le politologue observe une tendance qui se confirme : "une érosion du sentiment du vote comme un devoir civique absolu". "Dans les jeunes générations, s’installe le modèle d’un citoyen plus optionnel qui, en fonction de l’intérêt de l’élection et de l’offre politique, va aller voter ou non, précise le politologue. Même si l’intérêt pour la chose public reste important." Certains citoyens sont ainsi prêts à s’abstenir pour le 1e tour de la présidentielle, mais à aller voter pour les législatives, ou vice versa.

 

Un rebond de mobilisation à la dernière minute ?

 

Une volatilité qui complique davantage encore le travail des sondeurs. "La participation aux élections est socialement bien vue, ajoute Guillaume Caline, responsable du pôle Enjeux publics et opinion, chez Kantar Public. Il y a donc une tendance chez ceux qu’on interroge à surestimer la participation, à dire qu’ils vont se déplacer alors qu’ils ne vont finalement pas le faire. Mais ce que montrent les indicateurs actuellement, c’est que, par rapport à 2017, lorsqu’on pose des questions sur l’intention d’aller se déplacer, on est plutôt en retrait de quelques points. Il y a cinq ans, la mobilisation a progressé dans les dernières semaines."

 

Difficile, toutefois, d’imaginer un scénario similaire pour 2022. "La guerre en Ukraine parasite la campagne, reconnaît Guillaume Caline. Et puis, les sondages indiquent aujourd’hui un second tour opposant Emmanuel Macron à Marine Le Pen, donc la même configuration qu’il y a cinq ans. Or, la dernière fois que les sondages annonçaient un second tour identique à celui de la présidentielle précédente, c’était en 2002 avec un second tour prévu entre Jacques Chirac et Lionel Jospin, comme en 1995. Et en 2002, il y a eu un faible taux de participation au 1e tour."

 

La crainte de Marine Le Pen et d’Emmanuel Macron

 

L’abstention pourrait en tout cas déstabiliser certaines dynamiques. "Marine Le Pen est particulièrement préoccupée, estime le sondeur et politologue Jérôme Sainte-Marie, président de l’institut Pollingvox. Les listes du Rassemblement national ont été très handicapées par l’abstention record lors des régionales et départementales, puisque beaucoup d’électeurs critiques vis-à-vis de ce qu’ils appellent 'le système' hésitent en permanence entre exprimer un vote de protestation ou ne pas aller voter. Du côté d’Emmanuel Macron, qui a un électorat relativement âgé et qui pourrait donc profiter de la situation, on se préoccupe aussi d’une forme de confiance qui pourrait amener l’électorat à ne pas se déplacer." Les soutiens du président sortant en ont bien conscience, et misent notamment sur le grand meeting d’Emmanuel Macron, prévu samedi 2 avril, à la Défense Arena, à Paris, pour mobiliser les électeurs.

 

Les Insoumis et Jean-Luc Mélenchon pourraient, en revanche, tirer profit de l’abstention, en adoptant une double stratégie. "D’un côté, il doit mobiliser son électorat puisque trois électeurs sur dix se disent encore qu’ils aimeraient voter pour lui, sans être certains de se déplacer, note Antoine Bristielle, directeur de l’Observatoire de l’opinion, à la Fondation Jean Jaurès. D’un autre côté, il peut espérer un phénomène de vote utile à gauche, avec des électeurs qui se disent que Jean-Luc Mélenchon serait un second choix, mieux que rien pour éviter un duel entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen."

 

Le retour du débat sur une éventuelle réforme du vote

 

Reste tout de même à relativiser : en avril, l’abstention sera, comme de tradition, beaucoup moins importante que pour les autres élections. Mais après les récents records à plus de 58% aux dernières municipales, et à plus de 66% aux régionales et départementales, la tendance à la hausse pourrait se confirmer, et rouvrir le débat sur une réforme du système de vote. "L’abstention a deux ressorts essentiels, estime Bruno Cautrès. Un ressort ancré dans les injustices et les inégalités sociales. Et un autre ressort sur lequel on tarde trop à faire quelque chose : la facilitation du vote. Il y a des Français qui travaillent le dimanche : que fait-on pour eux ? On peut réfléchir au vote par correspondance ou électronique. Il y a des choses à faire pour qu’une petite partie de l’abstention trouve enfin un motif de participer aux élections." En attendant, un autre élément est à prendre en compte, dans l’analyse de cette forte abstention attendue : l’élection se déroulera en période de vacances scolaires.

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