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Pourquoi (encore) tant de violences à l’école ?
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Pourquoi (encore) tant de violences à l’école ?

Un article rédigé par Jeanne d'Anglejan - RCF, le 10 novembre 2022  -  Modifié le 17 juillet 2023
Je pense donc j'agis Pourquoi (encore) tant de violences à l’école ?

Près de huit jeunes sur dix en France disent avoir subi des violences au sein de l’école. Les résultats du 3ème baromètre de l'éducation de la Fondation Apprentis d'Auteuil sont édifiants : l'école n'est pas un lieu sûr pour les plus jeunes. Comment lutter contre ce sentiment d'insécurité ?

© Sam Balye on Unsplash © Sam Balye on Unsplash

Parents et professeurs : sont-ils les mauvais élèves ?

 

La violence à l'école fait partie de ces problèmes que l’on met sur la table aujourd’hui. Beaucoup d’acteurs œuvrent à lever l’omerta qui pèse sur ce sujet, pour que les enfants puissent et veuillent parler. Les réseaux sociaux sont à double tranchant : ils peuvent permettre de s’exprimer, mais dans la plupart des cas ils sont le lieu d’une stigmatisation et entretiennent une nouvelle forme de harcèlement. 

 

Pascale Lemaire-Toquec est directrice des ressources éducatives à Apprentis d'Auteuil. Depuis 20 ans, elle se concentre sur la violence à l’école. Pour elle, l’un des points clés est la communication. Les parents doivent parler, et les enfants "avoir des lieux ou ils peuvent être écoutés". Les médiateurs, jeunes volontaires et relais auprès des adultes, sont des acteurs phare dans cette démarche. Ils permettent d’équilibrer la situation. L’intervenante met en exergue l’accompagnement nécessaire pour les professeurs : "leur travail est déjà dense mais il faut pouvoir penser à cela". Eléonore Quarré est directrice du département Opinion et politique à Opinion Way, qui pousse les élèves comme les éducateurs à signaler les violences. 

 

"Il est urgent que l’école redevienne un lieu d’apprentissage et de socialisation, y compris pour les enfants les plus fragiles", explique Rémi Casanova. Il est sociologue et fondateur de l’observatoire du Bouc émissaire. Pour endiguer cette violence, les éducateurs doivent s’engager et les équipes éducatives coopérer. Il souligne la violence de l’institution scolaire : "c’est déjà faire violence aux enfants que de les obliger à aller à l’école". Au niveau du fonctionnement, aussi, le système scolaire repose sur une organisation hiérarchique. 


Les réactions des enfants, miroir d'un problème structurel ?

 

Les enfants sont à la fois victimes et auteurs de violences, rappelle Eléonore Quarré. Rémi Casanova décrypte ainsi le phénomène : "on se fait exclure du groupe, il y a ensuite un processus de désignation, puis d'affaiblissement, puis de mise à l'écart avec plus ou moins de brutalité". L'école n'est pas la seule institution touchée par les violences. Les institutions doivent connaître un questionnement profond : les conséquences des violences ne sont pas moindres. Rémi Casanova évoque des violences "de plus en plus précoces, fréquentes et brutales".

 

Eléonore Quarré souligne que sur les jeunes interviewés dans le cadre de leur étude, 71%  avouent avoir subi des violences à l'école. Elles touchent autant les garçons que les filles, et sévissent notamment au collège. 6% des personnes questionnées évoquent des violences dès la maternelle. L'école ne doit pas être un lieu dangereux. Il s'agit pour Rémi Casanova d'être en "éveil permanent, et de composer avec les différences des enfants. Dès que l'on fait le pari de l'hétérogénéité comme une richesse et que l'on met les enfants en collaboration, on arrive à faire de grandes choses", ajoute-t-il. 

 

Autre chiffre surprenant : 30% des jeunes questionnés dans le cadre de l'étude se disent favorables à l'installation d'un système de vidéosurveillance, perçu comme une arme efficace pour lutter contre les violences. En revanche, les élèves semblent plus réticents au port de l'uniforme. Les chiffres permettent aux institutions de prendre la mesure de ce qu'il se passe. Les victimes, de leur côté, ne sont pas assez écoutées : sur 30% de personnes qui en ont parlé à l’école, la moitié ne s’est pas sentie soutenue. 

 

Les surveillants doivent inciter à la bienveillance, et l'éducation nationale investir. Il est question de l'organisation structurelle de l’institution. Rémi Casanova estime que le système actuel est dépassé : "à l’heure des réseaux sociaux, ça ne peut pas fonctionner d'avoir un prof par classe. Il y a des choses structurelles à revoir". Il s'agit donc de mener une grande campagne de prévention à la violence, et d'apprendre "à être à l'écoute de l'histoire de la pédagogie et des pédagogues". 


Le harcèlement n'est pas une fatalité

 

Réorganiser l'école autour d’un projet fédérateur pour les élèves est l'une des solutions proposées. Le collège est l'âge de nombreux bouleversements, et cela se ressent vite. Pascale Lemaire-Toquec estime que l'on peut facilement identifier un enfant qui va mal. "Plein de choses peuvent être faites. La Fondation Apprentis d'Auteuil veut une école inclusive qui prend soin des élèves". Le point d'orgue est la parole : l'institution doit créer des espaces pour délier les langues. Des espaces de tolérance, mais aussi de bienveillance. Et pour cela, il faut former. La collaboration entre adultes doit être également développée à l’école.  

 

Rémi Casanova croit en ce renouvellement d'enthousiasmes, de regards et de pratiques. L'école s'adapte à un monde qui change. Pour Pascale Lemaire-Toquec, la première chose à faire est de mettre en place des lieux qui privilégient le dialogue. C'est ensuite de l'alliance entre toutes les personnes qui accompagnent les jeunes qu'émergeront des solutions concrètes.

 

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Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
Je pense donc j'agis

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