Claire Marin, professeure de philosophie en classes préparatoires en banlieues, revient sur ces quartiers désœuvrés, et sur les jeunes qui y vivent.
On apprenait mardi 27 mars la démission de Stéphane Gatignon, le maire de Sevran, une ville de Seine-Saint-Denis. Il a décidé d’abandonner son fauteuil de maire, justifiant une sorte de désespoir face à l’inactivité des gouvernements successifs, au sujet des banlieues. Celui qui "voulait péter le ghetto", semble aujourd’hui un peu désœuvré.
Une analyse que partage Claire Marin, enseignante en philosophie en classes préparatoires, en banlieue, et auteure de "La relève : portrait d’une jeunesse de banlieue" (éd. du Cerf). "Mes collègues se trouvent de plus en plus démunis, et j’observe une dégradation depuis plusieurs années, en terme de propreté, d’éléments urbains. Il y a un sentiment d’abandon qu’il est facile de ressentir. L’idée de ghetto est très forte. Elle tient notamment au fait que la distance soit accrue par les difficultés de transport, par les obstacles, les entraves quotidiennes qu’on expérimente lorsqu’on se rend en banlieue" explique-t-elle.
Quand elle évoque les difficultés de la banlieue, Claire Marin évoque d’avantage l’urbanisme, la propreté, que l’islam radical et la délinquance. "Je crois que l’urbanisme joue beaucoup. C’est une manière de faire sentir à une population qu’on la délaisse et qu’effectivement on l’abandonne à un cadre qui se dégrade. Il y a une signification symbolique des lieux, et l’attention qu’on y porte n’est pas du tout négligeable" ajoute la professeure.
Emmanuel Macron s’est rendu en octobre dernier dans certaines villes réputées difficiles, comme Roubaix, Tourcoing, Clichy-sous-Bois. Il a engagé une grande mobilisation nationale pour les banlieues. "Il faudrait avoir des éléments concrets. Il ne suffit pas de se rendre un jour dans un endroit. Il faut comprendre comment cela fonctionne, travailler au quotidien avec ceux qui essaient de faire tenir les choses. Ainsi, supprimer les emplois aidés n’est pas rendre service à la banlieue et aux associations qui jouent ce rôle de recadrage des jeunes" précise Claire Marin.
Pour cette dernière, les banlieues ont besoin "de structures qui accompagnent et qui empêchent le désœuvrement. Il y a un besoin, notamment au niveau de l’école, de prendre en considération les difficultés particulières qui tiennent à des parcours liés à la déscolarisation, qui tiennent à des parcours où les familles ne peuvent pas être présentes. On ne peut plus penser leur parcours scolaire comme on le faisait il y a trente ans".
Dans son ouvrage, "La relève : portrait d’une jeunesse de banlieue" (éd. du Cerf), Claire Marin a voulu parler de ceux qui réussissent alors que l’on n’aurait jamais parié sur eux. "Il existe des exceptions notables. D’autres formes d’enseignement leur donnent les moyens, et permettent d’accompagner et de faire éclore des potentiels. Ce que je vois surtout, ce sont des réussites. Ce qui n’empêche pas que je vois aussi tout ce qui pose problème au sein de mon établissement. Les classes sont de plus en plus dures. On a des violences, des agressions. Je ne nie pas cette réalité, mais il me semble qu’il y a des moyens pour rattraper des jeunes" lance-t-elle.
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