Polar
Ni Corneille, ni Proust, n’ont pu l’utiliser. Il n’existait pas encore. Ce mot est synonyme de roman policier, mais pas seulement.
En fait dans ma jeunesse lycéenne, on n’aimait pas du tout qu’on nous appelle « polar » et on faisait tout pour ne pas en avoir l’air. Et là, il n’était pas question de roman policier. En vérité, ont coexisté deux mots « polar », qui datent tous deux de la seconde moitié du XXe siècle. Le premier étant attesté en 1952, avec cet exemple explicite que donne le Grand Robert : « Encore un polar complètement à la masse ». Très bon exemple parce que j’entends encore dire cela d’un camarade dans la cour de récréation. Autre exemple, « il prépare l’internat - de médecine -, il est complètement polar ».
En réalité, ici c’est l’abréviation de « polarisé » qui désignait alors le fait d’être complètement absorbé dans son travail. Polarisé avait d’ailleurs ce sens, le fait d’être totalement fixé à un unique objectif. En ce sens, « polar » sens a pour ainsi dire disparu de l’usage. Le lycéen des années 60 détesté être traité de « polar », parce que bien sûr le nec plus ultra c’était d’avoir de très bonne notes sans travailler, être un pur génie en somme ! Moyennant quoi on travaillait la nuit quand personne ne le voyait !
Il y a donc l'autre mot "polar", un polar que l'on lit, le roman policier. Le mot polar en ce sens est seulement attesté en 1970. En fait, on a d’abord dit un roman policier, puis un policier, et avec le suffixe argotique –ard, vint le polar, orthographié ar, et non ard comme souvent pour ce suffixe. Cela étant le polar désigne aussi un film. Ayant précédé « polar », un « policier » en tant que roman policier avait fait son apparition en 1908, avec notamment les romans de Gaston Leroux.
Et ce matin, je me suis souvenu d’un étudiant qui faisait une thèse sur les polars. C’était un étudiant très sérieux, lisant consciencieusement période après période des masses de documents, dévorant des centaines de policiers, le livre bien sûr… Il travaillait trop, à la fin, j’ai été obligé de lui dire, mon ami, il faut vous détendre, allez jouer au babyfoot, parce que là franchement, vous devenez un polar des polars !
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