Être chrétien et investir ou épargner, est-ce compatible ?

"La finance solidaire, fin 2024, c'était cent quatre-vingt-douze produits, proposés par une centaine d'établissements. Point commun de ces produits : ils ont obtenu le label Finansol, administré par l'association FAIR. Une partie des frais de gestion ou des intérêts de ces produits sont reversés à une association ou une entreprise solidaire d'utilité sociale. Autre option pour l'épargnant ou l'investisseur : vous pouvez investir en direct en achetant des actions ou parts sociales d'une entreprise solidaire d'utilité sociale. Ainsi, tous les fonds investis servent à la mission de l'association : par exemple acheter de terres agricoles pour Terre de Liens, Financer du logement pour Habitat et Humanisme ou faire du micro-crédit dans les Pays du Sud pour la SIDI " explique Alexis Charveriat, Responsable des Ressources Financières et des Partenariats à la Fédération Habitat et Humanisme. 

Le partage et la fraternité, prônés par l'Evangile, concernent toutes nos ressources. Donc cela passe aussi par l'argent ! 

Des catholiques de Haute-Savoie ont présenté ces mécanismes de la finance solidaire à la maison du diocèse d'Annecy, début avril 2025. Parmi eux, Marie-Hélène Barberot, présidente du CCFD Terre-Solidaire en Haute-Savoie et elle-même épargnante solidaire. "L'Evangile nous invite à la fraternité et au partage. Cela concerne toutes nos toutes nos ressources. Et donc aujourd'hui, cela passe forcément aussi par l'argent !". Même analyse pour Claude Ollivier, actionnaire et bénévole de la SIDI, entreprise solidaire de microfinance, liée au CCFD Terre-Solidaire : "La doctrine sociale de l'Eglise, qui est pour moi la mise en pratique concrète de la foi, nous encourage à la solidarité, à favoriser la destination universelle des biens et la dignité de tous. C'est ce que je vis dans mon engagement à la SIDI et c'est ce que permettent les différentes associations labellisées Finansol. Lors de mes missions pour la SIDI, je vois comme des petits paysans ou des petits entrepreneurs peuvent être des personnes debout et fières de ce qu'elles accomplissent". 

Le rapport à l'argent est une question que tout chrétien est amené à se poser 

"Au final, l'épargnant ou l'investisseur solidaire ne fait pas passer le profit en premier : il cherche à donner du sens, à contribuer à une amélioration de la société. C'est ce que je constate par exemple chez les propriétaires qui confient un bien en location à Habitat et Humanisme, pour permettre de loger des personnes en précarité" analyse Jérôme Vistalli, salarié de l'association en Savoie.  L'argent et le sens de son utilisation, c'était d'ailleurs le thème des assises régionales des Entrepreneurs et dirigeants chrétiens, ce printemps 2025. "En tant qu'entrepreneurs, nous avons forcément à faire des choix financiers. Mais plus largement, le rapport à l'argent est une question que tout chrétien est amené à se poser. Jésus en parle largement tout au long de son ministère. On ne peut servir Dieu et l'argent... La finance doit donc être un moyen et pas une fin" témoignent Romain Dubois et Pierre de Prémare, membres d'une équipe d'Entrepreneurs et dirigeants chrétiens à Annecy.  

L'argent comme moyen et pas comme fin : une conviction qui dépasse le cercle des militants chrétiens 

L'argent qui doit être un moyen et pas une fin : une conviction partagée bien au-delà d'un cercle de militants chrétiens. Sébastien Boulet co-dirige la Foncière de l'association Terre de Liens, après avoir travaillé dans la finance classique : "Je suis sensible à la doctrine sociale de l'Eglise. Notamment à la voix de Gaël Giraud, économiste et prêtre jésuite. Il met au cœur de sa critique du système financier le manque d'amour du prochain. Il parle des plus pauvres et des générations futures. Sans être croyant, je suis sensible au message de solidarité, d'équité et d'amour de son prochain. J'ai quitté mon emploi dans la finance classique pour un alignement avec mes valeurs". Le Pape François, avec des textes comme Laudato Si et Fratelli Tutti, a largement contribué à populariser la doctrine sociale auprès de non-croyants.