Passe ton bac d'abord
En ce moment l’actualité nous rapporte que des forces de l’ordre sont aux portes d’établissements scolaires que des jeunes sont en colère ou sous pression face à un examen, que des proviseurs se trouvent molestés ou bousculés, que des enseignants contestent les modalités qui justifient leur statut d’évaluateurs, que des parents sont désorientés, bref depuis deux semaines que l’actualité nous rapporte que des communautés sont sens dessus dessous parce que l’on touche à un symbole : le bac! On peut être préoccupée, non ?
Au rayon des totems qui déchaînent les passions dans la société française, le bac fait assurément partie de ceux placés en tête de gondole ! Précieux sésame dans l’expression « passe ton bac d’abord ! »,
Méprisé lors de l’instauration du bac professionnel par Jean Pierre Chevèment en 1985, avec des propos du type « c’est sûr, pour la bac cuisine, ils en auront même deux … en inox ! »,
Présumé dévalorisé , lorsqu’en 1989 Lionel Jospin le fixe comme niveau pour 80% d’une génération.
Depuis 1968, systématiquement déconsidéré de génération de parents en génération de grands-parents, dont les enfants et petits-enfants, après avoir été bassinés sur leur indispensable mobilisation pour le réussir, s’entendent dire une fois le diplôme en poche: « C’est bien , mais tout le monde l’a, ce n’est plus ce que c’était, à mon époque… »
Bref, l’institution napoléonienne n’a pas fini de nous passionner !
A sa création, le bac était le résultat d'un processur ultra-sélectif réservé à la classe dominante et donc doit-on s’étonner en tant que parents et éducateurs, que, dans une visée européenne de diplomation de 50% d’une génération au niveau licence 3, le nécessaire processus de massification, encore trop peu démocratique, de l’enseignement du second degré, conduise désormais le bac à être un diplôme de fin d’étude dans un continuum, pour garantir la maîtrise des enjeux d’insertion sociale et professionnelle, de la formation tout au long de la vie,?
N’est-il pas légitime que les modalités d’évaluation soient celles du XXIème siècle et non celles du début du XIXème ?
Mais ne doit-on pas aussi être préoccupés que manifestement, aussi légitime et pertinente soit la transformation, l’absence d’association des acteurs de la réforme et de prise en compte de sa charge symbolique conduisent à donner une image dégradée de l’institution scolaire et entraîne une telle perte de confiance et insécurisation de ses usagers ou professionnels?
Ce qui me préoccupe le plus, c'est le spectacle affligeant d’une communauté d’adultes, incapables de s’entendre pour proposer un rite d’initiation à la génération qui advient ?
N’est-ce pas l’image d’adultes , qui pendant qu’ils se déchirent, laissent une partie de la jeunesse s’abimer et s’égarer dans des actes de violence contre eux-mêmes et contre tous les autres?
N ’est-ce pas prendre le risque supplémentaire d’une perte de confiance des jeunes dans la capacité des adultes à leur proposer un cadre de valorisation de leurs talents, à leur donner les leviers d’une vie belle et inédite ?
Voulons-nous réellement, que désormais toute expression d’un désaccord soit exprimé de la sorte ?
Parlant du socle commun de connaissances, compétences et de culture visé par l’Education nationale, le pédagogue Philippe Merieu, dit souvent : « l’important n’est pas tant le socle que la statue qui est posée dessus ! »
Alors, souhaitons le rétablissement d’un dialogue entre acteurs parents, enseignants, décideurs, pour que, sur ce socle de confiance et coéducation, les lycéens et les lycéennes se sculptent un futur enviable, selon leurs talents, leurs enthousiasmes!
Ils le méritent, ressaisissons-nous !
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