Accueil
Périphéries, culture du déchet, Église en sortie... Ces expressions du pape François qui resteront dans les mémoires

Périphéries, culture du déchet, Église en sortie... Ces expressions du pape François qui resteront dans les mémoires

Un article rédigé par Odile Riffaud - le 26 avril 2025 - Modifié le 26 avril 2025

Après le pape François, les catholiques ne parleront plus de la même façon des "périphéries", de la "culture du déchet" ou d'une Église "en sortie". Comme si le pape argentin avait ajouté de nouvelles expressions au jargon catholique. Reste que ces formules renvoient à des concepts forts qui pour certains ont déclenché de véritables prises de conscience. 

"Tout est lié", "écouter tant la clameur de la terre que la clameur des pauvres"... Autant d’expressions entrées dans le langage courant dans les milieux catholiques. ©Vatican media"Tout est lié", "écouter tant la clameur de la terre que la clameur des pauvres"... Autant d’expressions entrées dans le langage courant dans les milieux catholiques. ©Vatican media

Le pape François a été inhumé dans la basilique Sainte-Marie-Majeure ce samedi 26 avril. Premier pape argentin, premier pape jésuite et premier à choisir le prénom François, il a su imprimer son style simple et accessible. Ses prises de paroles appuyées par des formules choc ont suscité la curiosité des médias du monde entier. Certaines ont donné lieu à des prises de conscience parmi les fidèles catholiques.

"Une Église pauvre pour les pauvres"

C’est l’une des premières phrases choc du pape François, prononcée lors d'une audience aux représentants des médias le 16 mars 2013, soit trois jours après son élection. "Comme je voudrais une Église pauvre, pour les pauvres !" a-t-il déclaré, donnant le ton de son pontificat. Cette phrase a même imprimé le style du nouveau pape. 

En douze années, un mois et quelques jours à la tête de l’Église catholique, le pape argentin est en effet resté fidèle à une image de simplicité. Et si cette phrase a fortement résonné dans l’esprit des catholiques, c’est qu’elle a été prononcée dans la somptueuse salle Paul-VI, non loin du faste de la basilique Saint-Pierre. Le chef de l'Église catholique manifestait alors le désir de renouer avec une certaine pauvreté évangélique, à l’image de son saint patron François d’Assise.

Une phrase d’autant plus marquante que le pape François a été élu dans un contexte de crise de l’institution ecclésiale. Parmi les scandales qui ont entaché le pontificat de Benoît XVI, celui de l’Institut pour les œuvres de religion (IOR), la banque du Vatican. Lorsque le cardinal Bergoglio a été élu pape, chacun savait parmi les observateurs qu’il aurait à réformer la gestion des finances du Vatican.

 

"Aller vers les périphéries"

C'est juste avant d'être élu pape, le 9 mars 2013, que Jorge Bergoglio a tenu ces propos décisifs : "L’Église est appelée à sortir d’elle-même et à aller vers les périphéries, pas seulement géographiques, mais également celles de l’existence : celles du mystère du péché, de la souffrance, de l’injustice, celles de l’ignorance et de l’absence de foi, celles de la pensée, celles de toutes les formes de misère." Des propos décisifs car ils ont été prononcés lors des congrégations générales, ces réunions de cardinaux qui ont lieu au Vatican avant un conclave.

François n’a donc pas attendu d'être élu pape pour placer "les périphéries" au centre de son discours. Dans sa première exhortation apostolique Evangelii Gaudium ("La joie de l’évangile") il a de nouveau plaidé pour "une constante sortie [de l’Église] vers les périphéries de son propre territoire ou vers de nouveaux milieux sociaux-culturels". Une formule qui fait référence à la Bible : "Va vers le pays que je te montrerai", dit Dieu à Abraham dans la Genèse (12, 1).

Une Église "en sortie"

Une Église "en sortie", voilà une autre expression typique du langage bergoglien. "Je préfère une Eglise accidentée, blessée et sale pour être sortie sur les chemins, plutôt qu’une Eglise malade de la fermeture et du confort de s’accrocher à ses propres sécurités", a-t-il écrit dans "Evangelii gaudium" (n. 49). Être "en sortie" pour l'Église c'est quitter l'autoréférencement.

 

Contre la "culture du déchet"

"Les personnes sont mises au rebut, comme si elles étaient des déchets", a déclaré le pape François le 5 juin 2013 lors d’une audience générale. Une formulation puissante qu’il a reprise deux ans plus tard dans son encyclique Laudato Si’, publiée le 18 juin 2015.

Si nous tenons compte du fait que l’être humain est aussi une créature de ce monde, qui a le droit de vivre et d’être heureux, et qui de plus a une dignité éminente, nous ne pouvons pas ne pas prendre en considération les effets de la dégradation de l’environnement, du modèle actuel de développement et de la culture du déchet, sur la vie des personnes.
Pape François, encyclique Laudato Si', par. 43

La "culture du déchet", dans la pensée du pape François, était une critique virulente contre l'ultra libéralisme et la société de consommation. Le "déchet" devenant à la fois le bien que l'on consomme et que l'on jette sans considération pour les ressources de la planète. Et aussi les êtres humains qu'on laisse aux marges, comme les migrants mourant en Méditerranée, mais aussi les personnes en fin de vie ou les enfants à naître.

 

Laudato Si', une sorte de label d'écologie intégrale

Laudato Si’ est sans doute le texte le plus marquant et le plus lu du pape François. Son encyclique sur l’écologie a eu un écho retentissant y compris parmi les militants écologistes non chrétiens. Chez les catholiques, il a su convaincre de l’importance de l’écologie intégrale et suscité un véritable élan dans les paroisses. Il a donné naissance au Mouvement Laudato Si'. En 2024 en France, les deux tiers des diocèses catholiques avaient un référent à l'Écologie intégrale ou une équipe chargée des questions écologiques.

Si Benoît XVI avait parlé d’écologie, un cap a été franchi avec son successeur. Sans doute en raison de ces formules faciles à comprendre et à retenir : refuser la "culture du déchet", s’engager pour une "écologie intégrale". Le pape François répète aussi dans ce texte que "tout est lié" et qu’il faut "écouter tant la clameur de la terre que la clameur des pauvres". Autant d’expressions entrées dans le langage courant au sein des milieux catholiques.

 

"Qui suis-je pour juger ?"

C'est l'une des premières paroles fortes et amplement reprises du pape François."Qui suis-je pour juger ?" répondait le pape François dans l’avion qui le conduisait de Rio vers Rome, le 29 juillet 2013 à un journaliste au sujet de l’homosexualité. "Si quelqu’un est gay et cherche le Seigneur avec bonne volonté, qui suis-je pour le juger ?" 

Cette prise de parole a donné au pape argentin l’image d’un progressiste - il avait après cela fait la couverture d’un magazine gay américain. Pourtant, la note publiée quelques années plus tard en mars 2021 par la Congrégation pour la doctrine de la foi qui déclarait "illicite toute forme de bénédiction qui tend à reconnaître (les) unions" homosexuelles, était bien signée de sa main. Malgré tout, la formule “Qui suis-je pour juger ?” est restée dans les esprits.

Dix ans après, en décembre 2023, en signant la déclaration "Fiducia supplicans" le pape François a autorisé, sous certaines conditions, la bénédiction des couples de même sexe. Un texte qui a suscité au sein de l'Église catholique une grande vague de protestations. Avait-il anticipé l'ampleur de ces réactions ?

 

Une Église "para todos, todos, todos"

"Todos, todos, todos…" Ces mots répétés plusieurs fois par la foule des pèlerins des JMJ 2023, à l’invitation du pape lui-même, resteront comme l’expression phare du grand rassemblement de Lisbonne. "Il y a de la place pour tous dans l’Église", a défendu le pape François. Pour les observateurs c’était de la part du souverain pontife donner un avant-goût du synode sur l’avenir de l’Église, dont la première session devait se tenir moins de trois mois après.

L’idée d’une Église pour tous signifiait-elle l’accès de tous les baptisés aux sacrements ? L’accès à l’eucharistie pour les divorcés-remariés, au mariage pour les couples de même sexe ? Dans l’avion qui le conduisait à Rome de retour des JMJ, le pape a répondu à une journaliste allemande à ce sujet. "Dire : Il ne peut pas recevoir les sacrements, cela ne signifie pas que l’Église est fermée", a précisé le pape. 

Cette formule a aussi fait réagir les fidèles attachés à la forme extraordinaire du rite romain qui se sentent mis à l’écart par le motu proprio Traditionis Custodes, de juillet 2021. Avec ce texte, le pape François a restreint la possibilité de célébrer la messe selon le rite extraordinaire.

 

"L'Alzheimer spirituel"

Pour ses premiers vœux de Noël à la Curie romaine, le pape n’y est pas allé de main morte. Sa prise de parole du 22 décembre 2014 a fortement marqué les esprits par la virulence du ton employé. Dans ce que l’on a appelé le discours des "quinze maladies", le pape élu depuis peu dressait la liste des "maladies" qui guettent les membres de la Curie : "vanité", "commérage" ou encore "Alzheimer spirituel".

Sorte de recadrage en règle des membres de la Curie, ce discours a posé la première pierre de sa réforme de la gouvernance de l’Église catholique. Chantier qu’il a ensuite poursuivi avec la nouvelle constitution apostolique, "Praedicate Evangelium" (ou "Annoncer l’Évangile"), entrée en vigueur en juin 2022. C’était la cinquième fois dans l’histoire de l’Église qu’une réforme de la Curie était engagée. Dans son texte, François prévoyait notamment un rôle plus actif des laïcs. 

En octobre 2021, il a lancé son grand chantier avec le synode sur la synodalité, c’est-à-dire sur la gouvernance de l’Église. Les rapports des groupes de travail sont attendus pour le mois de juin. Le successeur de François fera-t-il aboutir la réforme entreprise par le pape François ? 

 

Cet article vous a plu ? Partagez-le :

Pour aller plus loin

Suivez l’actualité nationale et régionale chaque jour

Votre Radio vit grâce à vos dons

Nous sommes un média associatif et professionnel.
Pour préserver la qualité de nos programmes et notre indépendance, nous comptons sur la mobilisation  de tous nos auditeurs. Vous aussi participez à son financement !

Faire un don
Qui sommes-nous ?

RCF est créée en 1982, à l'initiative de l'archevêque de Lyon, Monseigneur Decourtray, et du Père Emmanuel Payen. Dès l'origine, RCF porte l'ambition de diffuser un message d'espérance et de proposer au plus grand nombre une lecture chrétienne de la société et de l'actualité.

Forte de 600.000 auditeurs chaque jour, RCF compte désormais 64 radios locales et 270 fréquences en France et en Belgique. Ces 64 radios associatives reconnues d'intérêt général vivent essentiellement des dons de leurs auditeurs.

Information, culture, spiritualité, vie quotidienne : RCF propose un programme grand public, généraliste, de proximité.Le réseau RCF compte 300 salariés et 3.000 bénévoles.