Une réunion publique s'est tenue ce lundi 24 mars à l'initiative de la Ville de Clermont-Ferrand afin d'écouter les doléances des habitants du quartier Charras au sujet de l'augmentation du narcotrafic. Face au maire, au préfet, au directeur de la Police Nationale et à la procureure de la République, ces derniers ont pu exprimer leur désarroi face à une situation qui s'est empirée ces derniers mois.
Dans les Salons de l'Hôtel de Ville de Clermont-Ferrand, on n'avait pas le souvenir d'avoir vu une telle foule pour une réunion publique depuis longtemps. Les habitants du quartier Charras (dont certains vivent aussi à la Gare, Delille ou aux Carmes) sont venus nombreux pour exprimer leurs plaintes de vive voix ce lundi 24 mars.
Voilà déjà plusieurs mois qu'ils font remonter leurs doléances aux services de la Ville au sujet du trafic de stupéfiants organisé qui occupe désormais leur quotidien. "On veut retrouver nos vies d'avant, vivre en paix dans nos quartiers, profiter, nous aussi, de l'espace public", démarre Xavier Gibold, président du comité de quartier La Gare-Delille-Les Carmes.
Une pluie de témoignages d'habitants s'abat ensuite sur l'Hôtel de Ville. Il y a cette femme qui dit assister au trafic en plein jour sur la voie publique. Celle dont la fille de cinq ans ne veut plus dormir dans sa chambre, traumatisée par les cris la nuit. Cet homme qui s'est fait agresser. Une autre habitante "au bord de la dépression". Sa voisine qui témoigne avoir assisté depuis sa fenêtre, impuissante, au passage à tabac d'un jeune. Elle a appelé la police. Celle-ci n'est jamais venue, déplore-t-elle. Tous partagent un même constat : celui d'avoir été abandonné par l'État et les autorités publiques.
Face à eux se tient Olivier Bianchi, maire de Clermont-Ferrand. Il a convié Joël Mathurin, préfet du Puy-de-Dôme, Dominique Puechmaille, procureure de la République et Arnaud Bavois, directeur départemental de la sécurité publique.
Après avoir écouté les habitants, chaque représentant explique ses leviers d'action, mais aussi ses limites. "Nous menons un travail de mobilisation comme jamais auparavant, dont les résultats commencent à poindre, assure Joël Mathurin. Il nous manque un certain nombre de pouvoirs d'action légale, c'est en cours avec la loi contre le narcotrafic". Une référence du préfet à la proposition de loi "visant à sortir la France du piège du narcotrafic", dont l'examen du texte a repris le jour même à l'Assemblée nationale.
Nous menons un travail de mobilisation comme jamais auparavant
"Je n'ai rien appris ce soir mais nous sommes d'accord sur les diagnostics, c'est déjà pas mal", relève Arnaud Bavois. Le directeur départemental de la Police nationale du Puy-de-Dôme rappelle aux habitants le succès de l'opération d'envergure menée la semaine auparavant. Celle-ci, qui a conduit à l'arrestation de dix personnes dans le cadre du trafic de stupéfiants, a demandé six mois de préparation, livre-t-il.
Quid des sanctions judiciaires ? Le courroux des habitants se dirige aussi vers la Justice. Dominique Puechmaille, à la tête du parquet de Clermont-Ferrand, doit ainsi essuyer les critiques. "Le trafic de stupéfiants n'est pas nouveau, comme tout le monde l'a évoqué précédemment. Ce qui l'est, c'est qu'il se déroule maintenant sur la voie publique", explique-t-elle, en écho aux souffrances témoignées par les habitants.
"Oui, il y a des interpellations régulières. Oui, des mineurs et majeurs sont relâchés dans la journée, notamment car le centre d'incarcération de Riom est plein à craquer et qu'on ne peut pas les garder", regrette Dominique Puechmaille. En filigrane, sa prise de parole dessine un système judiciaire étranglé. "La délinquance a explosé. Cela augmente le nombre de procédures, les places d'audience, et donc cela ralentit les processus", détaille-t-elle. À Clermont-Ferrand, les chiffres de la délinquance ont augmenté de 8% en 2024.
La délinquance a explosé. Cela augmente le nombre de procédures, les places d'audience, et donc cela ralentit les processus
"On explique des stratégies macros qui prennent du temps à se mettre en place, et on comprend le décalage entre votre vécu et l'impression, non réelle, que rien n'est fait, ce qui crée une distorsion", exprime Olivier Bianchi pour conclure le tour de parole. L'édile de Clermont-Ferrand assure avoir pris le problème au sérieux il y a déjà plusieurs années, en augmentant continuellement les effectifs de la Police municipale. En œuvrant aussi pour l'interopérabilité entre policiers d'État et communaux.
Il reconnaît aussi une erreur, celle d'avoir fermé l'avenue Charras à la circulation : "Nous étions contents de ce que nous avions aménagé. La rue était sale, après sa transformation, elle était belle. On s'est dit qu'en stoppant le flux de voitures, la vie de la rue serait améliorée. Je n'ai pas d'orgueil, cela n'a pas marché, je n'ai aucun problème à le reconnaître".
L'élu en profite également pour appeler à une prise de conscience collective autour de la consommation de drogues, toujours plus élevée et populaire à travers toutes les couches d'âges et classes socio-économiques. "Il s'agit d'un problème de santé publique, sujet pourtant absent de toutes les conversations sur le narcotrafic", pointe-t-il du doigt.
Deux heures ont passé. La réunion en présence de Joël Mathurin, Dominique Puechmaille et Arnaud Bavois s'achève. Olivier Bianchi et ses collistiers poursuivent la soirée jusque tard afin de recueillir les doléances qui relèvent des prérogatives municipales. Les coordonnées seront prises pour les habitants qui le souhaitent. Tous espèrent un meilleur avenir pour leur quartier demain.
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