"Les paysans risquent leur vie chaque jour" : le CCFD Terre Solidaire de Savoie et Haute-Savoie s'est rendu au Guatemala
Direction le Guatemala, au centre des Deux Amériques ! Cinq bénévoles du CCFD-Terre Solidaire (anciennement Comité catholique contre la faim et pour le développement) de Savoie, de Haute-Savoie et de l'Ain se sont rendus, du 8 au 24 novembre 2025, dans ce pays traversé par la faim, la corruption et les inégalités. Retour d'expérience.
Agnès Duisit, à gauche. Eliane l'interprète, à droite. Dominga et Saül au centre à Cobrican ©CCFD Terre Solidaire. Eliane l'interprète et Dominga et Saül à CobricanRCF : Agnès Duisit, vous avez passé quinze jours au Guatemala, à la frontière avec le Mexique et le Belize. Dans cet Etat, près d’un enfant sur deux souffre de malnutrition, la moitié de la population souffre d’insécurité alimentaire sévère. Le seuil de pauvreté du pays atteint 60% et touche essentiellement les communautés paysannes et indigènes. C'est un pays profondément inégalitaire ?
Agnès Duisit : Il y a trois catégories de population. 22 familles qui gèrent toute l'économie du pays. Les métisses, ou les latinos, et les autochtones, la majeure partie de la population, 60%, qui sont méprisés et ignorés. Ils ont toujours été considérés comme une force de travail, et c'est tout. Les puissants veulent effacer leur culture maya.
Quelle était la nature des échanges entre les producteurs autochtones, et les agriculteurs des Pays de Savoie ?
A.D : L'objectif était d'échanger sur nos pratiques. Quand les autochtones étaient venus en Haute-Savoie et dans l'Ain, ils avaient été frappés par la réflexion des agriculteurs sur la souveraineté alimentaire, l'agroécologie, et que des élus prennent en compte la qualité de l'alimentation. Nous on voulait se rendre compte de leurs conditions de vie. Les femmes essaient de mettre en place de l'agroécologie, pour ne plus mettre d'intrant chimique, et d'avoir une alimentation saine. Elles n'ont pas vraiment le droit à la parole dans la société guatémaltèque, très patriarcale.
Qu'est-ce que l'agroécologie ?
A.D : C'est considérer la terre, non pas comme un simple matériau, mais quelque chose qui est à respecter, qui est à nourrir.
Le Guatemala produit, mais produit pour les autres, (export important, première économie d’Amérique Centrale, grâce notamment au café, au sucre, à la banane, l'huile de palme), mais l’argent ne revient pas à la population locale. Comment l’expliquer ?
A.D : Oui, nous avons vu des pans entiers de montagne recouverts de bâches. Dessous, ce sont des tomates destinées à l'exportation. Toutes ces productions profitent exclusivement aux 22 familles les plus riches du pays. Ces mégas productions industrielles s'accaparent les meilleures terres, le long des côtes Atlantique et Pacifique. Les terres, moins riches, sont occupées par les populations autochtones.
On parle beaucoup du réchauffement climatique et des conséquences sur l’agriculture. Comment est vécu le réchauffement climatique là-bas, dans ce pays de 18 millions d’habitants ?
A.D : La saison des pluies a tendance à se raccourcir et à se décaler. Des gros orages plus intenses également. La déforestation entraine le lessivage des sols et la raréfaction de l'eau. Il y a très peu d'eau potable, en raison des intrants chimiques utilisés pour l'agriculture.
Aller au Guatemala, c’est aussi s’exposer à des risques. Le pays est placé en vigilance renforcée par France Diplomatie, en raison de son taux de criminalité élevé. Comment avez-vous vécu cette réalité sur place ?
A.D : Le CCFD Terre Solidaire nous a briefé. On n'a pas vu la violence, parce qu'on est resté en groupe, on a passé deux nuits à Guatemala City, mais la majeure partie du temps, on était à la campagne. Ce sont les paysans qui risquent leur vie au quotidien, alors qu'ils se battent uniquement pour défendre leur dignité.
Quels enseignements tirez vous de ce voyage ?
A.D : Nous, pays occidentaux, avons une part de responsabilité de ce qu'il se passe au Guatemala. Nous avons un confort de vie parce qu'on exploite aussi les gens dans ces pays, comme le Guatemala. Et puis je crois qu'il faut développer l'agroécologie, respecter encore davantage la terre chez nous, pour respecter la vie des hommes ailleurs.


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