Olivier Roy: "il faut que les chrétiens portent des valeurs et non des normes"
Pour Olivier Roy, l’engouement pour le djihad a commencé avec l’attentat de 1995, et depuis 23 ans "le profil des terroristes qui ont agi en France n’a pas bougé : environ 60% de seconde génération, 25% de convertis, et quelques exceptions, il n’y a pas de troisième génération. La radicalisation est liée à des données très précises, des jeunes qui déconnectent complètement leurs référence religieuses de la culture de leur parents, c'est une rupture générationnelle".
Lutter contre la radicalisation
Pour lutter contre la radicalisation, Olivier Roy explique qu’on peut déjà travailler sur le renseignement, "ils sont tous en réseaux, il y a très peu de loups solitaires", le repérage des gens qui circulent, "la police fait son travail, mais il y en a toujours un qui passe entre les mailles du filet". "Les attentats sont de moins en moins travaillés et plus dans l’artisanat", en comparant l’attentat du Bataclan et de Strasbourg, "on a passé la grande phrase organisée et gérée de l’extérieur".
"Vous n’empêcherez jamais des jeunes de se radicaliser, et pas seulement vers l’islam". Selon l’analyse de Olivier Roy "pour tarir le réservoir de la radicalisation il faut reculturer l’islam, ne pas la laisser aux mains de radicaux, il faut l’institutionnaliser pour que les jeunes aient en face d’eux pas forcément des institutions mais des discours légitimes et modérés, qu’ils soient confrontés à une spiritualité musulmane et religieuse insérée dans la société française".
Réorganiser la religion
Mais Olivier Roy se méfie de la notion de réorganisation religieuse : "on ne crée pas une communauté religieuse à partir d’un Etat laïc", mais "il faut permettre aux musulmans de classe moyenne de pouvoir s’exprimer dans l’espace français en tant que croyant au même titre que les autres". Il préfère par contre que l’on passe du statut d’association culturelle à cultuelle.
Par rapport à la polémique autour du service national universel et du port de signes religieux, pour Olivier Roy "il faut distinguer ce qui relève de la neutralité de l’Etat et du choix des citoyens", et "il faut régler au cas par cas", car "la liberté religieuse est inscrite dans la Constitution".
La déchristianisation de l’Europe
Pour Olivier Roy "la culture de l’Europe n’est pas chrétienne, elle est totalement sécularisée, même si l’héritage chrétien est évident, notre Europe est née dans les monastères de Cluny, qui préfigurait Bruxelles". Cependant "nous avons un changement anthropologique qui a été légitimé par le droit et la Constitution de la plupart des pays européens", et "historiquement l’Europe était chrétienne mais maintenant elle ne l’est plus, aujourd’hui la culture qui domine est profane mais aussi païenne".
Certains s’accrochent à l’idée d’identité chrétienne "parce que ça définit un autre, le musulman", et Olivier Roy se demande ce qu’on met dans l’identité chrétienne, car pour lui "la culture dominante en Europe n’est pas chrétienne comme le rappellent tous les papes aujourd’hui depuis la fin des années 60". "Il faut que les croyants se portent comme porteurs de valeurs plutôt que comme porteurs de normes". Le pape François a changé la donne "parce qu’il n’est pas Européen, il est mondial".
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