Newman propose un antidote contre le communautarisme
Le 1er novembre, le cardinal Newman sera proclamé Docteur de l’Eglise par le pape Léon XIV. Grégory Solari, théologien et directeur des éditions Ad Solem, est spécialiste de saint John Henry Newman. Il apporte un éclairage sur la manière dont l’Eglise peut répondre aux questions actuelles du monde "sans repli ni rigidité" en s’inspirant de la spiritualité du cardinal.
Saint John-Henry Newman © DR"Pour rester le même, il faut souvent changer."
Ces mots sont ceux de saint John-Henry Newman, lorsqu'il évoque le développement de l’Eglise. Ce prêtre, anglican converti au catholicisme à 44 ans, tire de nombreuses leçons de ses diverses expériences paroissiales. Créé cardinal de l'Église catholique par le pape Léon XIII en 1879, il est notamment le fondateur de l’Oratoire de saint Philippe-Néri à Birmingham, devenant ainsi le premier oratorien anglais. Pendant son sacerdoce, il a été aux premières loges pour observer les évolutions de la société anglaise et s’apercevoir qu’elle était très fragmentée.
Le danger du communautarisme
Au XIXe siècle, l’Angleterre était marquée par une société fragmentée, tant sur le plan religieux que social. La vie des Britanniques était structurée de telle sorte que le pays était divisé entre plusieurs grandes communautés religieuses distinctes et relativement fermées. Les anglicans, les catholiques, et non-conformistes protestants possédaient leurs propres institutions, écoles et réseaux. Durant toute la vie de Newman, cette logique de séparation et d’affirmation identitaire s’est accentuée.
Actuellement, l'Église est, selon Grégory Solari, "dans un état de fragmentation." La culture chrétienne n’est plus celle qui domine et les références religieuses sont de moins en moins connues par les personnes qui n’ont pas de contact avec l’Eglise. "L’Eglise n'est plus dans une configuration de chrétienté, c’est-à-dire homogène du point de vue du lien entre la société et l'Église. Elle est unie, mais néanmoins dans un état de fragmentation du point de vue de la culture qui l'environne", explique le théologien. A cela, le cardinal Newman propose une solution : "la liberté, qui se caractérise à la fois par de la rigueur et de la souplesse".
La liberté pour unifier
Le contexte dans lequel à grandi Newman, et dans lequel il a évolué toute sa vie, lui a permis de réaliser que pour continuer d’avancer, l’Eglise a besoin de se développer. A la question "qu’avez-vous à apporter à l’Eglise ?", le cardinal répondait "Elle a quatre notes : l’Eglise est sainte, catholique, apostolique. J'apporte une nouvelle note, me semble-t-il, celle que l'Église est vivante. Elle se développe comme un organisme." Malgré les tendances de la société, il n’est pas question pour le cardinal de "céder au repli communautariste". Grégory Solari explique que "changer ne signifie pas s'adapter sans discernement, sans critères critiques à la société qui nous environne, mais être capable de répondre aux questions qui se posent sans repli ni rigidité." De ce fait, le théologien estime qu’il y a chez Newman une "audace tirée de la liberté conférée par le baptême", c’est-à-dire la "liberté de conscience liée à l’écoute de la Parole de Dieu."
Nous ne sommes pas appelés à devenir des ghettos. Nous sommes dans la cité et il faut l’aider à vivre à hauteur d'humanité, sans pour autant dissoudre ce que nous sommes.
"C’est bien ce que nous montre la métaphore de l'organe et de l'organisme vivant : ils se transforment, s'adaptent, mais ils restent les mêmes", ajoute Grégory Solari.
Pour le théologien, la mission de Newman comme "co-patron de la mission éducative de l’Eglise" aux côtés de saint Thomas d'Aquin est "d’offrir à la jeunesse, et pas seulement, une capacité de penser dans des schèmes qui sont ceux d'un monde qui n'est plus chrétien". La proclamation de saint John-Henry Newman comme Docteur de l'Église résonne avec les premiers mots du pape Léon XIV : "Sans crainte, unis, main dans la main avec Dieu et les uns avec les autres, allons de l’avant."


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