Mouvement des gilets jaunes : des chercheurs analysent les revendications en Nouvelle-Aquitaine
Lors du mouvement des gilets jaunes, les manifestants avaient exprimé leurs revendications à travers des cahiers. Depuis un arrêté ministériel du 30 avril 2025, ces écrits sont librement accessibles. C’est le cas dans les Deux-Sèvres où des chercheurs de Nouvelle-Aquitaine les analysent.
Les cahiers contenant les revendications du mouvement des gilets jaunes sont désormais accessibles © Pixabay Annabel_PIl faut remonter en 2018, lorsque le mouvement des gilets jaunes prend de l’ampleur de week-end en week-end. Certains manifestants commencent à écrire leurs revendications dans des cahiers dits des gilets jaunes. Puis le 5 décembre 2018, l’Association des maires ruraux de France lance l’opération “Mairie ouverte” pour recueillir les réclamations dans des cahiers de doléances. Des réclamations qui ont été transmises le 14 janvier 2019, au président de la République, ainsi qu’à la présidence du Sénat et de l’Assemblée nationale.
Lors de ce début d’année 2019, Emmanuel Macron, président de la République, lance, de son côté, le grand débat national. L’occasion pour les Français et notamment les gilets jaunes de faire remonter leurs revendications à travers des cahiers dits citoyens.
Depuis le 30 avril dernier et la publication d’un arrêté ministériel, tous ces cahiers sont désormais consultables. Pour cela, il faut se rendre aux archives départementales.

Une étude lancée en Nouvelle-Aquitaine
Ce 3 juillet 2025, aux archives des Deux-Sèvres, les cahiers sont de sortie. Trois chercheurs de la section Veille et prospective du CESER (Conseil économique, social et environnemental régional) de Nouvelle-Aquitaine les étudient. Le CESER est une institution qui vise à éclaircir et apporter des connaissances au conseil régional pour favoriser sa prise de décisions. Depuis mars 2024, une section du CESER se penche sur le mouvement des gilets jaunes et les mouvements agricoles à la demande d’Alain Rousset, président du Conseil régional. Les archives de chaque département de la région ont ou seront visitées par des membres du CESER.
Dans les Deux-Sèvres, ce sont 148 cahiers de doléances qui ont été ouverts dans les différentes communes et qui se trouvent actuellement aux archives.

Avec ces écrits, les chercheurs ont pu remarquer que ce sont les retraités qui se sont les plus saisis de cette opération “Mairie ouverte”. Mais selon le président de la section Veille et prospective du CESER, Benoît Pierre, les plus jeunes se sont bel et bien mobilisés : “dans les cahiers de doléances, on ressent essentiellement une population retraitée, mais dans les cahiers des gilets, les cahiers de rond-point, la parole est très plurielle.”
Des revendications sociales
Depuis le début de cette analyse, Catherine Rannoux Wespel, membre de la section Veille et prospective du CESER et Professeurs de lettres et de langues de l’Université de Poitiers, observe des revendications importantes : “La question de la justice fiscale. Il y a une réclamation très insistante du retour de l'ISF (Impôt de solidarité sur la fortune). Une insistance sur la nécessité d'une cohésion sociale, d'une justice sociale.”
Marie-Claude Rossard, également membre de la section du CESER, ajoute : “la question du travail revient aussi, c'est-à-dire « je travaille, mais je n'ai rien au bout », ou « je n'ai pas les moyens de vivre décemment ». Il y a vraiment une idée de dignité.”
Durant cette journée d’analyse, certains témoignages ont marqué Catherine Rannoux Wespel :
On a lu une phrase « j'ai faim ». Un agriculteur qui signale qu'il est à la retraite après tant d'années d'activité, et il dit « je touche 330 euros de retraite et on m'a prélevé 10 euros. Sans doute qu'on a trouvé que c'était trop cher payé ».
La Professeure de lettres et de langues note “de la colère, de personnes qui se sentent malmenées, peu écoutées, voire pas du tout écoutées, qui font parfois état d'une situation de détresse grande.”
"Ça n'est pas réglé six ans après"
Quelques années après, où en sommes-nous ? Catherine Rannoux Wespel fait un premier bilan : “Sur les questions de justice fiscale, de justice sociale, du service public, de l'iniquité territoriale, on voit bien que ça n'est pas réglé six ans après.”
Ce que la chercheuse souhaite également souligner, c’est l'absence de certains dans ces cahiers : “La question de l'immigration, certes, il y a des contributions qui en parlent, mais au regard de la masse des contributions, c'est vraiment un sujet à la marge. Ce n'est pas l'impression que donne le débat politique actuel.”
Les conclusions de cette analyse doivent arriver au conseil régional en décembre 2025.



