Monseigneur Pierre Warin à cœur ouvert : « Il faut proposer la foi, pas l’imposer »
Alors que le décès du pape François bouleverse l’Église catholique, Mgr Pierre Warin, évêque de Namur, a rencontré Anne-Sophie Montoisy, journaliste et directrice de RCF Sud-Belgique. Il partage une réflexion profonde sur l’état actuel de la foi, les tensions internes à l’Église, la place des femmes dans le clergé et les enjeux de la succession, tant à Rome qu’à Namur.
Mgr WarinLors de son voyage en Belgique, les propos du pape François, tenus dans l’avion à son retour, ont fait l’effet d’un électrochoc. Il évoquait les médecins pratiquant l’avortement, les comparant à des « tueurs à gages ». Ces propos ont provoqué des remous importants, notamment une vague de débaptisations. Mgr Warin s’en souvient avec gravité : « Cela a profondément touché. » Il évoque notamment la lettre reçue d’un médecin, choqué par le décalage entre les dogmes de l’Église et les réalités médicales et humaines vécues au quotidien.
Dans cette lettre, ce médecin posait une question cruciale : « Vos dogmes répondent-ils encore à la réalité de mes patients ? » Mgr Warin a pris le temps de répondre personnellement, dans une lettre empreinte d’humanité. Il y raconte le parcours de son propre père, lui aussi médecin, et évoque la mission de l’Église dans une société devenue largement sécularisée.
Accepter la société telle qu’elle est ne signifie pas s’y conformer. Les chrétiens doivent être des témoins de l’espérance, dire ce qui les habite, mais toujours dans le respect et sans aucune volonté d’imposer.
Pour lui, cette attitude se résume dans une phrase de Bernadette Soubirous au curé de Lourdes, après avoir assisté aux apparitions de la Vierge Marie : « Je suis chargée de vous le dire, pas de vous le faire croire. » L’évêque appelle les croyants à suivre cette ligne de conduite avec courage et humilité.
Il ne nie pas les drames qui traversent certaines existences, à l’image de la lettre de Céline Fremault adressée au pape. Cette femme politique y évoquait l’avortement qu’elle a dû subir pour sauver son utérus et pouvoir avoir d'autres enfants. Mgr Warin, fidèle à la doctrine de l’Église sur le respect de la vie, n’ignore cependant pas la complexité de ces situations limites.
Femmes dans l’Église : une ouverture possible
Le débat sur la place des femmes dans l’Église ne cesse de gagner en intensité. Peut-on imaginer un jour des femmes prêtres ? L’évêque de ne ferme pas la porte. Il reconnaît que la société évolue dans ce sens, et que ce mouvement social pousse l’Église à réfléchir.
Toutefois, il appelle à ne pas céder à une simple logique de symétrie ou de parité. Pour lui, l’ordination de femmes prêtres ne peut être décidée que sur la base d’une argumentation théologique solide. Il souligne qu’il ne s’agit pas seulement d’offrir les mêmes fonctions aux hommes et aux femmes, mais de réfléchir en profondeur à la vocation et à la mission de chacun dans l’Église.
Un double avenir incertain : Rome et Namur dans l’attente
Le décès du pape François ouvre une période d’incertitude. Qui lui succédera ? L’Église poursuivra-t-elle sur la voie du dialogue et de l’ouverture engagée par ce pape atypique ? Mgr Warin espère que l’Église ne cédera pas à un repli conservateur :
La frange traditionaliste est forte, mais revenir en arrière serait dommageable. Les avancées impulsées par François doivent être consolidées, non reniées.
Il appelle à faire confiance à l’Esprit saint pour le choix du prochain souverain pontife : « C’est à lui que doit revenir le dernier mot. »
Mais l’attente ne concerne pas seulement Rome. Elle touche aussi directement l’évêque. Âgé de 77 ans, il attend depuis deux ans son successeur. Et pourtant, il reste toujours en poste. « Le décès du pape risque de retarder encore plus les nominations, et les dossiers s’accumulent. Je ne sais pas combien de temps cela prendra. »
Il n’est pas le seul dans cette situation : l’évêque de Tournai et l’ancien père abbé d’Orval attendent eux aussi. « J’arrive tout doucement à bout», confie-t-il avec honnêteté, conscient que ses forces déclinent peu à peu. Pourtant, jamais il n’a ménagé son engagement. Fidèle jusqu’au bout, il continue à servir l’Église dans la patience et la foi.
