Mgr Yves Le Saux: "Le monde a besoin de folie évangélique !"

RCF : Rentrée des écoles catholiques, des aumôneries, retrouvailles dans les groupes ou les mouvements, arrivées de nouveaux curés dans certaines paroisses... Aimez-vous cette période de rentrée ? 

Mgr Yves Le Saux : Oui, même si les agendas se remplissent rapidement ! J'ai rencontré des chefs d'établissements, des entrepreneurs, des paroissiens... Pour nous tous, la situation actuelle est anxiogène à bien des égards. Mais j'ai la joie de voir, chez les chrétiens qui font des choses, une volonté de relever des défis et de travailler ensemble. 

Prier pour la paix et mettre la paix dans nos vies 

RCF : Vous avez préparé des surprises aux catholiques de Haute-Savoie, annoncées au pèlerinage de rentrée de la Bénite Fontaine. Première annonce : l'incitation à prier pour la paix. Avec des messes dédiées le vendredi, la proposition de jeûner ce jour-là pour ceux qui le souhaitent. Et des veillées de prière pour la paix, en préparation pour la Toussaint. Est-ce un événement en particulier qui vous a donné cette idée ? 

Mgr Yves Le Saux : Je suis, comme beaucoup d'entre nous, marqué par la guerre partout : l'Ukraine, Gaza et tous les conflits en Afrique et en Asie, dont on parle moins. Cela nous donne le sentiment d'être démuni. Et en même temps, les chrétiens ont l'audace de dire "que la paix soit avec vous". J'ai beaucoup aimé l'expression du Pape Léon : "une paix désarmée et désarmante". Effectivement : nous n'avons que l'authenticité de notre parole et le don de nous-même, autant que possible. D'où cette idée de prier avec humilité et persévérance. Prier pour la paix qui implique aussi de mettre la paix dans nos propres vies. Il y a un non-sens à s'apitoyer sur toutes les victimes des conflits armés tout en entretenant un conflit de voisinage ou familial !

Se consacrer au cœur de Jésus, c'est adhérer de manière nouvelle et volontaire à notre baptême 

RCF : Autre annonce, la consécration du diocèse d'Annecy au cœur sacré de Jésus. "Jésus doux et humble de cœur" : c'est votre devise épiscopale. Quel est le sens de la consécration d'un diocèse ? 

Mgr Yves Le Saux : Tout d'abord, pour mieux appréhender le cœur de Jésus, je vous invite à lire Dilexit Nos, la dernière encyclique du Pape François sur l'amour du cœur de Jésus Christ. Un cœur à la fois humain et divin ! Se consacrer au cœur de Jésus, c'est renouveler notre consécration baptismale. C'est adhérer de manière nouvelle et volontaire et confirmer notre volonté d'avoir un cœur semblable au sien ! C'est une manière de nous donner un modèle et de supplier Dieu qu'il nous accorde ce qui ne relève pas que de nos propres forces : de nous faire grandir dans un amour plus authentique, plus vrai. Le message de Paray-le-Monial dit que si nous nous consacrons à son cœur, si nous le prenons comme idéal, Jésus déversera sur nous la charité. 

Toute la communauté doit se soucier du catéchuménat 

RCF : Troisième annonce, la tenue d'assises du catéchuménat. Depuis votre arrivée, vous insistez sur l'accueil des catéchumènes et leur incorporation aux communautés, ainsi que sur la vie fraternelle en paroisse. Le message n'est-il pas passé ? 

Mgr Yves Le Saux : D'abord revenons sur le constat : de plus en plus d'adultes et grands ados demandent le baptême. Là où il y en avait un, il en a cinq ; là où il y en avait cinq, il y en a dix ! Or, notre rôle n'est pas uniquement de les amener au sacrement : c'est de faire d'eux des disciples du Christ. Et être disciple, c'est recevoir des frères et sœurs : la vie chrétienne est indissociable de la vie fraternelle. Seconde donnée : ces personnes nous sont envoyées par Dieu. Et parfois, les catéchumènes en veulent plus que nous ! Ils ont une perception de la foi plus précise et leurs questions nous bousculent. Enfin, les personnes qui les accompagnent ne sont plus assez nombreuses : c'est donc toute la communauté qui doit s'en soucier et la physionomie de nos paroisses qui pourrait changer. Ce message est passé dans certaines communautés, moins dans d'autres lieux. Et je souhaite que, partout, nous prenions la mesure de ce que cela signifie. Il ne faut pas rester dans de vieux schémas. Or, dans le diocèse d'Annecy, il y a une tradition d'assises qui ont été fructueuses les années passées. Alors une équipe se constitue pour nous faire réfléchir. Une équipe qui ne doit pas être composée uniquement d'experts. 

Le monde a besoin d'hommes et de femmes prêts à la folie évangélique !  

RCF : Pour finir cet échange, je vous offre une carte blanche ! Partagez nous une joie ou une préoccupation qui vous habite en ce moment. 

Mgr Yves Le Saux : D'abord une question : comment pouvons nous participer concrètement à la non-violence ? D'autre part, j'ai vu les jeunes professionnels de retour du Jubilé et j'ai lu les propos très forts que le Pape leur a adressé. Et je me suis demandé : comment donner un brin de folie aux jeunes ? Le jour où j'ai dit "oui" au Seigneur, à l'âge de dix-huit ans, je n'avais pas prévu de devenir évêque. Le jour où des fiancés se marient, ils posent un acte de confiance l'un envers l'autre... et envers Dieu. On a besoin, aujourd'hui, de nouveaux François d'Assise, de personnes qui prennent de vrais risques, humainement ! Le monde a besoin d'hommes et de femmes prêts à la folie évangélique !