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Mgr de Germay : « Le pape François a ouvert et décentralisé l'Église »

Mgr de Germay : « Le pape François a ouvert et décentralisé l'Église »

Un article rédigé par Jean-Baptiste Cocagne - le 22 avril 2025 - Modifié le 22 avril 2025
Les Voix de l'actu · RCF Lyon et RCF Pays de l'AinMgr de Germay : « le pape François a ouvert et décentralisé l'Église »

Le pape François est mort au lendemain de Pâques, lundi 21 avril 2025. RCF Lyon invite l'archevêque de Lyon pour réagir à ce décès. Mgr Olivier de Germay a été nommé à Lyon en 2020 par le pape François justement, et le primat des Gaules a rencontré à plusieurs reprises le souverain pontife argentin.

Mgr Olivier de Germay au Vœu des Echevins - © RCF Lyon septembre 2023Mgr Olivier de Germay au Vœu des Echevins - © RCF Lyon septembre 2023

Jean-Baptiste Cocagne (RCF Lyon) : Comment le pape François aura marqué l'Église de son pontificat ?
 

Mgr Olivier de Germay : De différentes manières. D'abord, par le fait même qu'il est le premier pape latino-américain, on sent un changement de centre de gravité de l'Église. L'Église catholique romaine est très centrée sur Rome et pendant très longtemps les papes et cardinaux ont été italiens ou en tout cas européens. Le pape François a souhaité légèrement décentraliser, être une Église plus ouverte au reste du monde, en particulier à l'Afrique et l'Amérique latine. C'est l'un des « accents » qu'il a donnés dans son pontificat. Après, personnellement, je retiens cet élan missionnaire qu'il a donné, avec cette fameuse formule du « disciple-missionnaire ». Ce message s'adresse à chacun d'entre nous, à tout baptisé. Si je suis un disciple du Christ, cela signifie que je dois être missionnaire. Ça nous paraît peut-être évident aujourd'hui, 12 ans après l'arrivée de François, mais en réalité il y a vraiment des prises de conscience qui ont eu lieu, des gens qui se disent « en fait je suis chrétien mais j'ai pas forcément ce réflexe de témoigner de ma foi ».
Cet élan du pape François est quelque chose de très important. A l'échelle paroissiale, dans l'un de ses premiers textes en 2013 Evangelii Gaudium - sorte de texte programmatique - , François a vraiment invité à une conversion pastorale et missionnaire. Conversion donc à la fois personnelle mais aussi communautaire, en particulier dans les paroisses. On sent qu'il y a vraiment un mouvement de fond qui s'est mis en route pour retrouver cet élan missionnaire.
 

JBC : Un autre texte vous a particulièrement marqué pendant ce pontificat, c'est l'exhortation apostolique Amoris laetitia, vous en parlez régulièrement. Pourquoi ça a été un marqueur du pontificat du pape François ?
 

OdG : Parce que c'est un texte qui manifeste vraiment comment le pape François est un pasteur. Il a voulu nous aider à sortir d'une logique un peu distributive, où on distribue des sacrements avec le risque pour nous - surtout les prêtres, mais plus largement tous les acteurs pastoraux - d'être un petit peu des fonctionnaires du culte. Le pape François a rappelé qu'il est important d'accompagner des personnes. L'étymologie du mot « curé », c'est « cura animarum », qui veut dire « prendre soin des âmes ». Il s'agit donc vraiment d'un accompagnement dans la durée, de marcher au rythme des personnes, de ne pas vouloir donner des exigences d'emblée, indépendamment de ce que la personne vit, mais être vraiment dans ce dialogue avec les personnes. Comme François le disait souvent, il faut se demander quel pas en avant cette personne peut faire. C'est ça qui est important, avant de vouloir viser trop haut. Pour moi, ce texte est vraiment l'illustration de ce pape qui a été avant tout un pasteur.
 

JBC : Vous avez rencontré à plusieurs reprises le pape François. Il vous a nommé à Lyon en 2020 et vous a même remis le pallium, un insigne d'archevêque métropolite en juin 2021. Quel souvenir gardez-vous de cet homme argentin qui était évêque de Rome ?
 

OdG : Ce qui m'a marqué est sa grande liberté intérieure, sa capacité à prendre un peu de distance par rapport à un certain nombre de protocoles. C'est un pape qui voulait un peu désacraliser la fonction du pape et manifester une grande proximité avec les gens. Ça rejoint ce que je disais sur son cœur de pasteur.
J'ai également un souvenir assez marquant avec lui, c'est en novembre 2024 lorsque nous sommes allés à Rome avec une délégation du Foyer Notre-Dame des Sans-Abri, où il y avait à la fois des gens qui travaillent au Foyer, mais aussi des « passagers », des personnes accueillies par l'association. Nous avons eu une bonne heure de rencontre avec le Saint-Père, avec un temps d'échange très libre. Je me souviens en particulier d'un SDF qui a piqué une colère en disant « moi j'en veux au bon Dieu, comment ça se fait que je galère depuis tant d'années ?
» et j'ai été très touché par la réponse du pape, d'abord par son écoute puis par sa réponse pleine de douceur. Là encore, on voit quelqu'un qui avait ce souci d'être vraiment à l'écoute et proche des personnes.
 

JBC : Votre dernière rencontre avec François a eu lieu lors de sa visite en Corse le 15 décembre 2024, qui aura été sa dernière visite en dehors de l'Italie. La Corse qui est votre ancien diocèse, Mgr de Germay. Est-ce que ce dernier déplacement est un peu à l'image de son pontificat,  un concentré du pontificat du pape François, c'est-à-dire une ferveur populaire, et le choix fait de la Corse, d'une petite île, plutôt que l'inauguration de Notre-Dame de Paris une semaine avant ?
 

OdG : Oui, tout à fait, ça correspond au personnage. De fait, la religiosité populaire, le pape François en a souvent parlé en disant qu'il faut faire attention à ne pas tomber dans une forme d'intellectualisme. La foi est pour tout le monde et elle doit englober cette façon populaire d'exprimer sa foi, qui passe par le corps. C'est vrai qu'en Corse, cette religiosité populaire est très présente avec les processions, etc. Et j'allais dire, le pape François a tapé juste parce que quand il est arrivé là-bas, on sentait vraiment une joie collective extraordinaire et je crois que ça a donné un nouvel élan aussi à la Corse, à la pastorale en Corse.

JBC : Est-ce que François était un homme du dialogue ? Dialogue ouvert sur le monde. Son pontificat a beaucoup marqué en dehors même des fidèles de l'Église catholique.
 

OdG : Oui, parce qu'il a voulu aider l'Église à s'ouvrir sur le monde. Il ne s'est donc pas simplement adressé à des catholiques. Il s'est adressé, bien sûr, à des chrétiens d'autres églises, d'autres confessions chrétiennes.
Il a beaucoup développé le dialogue interreligieux, en particulier avec l'islam. Mais il a eu des paroles qui s'adressaient vraiment à tout être humain. Le texte Laudato Si' sur l'écologie est vraiment un texte qui a parlé et qui a donné à réfléchir à de nombreuses personnes bien au-delà du cercle de l'Église catholique.
 

JBC : Le siège apostolique est vacant. S'ouvre désormais une période de discernement pour les cardinaux, pour donner un nouveau visage à cette Église. Dans quelle direction doit s'inscrire le futur pape selon vous, Mgr de Germay ?
 

OdG : Ça, il faut le demander à l'Esprit-Saint ! On croit quand même que l'Église est guidée par l'Esprit Saint. Et donc, ce n'est pas moi, petit archevêque de Lyon, qui vais dire quelle doit être la direction ! En tout cas, je crois que le pape François a donné un élan avec la démarche synodale en nous invitant à être davantage à l'écoute précisément de l'Esprit Saint, et puis dans une participation plus générale à la mission de tous les baptisés. Je crois qu'il s'agit d'un chemin qui va se poursuivre. Évidemment, ça ne va pas s'arrêter avec la mort du pape François. Maintenant, les cardinaux vont se réunir, vont justement réfléchir entre eux sur ces grands défis qui se présentent à l'Église catholique pour demain. Et puis, ils vont prier pour que l'Esprit Saint, encore une fois, leur permette d'élire la bonne personne.

Les Voix de l'actu · RCF Lyon
Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
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