Coup de théâtre sur la scène politique. Marine Le Pen a été déclarée inéligible pendant cinq ans, lundi 31 mars. Jugée coupable en première instance dans l'affaire des attachés parlementaires européens, celle qui se présente comme "la favorite à l'élection présidentielle de 2025" ne pourra donc pas s'y présenter. Immédiatement après le verdict, une partie de la classe politique s'est mobilisée. Des appels au soutien de Marine Le Pen commencent à se faire entendre. Pour décrypter la situation, Luc Rouban, politologue, directeur de recherche au CNRS et chercheur au CEVIPOF.
L’ex-présidente du RN pourrait saisir la cour d’appel en référé afin de suspendre l’exécution provisoire de sa peine. Cette démarche lui laisserait une possibilité d’être candidate en 2027.
Cette condamnation découle de l’application de la loi Sapin 2, adoptée en 2016 et votée à l’unanimité par les députés de l'époque, comme le rappelle Luc Rouban. Ce texte vise à sanctionner sévèrement les élus impliqués dans des affaires financières, avec la possibilité d’exécution provisoire de l’inéligibilité. "C’était une volonté de sanction, pour sortir de cette ambiance de complaisance qui régnait autrefois", explique le directeur de recherche du CNRS.
Ils s’attendaient plutôt à des peines symboliques, du sursis
Pour lui, les magistrats ont simplement appliqué le droit avec professionnalisme. Toutefois, il souligne la sévérité de la peine, qui a également surpris les cadres dirigeants du RN. Ces derniers ont quitté l’audience avant même la fin de la lecture du jugement. "Ils s’attendaient plutôt à des peines symboliques, du sursis."
Selon Luc Rouban, cette décision marque une étape dans l’encadrement juridique des responsables politiques et dans le fonctionnement de la démocratie française. Depuis plusieurs années, le rapport des Français à la politique s’est considérablement dégradé, avec un niveau de confiance extrêmement bas par rapport à nos voisins européens.
"La France est devenue le pays malade de sa démocratie en Europe. Il y a un regard extrêmement critique envers le personnel politique, souvent soupçonné de corruption. On assiste ici à une réaffirmation de l’État de droit." Le politologue y voit également la dernière étape de normalisation du RN, avec la fin de la lepénisation du parti : "Cela va leur poser un véritable problème de leadership".
Les réactions se sont multipliées en France : François Bayrou, Éric Ciotti, Laurent Wauquiez ou encore Jean-Luc Mélenchon ont questionné la peine d’inéligibilité assortie d’une exécution provisoire. Pour Luc Rouban, ces réactions relèvent d’une vision populiste de la démocratie. L’idée sous-jacente est la suivante : "Nous sommes l’expression du peuple, donc la démocratie doit être absolue, sans encadrement ni règles".
Cette crainte de la classe politique s’explique également par le risque que cette peine fasse jurisprudence et s’applique à d’autres affaires judiciaires. "Le personnel politique est aujourd’hui confronté à la fin d’une époque, celle des petits arrangements et de l’entre-soi." Des dirigeants étrangers ont également réagi, notamment en Russie, en Italie et en Hongrie. Pour Luc Rouban, cette posture était prévisible : "Ces leaders appartiennent à une classe politique qui s’apparente à une forme d’oligarchie. Leur méfiance envers la justice explique cette réaction attendue".
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