Manque de médecins dans l'Ain, constat et tentatives de solutions
Comment solutionner le manque de médecins ? Un problème qui touche le pays de manières différentes. En Auvergne Rhône-Alpes, c’est l'Ain qui connaît la situation la plus difficile puisqu’il est celui qui compte le moins de médecins généralistes par habitants. Plusieurs actualités reflètent les tentatives d’enrayer le phénomène.
Les docteurs Zeid et Devos, salariés de GBA sur le centre intercommunal de santé ©RCF Pays de l'Ain 2025Plusieurs inaugurations se succèdent ces dernières semaines : ouverture à Nantua d’un centre départemental de santé (inauguré ce jeudi 23 octobre) porté par le Conseil Départemental. De son côté Grand Bourg Agglomération a ouvert un centre intercommunal de santé dans la zone d’activité Norelan. Dans les deux cas avec des médecins généralistes salariés. Des professionnels libéraux occuperont prochainement un centre de santé en cours d’achèvement à Bourg en Bresse au carrefour du boulevard Edouard Herriot et de la rue du Pont des Chèvres. Enfin, la poursuite de délivrance de bourses aux étudiants en médecine est l’un des points à l’ordre du jour de la session du Département qui se déroulait en début de semaine. Autant d’actions des collectivités locales pour tenter, à leur niveau, de combler, un peu, le manque de médecins.
Quels sont les principaux constats ?
En amont de son plan de santé, mené en partenariat avec les communes, le département a dressé l’état des lieux de la démographie médicale dans l’Ain : 15% d’Aindinois.es dépourvu.e.s de médecins traitant (20% pour Bourg en Bresse intramuros) ; un ratio de 6,3 généralistes pour 10 000 habitants contre 8,4 en France ; l’Ain au 15ème rang des départements les plus démunis en professionnels de santé
Dans un rapport du 1er janvier 2024, le conseil national de l’ordre des médecins note que la région Auvergne Rhône-Alpes est passée de 48% de généralistes parmi médecins en activité en 2010 à 42,7% en 2024. Dans cet atlas, l’Ain est le seul de la région situé dans la fourchette nationale la plus basse du nombre de généralistes (avec 19 autres en France). Le document met aussi en parallèle l’évolution de la population et celle du nombre de médecins, entre 2010 et 2024. L’Ain a connu une hausse de 1,2% de médecins pour +5,1% de la population. Pour comparaison, le Rhône c’est 4,5% d’évolution de la population et 21,8% de médecins, ou la Savoie, 3% de population et 30% de médecins en plus.
Pourquoi c’est plus aigu dans l’Ain qu’ailleurs ?
Les première raison invoquée est souvent la proximité des métropoles de Lyon et Genève, qui attirent plus les nouveaux médecins. A l’inverse, malgré son dynamisme économique et son cadre de vie, l’Ain reste un département fortement rural. Un frein notamment pour proposer un emploi au conjoint ou à la conjointe du professionnel de santé
Un déficit de médecin qui rend l’accès au soin difficile, voire amène à renoncer aux soins. Les délais de rendez-vous s’allongent, le recours aux urgences augmentent et les incivilités aussi.
Des élus locaux à la rescousse.
Les collectivités se sont mobilisées autour des maisons médicales de garde. Le Département à entamé un plan. Il propose le salariat de médecins ; un partenariat avec l’université Lyon 3 pour proposer à Bourg en Bresse deux formations d’accès aux métiers de la santé. Il inclue des bourses au financement des études et de l’installation de médecins. Il incite les médecins généralistes en place à devenir maître de stage pour accueillir des stagiaires externes et internes en médecine. Il finance des cabines de téléconsultation
Quand les collectivités locales ont tiré la sonnette d'alarme, elles n'ont pas été écoutées
Jean-François Debat, président de Grand Bourg Agglomération
Si les habitants s’impatient, le mécontentement des élus locaux grandit. A l’exemple de Jean François Debat, maire de Bourg en Bresse et président de Grand Bourg Habitat. Il a laisser poindre son amertume au moment d’inaugurer le centre médical intercommunal :
« On ne se rend pas compte que c’est l’incurie de l’Etat et d’une partie des syndicats de médecins qui ont conduit à ce qu’aujourd’hui ce soit les collectivités qui financent les médecins. Quand les collectivités ont tiré la sonnette d’alarme, elles n’ont pas été écoutées. La suppression du numérus clausus ne suffit pas car les universités n’ont pas les moyens suffisants pour augmenter significativement le nombre d’étudiants. On a proposé aussi qu’il n’y ait plus de conventionnement de médecins là où on n’a pas besoin le plus. Nous, collectivités, allons devoir intervenir pour un moment dans un domaine qui n’est pas le nôtre. »
Un centre qui rémunère deux médecins, les docteurs Zeid et Devos, soit deux générations différentes, le Dr Devos, octogénaire et à la retraite, intervient à temps partiel dans ce centre, pour ne pas complètement lâcher un métier qui « [le] passionne ». Un dr Devos lui aussi en colère de la situation, estimant inacceptable que des patients en affection de longue durée (ALD) se retrouvent sans médecin traitant. Il estime par ailleurs que le salariat, si il ne doit pas remplacer la médecine libérale, plus économique, devrait séduire de plus en plus à l’avenir. Le statut de salarié épargne en effet la partie administrative au médecin, qui peut ainsi consacrer l’intégralité de son temps aux soins des patients.
