Surnommée « capitale mondiale de la gastronomie » par le critique Curnonsky en 1935, Lyon ne s'arrête pas au respect de la tradition et aux simples bouchons. 90 ans après ce titre officieux, certains chefs expérimentent et repoussent les limites de l'expérience à table dans la ville de Paul Bocuse.
Exemples avec Jérémy Galvan et son nouveau restaurant des Monts du Lyonnais 220 BPM, mais aussi avec un restaurant entièrement dédié aux desserts, Catarsis, créé dans le Vieux Lyon par la cheffe mexicaine Lorena Mireles-Flores.
Imaginez monter dans un van place Bellecour et vous retrouver quarante minutes plus tard dans un restaurant en pleine campagne, au milieu des Monts du Lyonnais. Téléphone portable rangé dans une boîte, le trajet en voiture a été effectué les yeux bandés, avec une bande son pour vous mettre dans l'ambiance afin que l'expérience soit totale. Voilà comment commence « l'aventure » 220 BPM, le nom du nouveau restaurant du chef cuisinier Jérémy Galvan, qui n'a de cesse de repousser les limites pour offrir à ses clients un moment à part.
Ici pas de table, ni de couverts, mais de grandes branches d’arbre sur lesquelles sont déposées des bouchées, une trentaine au total. Il peut s'agir d'amuse-bouche en trompe-l’œil, comme ces macarons au cœur et foie de volaille avec du foie gras, ou d'une tarte molle au foie gras, cacahuète et sapin. Chaque client est invité à manger des ingrédients étonnants, qu’on n'aurait jamais imaginés dans notre bouche : des testicules et des crêtes de volaille par exemple.
Jérémy Galvan a voulu plonger ses clients dans un restaurant immersif autour du vivant, de la terre, du sauvage de la nature. Le tout est scénarisé à l'extrême, le chef fait le show dans la salle pour présenter certains plats, puis emmène ses clients en cuisine.
L'ambition de 220 BPM, c'est vraiment de connecter les gens avec leurs émotions primitives, l'émotion de l'enfance et les emmener dans une autre temporalité. Ici, on questionne le réel et l'iréel. On vous amène vraiment au bord des deux.
L'idée est de perdre le client pour le raccrocher à ses émotions. Ce que vous allez mettre en bouche vous raccroche à vos empreintes émotionnelles gustatives.
J'ai profondément envie qu'une fois parti d'ici, vous aurez été tellement chamboulé dans vos habitudes que vos paradigmes changeront. Comme un beau spectacle, un film au cinéma ou quelque chose qui nous a bouleversé, que ce repas change vraiment notre façon de voir les choses.
Une liberté qui a un prix : comptez 455 € euros minimum par personne pour tenter l’expérience.
Jérémy Galvan impulse également cette créativité auprès de ses équipes. Son ancienne cheffe pâtissière par exemple, la Mexicaine Lorena Mireles Flores, vient d'ouvrir son premier restaurant avec un concept là aussi original : un menu composé uniquement de desserts. Catarsis, dans le Vieux-Lyon, propose une déclinaison en 5 ou 7 services (59 ou 79 €), où le sucré prend le dessus.
Au Mexique, même les bonbons sont plus salés que sucrés, plus acides et piquants qu'autre chose. Donc pour moi un dessert est acide et épicé. Ici on travaille avec des produits qu'on peut normalement associer à la cuisine salée, mais tous les plats sont travaillés avec une technique pâtissière.
On a par exemple un dessert au poulet : la cuisse est mélangée avec une mayonnaise vanille et un caramel beurre salé, accompagnée d'un blondie (brownie avec chocolat blanc) et la peau de poulet est utilisée pour faire des croustillants.
On a aussi un dessert avec des noix Saint-Jacques et des œufs de truite, dont le goût de mer se marie très bien avec l'amertume contenue dans la peau des agrumes.
Autre Mexicaine et autre quartier : après sa sortie de l'Institut Paul-Bocuse (aujourd'hui Institut Lyfe), la cheffe Carla Kirsch a ouvert en 2021 le restaurant Alebrije à la Croix-Rousse et il y a quelques mois la taqueria voisine Milpa. Elle a choisi de s'implanter à Lyon en raison de la clientèle, au palais initié, mais exigeante.
Le Lyonnais reste très fier de sa cuisine, même si elle va à contre-courant de toutes les tendances actuelles : manger moins de viande, consommer moins d'alcool, moins gras, des repas beaucoup moins copieux. Les gens aiment bien et continuent à fréquenter ce genre d'établissement.
Mais je pense aussi que c'est une clientèle difficile, car les nouveaux concepts innovants ou un peu étrangers à leurs habitudes, il faut qu'ils soient bons, parce que sinon ça ne dure pas, c'est quitte ou double.
Mais depuis quand Lyon, ville orgueilleuse de ces bouchons et de la tradition, cité reconnue internationalement grâce au gardien du temple Paul Bocuse, a-t-elle évolué vers une terre d'innovation culinaire ? Depuis les années 2000 selon Véronique Lopes, journaliste depuis 14 ans à la rubrique gastronomie de l'hebdomadaire Tribune de Lyon.
Dans les années 2000, un chef a été très important pour ce qui s'est construit à Lyon derrière. Il s'agit de Katsumi Ishida, du restaurant En mai fais ce qu'il te plaît, fermé depuis peu. Ce chef japonais est venu insuffler tout ce qu'allait être cette nouvelle cuisine, ce qu'on appelle aujourd'hui cuisine bistronomique.
Il y a un autre chef qui a vraiment rebattu les cartes à Lyon : Arnaud Laverdin, qui a ouvert en 2015 le restaurant La Bijouterie. Il a conjugué deux choses très intéressantes, beaucoup de saveurs asiatiques, mêlées à toutes les techniques françaises apprises chez le chef étoilé Christian Têtedoie, entre autres. Sa cuisine était très déroutante au début pour certains, mais vraiment très enthousiasmante.
Grâce, entre autres à La Bijouterie, il y a beaucoup de chefs qui ont pu s'émanciper de tous les codes de la cuisine traditionnelle française.
La journaliste invite également à regarder du côté de la pâtisserie, où des adresses lyonnaises dynamitent également les codes, même si la pâtisserie française reste encore un incontournable dans l'apprentissage des techniques.
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