Le 29 avril dernier, l'Assemblée nationale a officiellement adopté la proposition de loi sur le narcotrafic. Et elle inclut un amendement du député de Charente-Maritime Olivier Falorni. Venu le présenter en conférence de presse aux côtés du préfet et des acteurs du port, il s'est heurté à la résistance du maire de La Rochelle, Jean-François Fountaine.
Venu présenter la nouvelle loi visant à "sortir la France du piège du narcotrafic" à La Rochelle, le député de Charente-Maritime Olivier Falorni (Les Démocrates) ne s'imaginait sûrement pas que sa fin de matinée serait si mouvementée. La faute à une contestation appuyée du texte par Jean-François Fountaine, le maire de La Rochelle, passablement agacé.
Lutter contre la "gangrène mortelle"
Tout avait pourtant très bien commencé. Face à un large parterre de journalistes, les acteurs concernés étaient tout aussi nombreux. On comptait Brice Blondel, le préfet de la Charente-Maritime, Arnaud Laraize, le procureur de La Rochelle, le président du port de plaisance Christian Marbach, ou encore les représentants des services de douanes, de gendarmerie et de police du département. Ainsi, donc, qu'Olivier Falorni et Jean-François Fountaine.
Après une première prise de parole de Brice Blondel, qui a rappelé que cet amendement était issu d'une expérimentation menée sur le port de La Rochelle pour améliorer la collecte et le partage des informations des plaisanciers, c'est Olivier Falorni qui a appuyé sur les dangers du narcotrafic. Le député a ainsi évoqué une "gangrène mortelle pour notre pays, nos enfants, nos concitoyens, notre économie, notre société, nos institutions et notre Etat de droit".
Un dispositif encore incomplet
En conséquence de quoi, le membre du groupe des Démocrates à l'Assemblée s'est félicité de cette nouvelle loi contre le narcotrafic, avant de souligner l'importance de l'amendement introduit. Devenu l'article 7 bis, il prévoit ainsi que "l’autorité portuaire ou l’autorité investie du pouvoir de police portuaire collecte les données qui permettent d’identifier les navires de plaisance qui ont un autre port d’attache, leur propriétaire, les personnes qu’ils transportent ainsi que leur itinéraire". En découle donc une obligation pour les ports de plaisance d'héberger une plateforme permettant aux services de l'Etat de recueillir les informations personnelles des équipages et des bateaux venant s'amarrer sur le port.
Actuellement, les plaisanciers n’ont pas l'obligation de se déclarer auprès du port de plaisance ; le dispositif prévu par la loi doit en effet être complété par des décrets émis par le Conseil d'Etat. Afin, à terme, de contraindre les plaisanciers à se déclarer auprès du port si ce n'est pas leur port d'attache. Un dispositif qui existe déjà dans les Antilles, comme l'a rappelé le préfet Brice Blondel, et présenté par Olivier Falorni comme un moyen de lutter contre "l'angle mort" que représente la plaisance dans la lutte contre le narcotrafic.
"A-t-on le droit de ficher tous les plaisanciers qui rentrent dans le port ?"
C'est la prise de parole de Jean-François Fountaine qui a rapidement tendu l'atmosphère. Le maire divers gauche de La Rochelle a d'abord souligné l'absence des maires dans le protocole d'élaboration d'un tel dispositif, que ce soit via l'ANEL, l'Association Nationale des Elus des Littoraux, ou l'AMF, l'Association des Maires de France, pourtant toutes deux présidées par des maires du littoral (Yannick Moreau aux Sables-d'Olonne et David Lisnard à Cannes).
Il a ensuite protesté contre les 53 ports de plaisance exemptés de contrôles douaniers sur des navires arrivant d'un pays hors espace Schengen, dont fait partie celui de La Rochelle, et a plaidé pour le retour des contrôles. Avant de s’interroger sur la question de la libre circulation des biens et des personnes prévue par l'espace Schengen : "A-t-on le droit de ficher tous les plaisanciers qui rentrent dans le port ?", s'est interrogé Jean-François Fountaine. S'il a assuré qu'il s'y plierait, l'homme politique rochelais a tout de même semblé sceptique.
S'en est suivi plusieurs échanges animés entre Olivier Falorni et Jean-François Fountaine, arbitrés par Brice Blondel. Si les deux hommes sont restés peu ou prou courtois, on a senti un agacement teinter leurs réponses respectives. D'autant que le président du port de plaisance Christian Marbach a lui aussi apporté sa pierre à l'édifice en s'inquiétant d'un durcissement des contrôles sur les plaisanciers : il a ainsi souligné que la mer était pour les clients du port un "espace de liberté" et a semblé craindre, presque ironiquement, que ceux-ci se dirigent vers une autre activité, comme "le golf".
Vers une contrainte généralisée ?
A l'issue de la conférence de presse, Brice Blondel et Olivier Falorni sont toutefois apparus confiants. Le préfet de Charente-Maritime a ainsi à nouveau asséné sa phrase fétiche, comparant le renseignement de leurs informations par les plaisanciers à l'utilisation aisée d'une plateforme comme "Uber Eats". "On se dote d'un outil nouveau qui ne supprime en rien la liberté de circulation et de navigation des plaisanciers", a réaffirmé Brice Blondel, "[mais] les oblige simplement [...] à donner un certain nombre d'éléments" sur leur parcours et identité. Même son de cloche du côté du député, qui a à nouveau dénoncé la "gangrène" que constitue le narcotrafic, et qui s'est félicité du futur outil de "collecte des données" que constituera la plateforme après la prise de décrets par l'Etat.
Quelles prochaines étapes ? Après l'adoption de la loi au Parlement, vient donc le tour du Conseil d'Etat de rentrer dans la danse pour statuer sur ces fameux décrets. L'objectif à terme est clair : contraindre les plaisanciers à se déclarer auprès de la plateforme en ligne. Reste maintenant à voir dans quel cadre ces mesures pourront entrer en vigueur.
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