Lutte contre la fraude à l'Assurance maladie : en Charente-Maritime, une action au niveau local et régional
Depuis la mi-2023, la caisse primaire d'assurance maladie a mis en place une stratégie de fermeté face à la fraude. On en parle avec notre Invité Région : Arnaud Ménager, directeur comptable financier de la Caisse Primaire d'Assurance maladie de Charente-Maritime.
Arnaud Ménager, directeur comptable financier de la CPAM de Charente-Maritime, revient pour nous sur la lutte contre la fraude. @RCF17En 2024, au niveau national, elles représentaient un montant record de 628 millions d’euros de préjudices détectés et stoppés : les fraudes à l'Assurance maladie. La Charente-Maritime n'y échappe évidemment pas, avec 2,8 millions d’euros de fraudes subies et 2,9 millions de fraudes détectées en amont et évitées. Pour y remédier, la Caisse Primaire d’Assurance Maladie a mis en place des moyens humains renforcés, avec des enquêteurs dédiés à la lutte contre les fraudes au niveau local comme au niveau régional. Retour sur la question des fraudes et sur ces dispositifs avec Arnaud Ménager, directeur comptable financier de la caisse primaire d’assurance maladie de Charente-Maritime.
RCF : En Charente-Maritime, on parle de 5,8 millions d'euros de fraudes à l'Assurance maladie. Comment est-ce que cette somme est répartie ?
En Charente-Maritime, cette fraude est majoritairement sur les professionnels de santé. En nombre, on a 110 professionnels de santé concernés par une fraude en 2024, ce qui est à ramener au nombre total de professionnels de santé, soit 5000. J'insiste pour dire que, majoritairement, les professionnels de santé ont un comportement tout à fait honnête et correct : la fraude reste une pratique d'un nombre plus restreint. On est sur le préjudice qu'on appelle "subi".
La CPAM cherche à agir de plus en plus en amont, donc à éviter le paiement. Sur les 5,8 millions d'euros, on a majoritairement de la fraude "évitée", à hauteur de près de 3 millions d'euros, donc on a identifié la pratique frauduleuse avant la mise en paiement, et il n'y a pas derrière de récupération de la somme puisqu'elle n'a pas été payée.
RCF : Une stratégie de fermeté a été adoptée courant 2023. En quoi consiste-t-elle ?
Lorsqu'une fraude est constatée, si la somme a été payée, nous assurons un indu à l'assuré ou au professionnel de santé correspondant au montant frauduleusement payé. La stratégie de fermeté, c'est de ne pas se contenter de l'indu, mais d'envisager une suite contentieuse. On a près de 275 suites contentieuses qui ont été faites en 2024 : pour un assuré, c'est par exemple, en plus de l'indu, une pénalité financière qui lui est adressée et qui vient alourdir le montant qui lui est demandé, tandis que, pour un professionnel de santé, on peut aller jusqu'à un dépôt de plainte. La CPAM de Charente-Maritime a ainsi fait sept dépôts de plainte en 2024, pour ne pas se limiter à l'indu.
RCF : Cette stratégie a nécessairement un coût humain. Quels moyens ont été déployés pour lutter contre ces fraudes ?
En Charente-Maritime, nous avons huit investigateurs, dont le travail est de se consacrer à la lutte contre la fraude. On s'appuie par ailleurs sur les moyens de la CPAM, puisque tout le monde est mobilisé dans la lutte contre la fraude. Nous avons également déployé en 2024 un pôle interrégional d'enquêteurs judiciaires (PIEJ), donc dix enquêteurs qui travaillent sur deux thématiques particulières.
Premièrement, la fraude sur le cyber, car nous avons une nouvelle typologie de fraudes liée au numérique. Deuxièmement, tout ce qui est fraude organisée : lorsqu'un professionnel de santé a par exemple une pratique frauduleuse qui concerne la Charente-Maritime, mais également d'autres départements, ce n'est pas simplement la CPAM du département qui est saisie, mais le PIEJ.
Avec les dix enquêteurs judiciaires adossés à la CPAM de La Rochelle, nous avons compétence sur la Nouvelle-Aquitaine, l'Occitanie, voire sur l'ensemble du territoire. En France, il y a six pôles interrégionaux constitués, qui collaborent sur des fraudes à plus forts enjeux, à plus forte expertise ou sur le domaine du cyber.
RCF : Est-ce qu'on continue encore à voir de nouvelles méthodes de fraude apparaître ?
Les fraudeurs ont beaucoup d'imagination et notre rôle est désormais d'être les plus réactifs possible. Par exemple, avec la création du 100 santé en 20224, qui est un dispositif important pour nos assurés, les fraudeurs ont pu y voir une opportunité de détourner plus facilement de l'argent. On a donc identifié des catégories de professionnels de santé sur lesquels il pouvait y avoir un risque, comme par exemple les audioprothésistes.
En 2024, nous avons mené une opération de contrôle très forte a priori sur les facturations de certains d'entre eux, dont les comportements pouvaient être atypiques. Cela signifie simplement que, lorsque les factures arrivent au sein de la CPAM, on enclenche les contrôles, donc on vérifie la réalité de l'acte avant la mise en paiement. Si ces contrôles n'avaient pas été effectués, on aurait pu arriver à 1,3 million d'euros de factures payées, alors qu'il s'agit d'actes purement fictifs.


Chaque jour de la semaine, un sujet d’actu avec un invité interviewé par chaque radio RCF de Nouvelle Aquitaine.
