La future politique énergétique de la France passe par un vote à l’Assemblée nationale ce mardi. Le débat parlementaire a donné lieu à un concours d’amendements, sur fonds de divergences entre contre et pro énergies renouvelables. Le texte est jugé "totalement déséquilibré" avec un moratoire sur le solaire et l’éolien. Le vote solennel est incertain.
La feuille de route énergétique pour 2035 a fait l’objet de deux années de consultation publique. Cette PPE (pour programmation pluriannuelle de l'énergie) est censée mettre le pays sur la voie de la neutralité carbone en 2050. Si elle peut être mise en œuvre sur un simple décret, le Rassemblement National, favorable au nucléaire et opposé aux renouvelables, a menacé le gouvernement d’une censure.
Face au risque, l'exécutif a choisi de ne pas déposer de projet de loi sur le sujet. Sous la pression de l’extrême droite, c’est donc une proposition de loi, votée à l’automne dernier au Sénat, qui a été examinée la semaine dernière à l’Assemblée. Le texte du sénateur Gremillet, orienté sur le nucléaire, est censé servir d’indicateur à l’exécutif pour finaliser la PPE.
Jeudi, au dernier jour de débat, les députés ont voté la suspension de tous les nouveaux projets d'installations solaires et éoliennes en France, jugés trop coûteux et envahissants. L'amendement LR sur le sujet a été voté grâce aux députés RN et alors que de nombreux députés de gauche et écologistes étaient absents. Ce moratoire inquiète particulièrement une filière en plein développement.
“Le texte risque de faire disparaître des milliers d'emplois”, estime Jules Nysen, président du Syndicat des énergies renouvelables. “Le secteur des énergies renouvelables en emploi direct représente 160 000 emplois, dont 80 000 pour la partie électrique ; Sur l'éolien en mer, il y a 4 usines en France, pour un total de 8 000 emplois aujourd'hui, avec un objectif de 20 000 à 2035. C'est 4 milliards d'euros de chiffre d'affaires annuel et 3 milliards d'euros d'investissement. Et c'est ça qu'on veut rayer d'un trait de plume”.
Le texte risque de faire disparaître des milliers d'emplois.
Le nouveau moratoire est “parfaitement irresponsable” et “dévastateur”, avait réagi dans l’hémicycle Marc Ferracci, le ministre de l'Energie. Jules Nysen fustige donc un contenu “totalement déséquilibré et sans cohérence”.
Car, sur les énergies renouvelables, le texte prévoit de porter d’ici 2030, à 58 % au moins la part d’énergie décarbonée en France, contre environ 40 % actuellement. “C’est inatteignable sans le solaire et l’éolien”, estime Nicolas Goldberg, expert en énergie chez Colombus Consulting, et d’ajouter que “l’on ne peut pas faire des stop-and-go industriels.”
Le texte prévoit aussi une relance massive du nucléaire, en maintenant la capacité installée de production d’électricité aujourd’hui de 63 gigawatts, et en l’augmentant de 27 gigawatts d’ici 2050, en construisant 14 nouveaux réacteurs engagés d’ici 2030.
“Pour décarboner l'économie, il faut électrifier, c'est-à-dire qu'on va consommer plus d'électricité et donc il faut produire davantage. Donc, pour relancer le nucléaire, pour ça, c'est bien. Mais le nouveau nucléaire n'arrivera pas avant 2038-2040. Donc, on aura forcément besoin de déployer des renouvelables entre-temps”, explique Nicolas Goldberg.
Les délais de construction de centrales nucléaires sont beaucoup plus longs pour répondre à la situation actuelle. La filière nucléaire est lente à redémarrer, elle doit recomposer ses compétences, et aucun chantier n’a été lancé depuis Flamanville en 2007. “Il ne faut pas fantasmer sur notre capacité à faire des réacteurs nucléaires. Le chantier de construction à Flamanville a été très laborieux. Lancé en 2007, aujourd’hui, il n'est toujours pas en service à pleine puissance”, souligne Nicolas Goldberg.
Le nouveau nucléaire n'arrivera pas avant 2038-2040. Donc, on aura forcément besoin de déployer des renouvelables entre-temps.
Pour l’expert, “le plan d'EDF est de lancer 6 réacteurs. Mais essayons déjà de voir si on arrive à en faire 6, avant d'essayer d'en faire 14".
Difficile de s'y retrouver dans un inventaire à la Prévert, alors que “la France produit une énergie peu chère qui pourrait être un atout pour sa réindustrialisation”, plaide Jules Nysen.
LFI, le PS et les écologistes voteront contre la proposition de loi. Le parti présidentiel Renaissance pourrait faire de même ce qui pourrait provoquer le rejet du texte. Le gouvernement avait toutefois prévenu qu’il publierait le décret de PPE avant la fin de l’été, soit, a priori avant l’adoption définitive de ce texte, qui doit revenir en deuxième lecture les 8 et 9 juillet au Sénat, où la droite est majoritaire.
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