L’inventaire général du patrimoine a 60 ans
Depuis 1964, l’inventaire général du patrimoine recense et étudie les réalités culturelles des territoires. Une opération bien implantée en Alsace qui ne cesse d’évoluer au gré des innovations citoyennes.
À l’origine, l’inventaire a été initié par le ministère des Affaires culturelles, l’ancêtre du ministère de la Culture dirigé alors par André Malraux. Devant la France de l’après-guerre en profonde mutation et modernisation, "il a constaté que des pans entiers de l'histoire de notre pays étaient en train de disparaître et qu'il était urgent de mener un travail d'inventaire", raconte Alain Beschi, chef de la mission de l'inventaire général du patrimoine culturel au ministère de la Culture.
L’opération s’intitulait alors “l'inventaire des monuments et des richesses artistiques de la France” et chapotée par les services de la DRAC.
En 60 ans, l’opération a modifié ses méthodes, notamment par l’arrivée du numérique. "L'inventaire a toujours été à la pointe de ce point de vue", commente Alain Beschi. "Ça a été un des premiers services étudiant le patrimoine à investir ce nouveau champ pour constituer des bases de données, très utiles pour pouvoir non seulement mettre cet inventaire et ce patrimoine dans une documentation à l'échelle nationale, mais aussi pour pouvoir comparer également les résultats de ces différents inventaires. Tout ceci permet également d'avoir toutes ces ressources sur le patrimoine à disposition des publics.”
Du projet national à la décentralisation en région
Le projet de l'inventaire général a d’autant plus évolué qu’il a été rattaché aux régions en 2004 dans le cadre de l’acte II de la loi de décentralisation. Une décision qui “impacte la façon de mener ce travail, puisque finalement l'inventaire général est devenu progressivement un outil au service des politiques publiques pour connaître le territoire et ses ressources patrimoniales.”
En découle automatiquement des spécificités régionales. Si la Bretagne s'intéresse beaucoup au calvaire et aux “pardons”, ces processions menées sur les croix de chemin et les croix de pèlerinage, le Sud-Est étudie actuellement le patrimoine forestier des Harkis. Quant au Grand Est, le patrimoine religieux a la part belle, notamment celui du protestantisme et du judaïsme avec des héritages architecturaux ou mobiliers. Il faut aussi compter sur le patrimoine militaire et le patrimoine frontalier issu des conflits du XXe siècle.
Une tradition ancrée en Alsace
L’inventaire est en effet une tradition bien ancrée sur le territoire puisque c’est à Guebwiller qu’a été effectué le 1er inventaire, l’Alsace faisant partie avec la Bretagne des deux premières régions à avoir ouvert ce service en 1964. Pour Clémentine Albertoni, l’Alsace présentait “un terreau fertile” pour lancer l’expérimentation grâce aux nombreuses sociétés savantes existantes et l’Université de Strasbourg.
Aujourd’hui, la cheffe du service Inventaire et patrimoine de la région Grand Est coordonne le travail de 35 personnes dédiées à l’inventaire général du patrimoine, soit un tiers du Pôle Culture à la Région. "C'est une action croisée entre des chercheurs, des cartographes dessinateurs, des documentalistes, des photographes et du personnel administratif. Tout le monde œuvrant pour collecter et mettre à disposition la donnée” explique-t-elle Parmi les nombreux chantiers, celui du site abbatial de l’Oelenberg dans le Haut Rhin. Après une première étude en 2022, l’abbaye désertée par sa communauté religieuse au printemps 2024, est désormais un objet d’étude sous plusieurs aspects, aussi bien religieux, économique et industriel.
Notre travail permet aux habitants de s'approprier leur histoire et leur patrimoine.
L’inventaire participatif : Un processus démocratique
Pour Alain Beschi, ce travail d’inventaire se joue dans “la proximité avec les citoyens et la réponse aux attendus de la société. Je crois qu'aujourd'hui il y a un désir social, sociétal qui est très fort d'inventaire participatif, afin que les citoyens s'emparent de ces questions patrimoniales en complément du regard d’expert des professionnels du patrimoine.”
Les régions peuvent justement développer des dispositifs pour accompagner des particuliers qui souhaiteraient à leur tour contribuer à cet inventaire. À titre d’exemple, la Bretagne a mis à disposition des outils numériques pour que tout à chacun contribue à l’inventaire avec son téléphone.
Une exposition retraçant les 60 années d’inventaire se tient au siège de la région à Strasbourg jusqu’au 8 octobre, ainsi qu’à celui de Metz et de Châlons en Champagne.
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