Libération des derniers otages à Gaza : un tournant historique dans le processus de paix
Lundi 13 octobre 2025 marque un tournant historique dans le conflit israélo-palestinien : les derniers otages encore vivants détenus par le Hamas à Gaza ont été libérés, conformément au plan américain de paix. En échange, Israël a relâché près de 2 000 prisonniers palestiniens. Que révèle cette journée exceptionnelle sur l’avenir du processus de paix ? Entretien avec Jean-Claude Lescure, historien breton, professeur à l’université de Cergy-Pontoise et spécialiste du Moyen-Orient.
Vingt otages ont été libérés ce lundi par le Hamas. © Bloqed - UnsplashQue s'est-il passé ce lundi 13 octobre ?
La journée d'hier apparaît véritablement comme historique avec une conjonction d'événements qui reprennent une partie des points du plan de paix élaboré par Donald Trump et ses équipes.
Tout d'abord, l'élément d'importance, c'est la libération des otages israéliens détenus par le Hamas depuis plus de deux ans. Reste un point non réglé, la restitution des corps qui n'ont pas encore été tous rendus.
Le deuxième élément est la visite surprise de Trump à la Knesset - le Parlement israélien - pour un discours qui s'est tenu dans une ambiance absolument survoltée. Trump a marqué des points en termes de relations internationales et de cote de confiance de la part des Israéliens qui pouvaient douter de son efficacité. Là, il a démontré que sa politique, fondée sur la force, donnait un certain nombre de résultats.
Troisième élément, c'est la réunion impromptue de très nombreux chefs d'État qui se sont retrouvés sur le territoire égyptien pour envisager l'après : savoir comment Gaza va être gouverné. Par un gouvernement tenu de l'étranger ? Par une autorité politique qu'un ancien Premier ministre britannique, comme Tony Blair, pourrait obtenir avec un soutien politique, voire peut-être militaire de la part des États-Unis ? On aura une forme d'internationalisation de la question de Gaza qui, de ce point de vue-là, est une nouveauté extrême.
Peut-on d'ores-et-déjà parler de journée historique ?
Oui, c'est une journée historique. La simple libération des otages est historique. L'arrêt des combats menés par Israël sur la bande de Gaza est également historique, cela fait deux ans que l'on est en situation de guerre.
Donc le fait d'arrêter un conflit qui a fait d'un côté 60 000 victimes (selon les autorités palestiniennes du Hamas) et de l'autre, 2 000, c'est tout aussi historique que la fin d'un conflit ou, tout au moins, d'un cessez-le-feu dont la pérennité est encore questionnée.
Quelle va être la prochaine étape dans le processus de paix ?
Dans le plan de paix, le point important est la question du désarmement du Hamas qui est une condition mise en avant par Donald Trump et les acteurs internationaux comme la France.
Ainsi que la disparition dans sa forme actuelle du Hamas comme dirigeant de la bande de Gaza. Or, le Hamas a fait savoir qu'il s'opposait au fait de rendre tout son armement et de se retrouver militairement démuni face aux forces israéliennes.
C'est un des enjeux dans les jours qui viennent. D'autant que le Hamas, s'il a été populaire dans la bande de Gaza, a à faire également à une opposition palestinienne interne et notamment, le chef maintenant de l'État reconnu de Palestine, Mahmoud Abbas, qui appartient à l'OLP (Organisation de Libération de la Palestine, ndlr).
S'il dépose les armes, cela veut dire également que ses militants risquent de se retrouver démunis face à l'OLP et à l'autorité palestinienne dont on ne sait pas comment elle va retourner à Gaza d'où elle avait été chassé par le feu des armes en 2007 par les hommes du Hamas. Il y a là une inconnue interne au mouvement palestinien entre le Hamas et l'autorité palestinienne.
D'un point de vue humanitaire, que peut-on espérer ?
La situation humanitaire dans la bande de Gaza est catastrophique. Cela a été l'enjeu d'une désinformation très forte, accentué par l'absence des journalistes, mis à part de Palestiniens sur place qui ont payé un très lourd tribut.
Les quelques images que l'on peut avoir et les observations satellitaires montrent que plus de 60 à 70 % du bâti de la bande de Gaza a été détruit. Les populations - deux millions d'habitants - sont pour une grande partie d'entre eux désormais sous la tente. Et l'hiver arrive. Le minimum de confort que peut représenter l'eau courante ou l'électricité n'existe plus. Donc il y a une urgence sanitaire réelle.
Il y a une deuxième urgence dont on mesure moins bien la portée : les cas de famines. La population repose désormais uniquement sur l'aide humanitaire pour se nourrir. À l'heure actuelle, l'aide humanitaire fait l'objet d'une très violente controverse puisque les organisations qui dépendaient de l'ONU ont été sérieusement mises en cause par les Israéliens. Maintenant, vous avez une aide humanitaire qui est distribuée sous observation israélienne par une fondation de droit suisse mais contrôlée par des mercenaires américains. À chacune des distributions de nourriture, il y a des massacres de Palestiniens.
Les Israéliens disent que la distribution a été captée par le Hamas et qu'il faut cesser de passer par les organisations de l'ONU, infiltrées par le Hamas. Du même coup, elles veulent affaiblir matériellement le Hamas en contrôlant au mieux les distributions. Mais l'effet sur le terrain pour les populations est absolument dramatique.
Et puis, se pose toute une série de questions en termes de droit, notamment sur la militarisation d'une aide alimentaire qui va complètement à l'encontre de toutes les doctrines depuis la Deuxième Guerre mondiale.
Cette aide humanitaire est-elle prévue dans le processus de paix ?
Oui, est prévue la réouverture des frontières de la bande de Gaza. Il y a des camions d'aide internationale des différentes ONG, notamment côté égyptien, prêts à passer la frontière pour pouvoir amener là de l'aide internationale. De toute façon, il en faut puisqu'il n'y a plus aucune production économique digne de son nom dans la bande de Gaza.
Donc c'est un des éléments à l'intérieur du plan de paix. Mais pour l'instant, on a du mal à voir l'étape 2 : comment au-delà de la vie sous la tente telle qu'elle s'organise et va s'organiser vraisemblablement avec l'hiver, va -t-on permettre à la population de retrouver des habitats en dur.
Où en est-on dans l'étape de reconstruction ?
On n'est pas encore arrivés à cette étape, c'est dans les cartons. Il y avait ce point très controversé avancé par Trump sur la Riviera : construire à Gaza des grands hôtels et des immeubles. Enfin, cela c'est du rêve. Surtout, il va falloir des financements, notamment venant des États du Golfe pour permettre cette reconstruction.



