L’évêque d’Arras a-t-il nié les victimes de Riaumont comme l’affirme un collectif ?
Le collectif Mouv’Enfant a manifesté mercredi 28 mai devant la maison diocésaine d’Arras. La cause ? Des propos de l’évêque, dans une interview donnée à RCF Hauts de France, auraient choqué des victimes de Riaumont. Mouv’Enfant se serait fait l’écho de ces personnes. Mais qu’a dit exactement Mgr Leborgne ? Vérification.
Mgr Olivier Leborgne ©Nathalie Vaurette - Diocèse d'Arras« Le 16 mai 2025, sur RCF, Mgr Leborgne évêque d’Arras a donné une interview au cours de laquelle le sujet de Riaumont a été évoqué. Il a indiqué qu’il n’y a rien de comparable à Bétharam dans sa région. A parlé d’un engouement médiatique au sujet des victimes dans l’enseignement privé catholique et conclut par ‘’certain ne nous veulent pas que du bien’’… Soutien aux victimes ! »
C’est par ces mots qu’Arnaud Gallais, président du collectif Mouv’Enfant, introduit le happening devant la maison diocésaine d’Arras le mercredi 28 mai. Il ajoute que l’évêque aurait minimisé, voire nié, la parole des victimes de la communauté de Riaumont à Liévin. Retour sur ces accusations et les extraits de l’interview concernée.
Une confusion entre Riaumont et Haffreingue ?
Première accusation : Mgr Leborgne aurait comparé Riaumont à Betharram, minimisant ainsi les violences subies à Riaumont. Mais dans l’interview, l’évêque d’Arras évoque Betharram uniquement pour faire un parallèle avec l’affaire récente du groupe scolaire Nazareth-Haffreingue à Boulogne-sur-Mer. Ce collège-lycée fait l’objet de témoignages d’anciens élèves dénonçant des violences physiques et sexuelles, datant des années 1970-1980, comme l’ont documenté nos confrères de La Voix du Nord.
Un « engouement médiatique » ou plutôt un angle mort ?
Autre grief : une citation tronquée sur un prétendu « engouement médiatique ». Arnaud Gallais, qui a été lui même victime d’un viol par un prêtre, accuse Mgr Leborgne de relativiser l’importance des révélations autour des violences dans les établissements catholiques.
Or, dans l’interview, Mgr Leborgne commence par se féliciter que « la vérité soit faite » et rappelle que « la violence n'est jamais éducative ».
Et voici la deuxième partie de sa réponse :
Et en même temps il y a un engouement médiatique qui m'étonne en ce sens où je comprends donc qu'il n'y aurait donc que dans les établissements catholiques qu’il y a eu des choses comme ça. Ça m’étonne un petit peu. C’est sans doute que la frontière du bien et du mal est placée entre l’enseignement catholique et public. Ou c’est peut-être que certains ne nous veulent pas que du bien.
Contacté dans le cadre de cet article, Arnaud Gallais admet être d'accord avec l’évêque d’Arras sur le fait qu’il y ait aussi des violences dans l’enseignement public.
Mgr Leborgne a-t-il ignoré les victimes ?
Le collectif regrette aussi que l’évêque n’ait pas eu un mot pour les victimes dans cette interview. Des mots que l'évêque a eu à d'autres moment. Dans un communiqué daté du 6 mai, suite à une première condamnation liée à Riaumont, Mgr Leborgne et Dom Pateau, supérieur de la communauté, ont affirmé :
Nous assurons de notre prière tous ceux qui ont souffert et souffrent encore, ainsi que tous ceux que cette situation éprouve. Nous restons disponibles pour rencontrer ceux qui le souhaitent. Nous réaffirmons notre priorité : servir la vérité, et protéger les plus petits.
L’enquête canonique : une réelle efficacité ?
Enfin, le collectif met en doute la sincérité de la visite canonique extraordinaire menée prochainement à Riaumont, l’accusant d’être un « simulacre ». Contacté par téléphone, celui qui consacre sa vie depuis plus de 15 ans à la lutte contre les violences faites aux enfants explique sa colère sur ce point par le fait que « Riaumont a pignon sur rue. Un certain nombre de frères ont été mis en cause par la justice et ça ne suffit pas d’avoir une réponse plus ferme de la part de Mgr Leborgne »
L'évêque d'Arras était interrogé sur ce point, dans cette même interview :
Depuis que je suis arrivé, je laissais la justice faire son travail. Mais là, il y a eu un verdict prononcé. Il m’a paru important de dire : il faut que nous aussi nous fassions ce que nous avons à faire. […] Nous allons nommer 2 ou 3 visiteurs qui vont rencontrer les frères, avoir accès à tout, poser toutes les questions qu’ils veulent […]. Je suis prêt à prendre toutes les mesures qu’on me demanderait de prendre s’il fallait les prendre.
Un dialogue possible ?
L’évêque a décidé de ne pas répondre à ces critiques. Le diocèse nous dit « loin des polémiques, l’évêque est au travail et redit sa disponibilité pour rencontrer les personnes qui le demanderont ». De son côté, Arnaud Gallais se dit lui aussi disponible pour rencontrer l’évêque.
Par ailleurs, par téléphone, le militant des droits de l'enfant insiste sur la responsabilité des pouvoirs publics. Même si cette action visait l'évêque, elle avait démarré devant le conseil départemental du Pas-de-Calais. C'est cette collectivité qui a confié, pendant plusieurs années, des enfants de la DDAS au village de Riaumont.
