Les livres dont le héros est une femme ne manquent pas. Pour la journée de la femme, j’aurais pu aussi vous parler d’une écrivaine ou d’une femme écrivain, si vous préférez. En fait, j’ai choisi d’évoquer pour vous une grande histoire d’amour et de déchirement, écrite avec talent, sans pathos ni clichés, un amour d’il y a longtemps que le romancier Roger Bichelberger restitue avec force et émotion. Aux alentours de l’an mille le valeureux Foulque Nerra, comte d’Anjou, épouse la jeune et belle Elisabeth de Vendôme. Un amour fou, passionné, un coup de foudre : « Dès que je t’ai vue, je suis tombé amoureux, fou de toi. A toi, ma fière, ma reine, mon unique, ma parfaite. Je n’ai aimé d’amour que toi ».
Une belle histoire mais aussi un drame. La belle amoureuse -trop jeune pour mourir - périt dans un incendie. Ils avaient pourtant tout pour être heureux, la lignée, la jeunesse, le succès, et bientôt une descendance : « Lorsque tu m’annonças la nouvelle, tes yeux pétillaient de bonheur. Et moi, ma joie fut immense, tant j’étais fier d’avoir bientôt un héritier pour le comté d’Anjou… » Hélas ! L’épouse donna naissance à une fille. Le rêve s’effondre. Le seigneur de la guerre se met même à douter de la fidélité de la blanche Lisabeth… C’est le naufrage d’un amour trop fort. « Qui veut tuer son chien dit qu’il a la rage », énonçait déjà un vieux dicton du XIIIe siècle : ainsi condamnée par l’amour déçu, meurt la trop jeune morte…
L’histoire se présente un peu comme un conte, une légende noire, un roman d’amour et de sang. Mais plus qu’un fait divers historique, le livre raconte un mal de tous les temps, le doute qui envahit le cœur inquiet, le sentiment coupable de l’amoureux transi, l’aveuglement criminel de la jalousie… Foulque Nerra passera sa vie à expier, habité d’une rage indépassable, qui l’a poussé dans les batailles sanglantes et les lointaines croisades, comme pour mieux extirper cette violence qui le détruit de l’intérieur. Le romancier imagine cette lettre à la fin de la vie de Foulque, une vraie confession qui montre les sentiments mêlés d’un amour blessé, le feu dévorant d’un remords, d’une faute inavouable. Un drame tenu d’une plume serrée, fine et presque fataliste de Roger Bichelberger, tant la noirceur de l’homme peut l’emporter. En apparence peut-être, car la trop jeune morte est aussi une éternelle amoureuse.
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