Les monastères, une utopie politique ?
Pour la Semaine sainte, de nombreux chrétiens iront se retirer dans les monastères. L'occasion de s'arrêter sur le fonctionnement de ces sociétés si particulières, formées par des communautés de moines et de moniales. Silence, place du travail, accueil inconditionnel, absence de propriété privée. Au delà de la foi, le monachisme porte-t-il une visée politique ? C'est ce que croit Timothée de Rauglaudre, qui publie La Grâce politique du monastère – Une utopie pour notre temps.
Timothée de Rauglaudre, journaliste indépendant, s'est converti au catholicisme après un voyage en Amérique latine. © Pierre-Hugues DuboisLes monastères sont-ils une utopie politique ? C'est ce que pense Timothée de Rauglaudre, journaliste indépendant et auteur de La Grâce politique du monastère – Une utopie pour notre temps. Récemment converti au catholicisme, il s'est rendu en Amérique latine pour travailler sur la théologie de la libération, à travers laquelle, il a découvert la vie d'un moine trappiste américain, Thomas Merton.
Sa vie et son œuvre lui ont donné envie d'aller à la rencontre des moines et des moniales et d'en apprendre davantage sur le fonctionnement politique des monastères. Il a ainsi parcouru la France, visité une dizaine de monastères, jusqu'à aboutir à l'écriture de son livre La Grâce politique du monastère - Une utopie pour notre temps, publié aux éditions du Seuil.
Le choix d'une vie simple
Les moines et moniales vivent en communauté dans la simplicité et s'ancrent pleinement dans les écrits bibliques et dans la tradition. Selon l'expression consacrée de Fuga Mundi, les moines et moniales s'inscrivent dans une fuite du monde, qui existe depuis le début de la vie monastique.
Néanmoins, même si la plupart des moines et moniales veulent conserver cette expression, ils veulent la reconfigurer. "Ils vont plutôt parler d'une mise à l'écart volontaire ou d'une prise de distance ou de recul vis-à-vis du monde qui est le nôtre. Et notamment de ces tendances qui sont contraires à la vie chrétienne, à la vie évangélique", explique Timothée de Rauglaudre.
Ce qui caractérise pour moi cette utopie monastique, c'est l'amour de la faiblesse, de sa propre faiblesse et de la faiblesse des autres
Selon le journaliste indépendant, les monastères s'inscrivent dans des formes de vie politique, même si elles ne sont pas toujours revendiquées comme telles. Elles ont évolué avec le temps, passant des deux ordres principaux, Cluny et Cîteaux, et à une diversité d'ordres. Mais malgré cette pluralité des ordres, on observe aujourd'hui une baisse des vocations. Les monastères et les communautés font face à un vieillissement démographique important.
"Ce qui m'a aussi frappé, c'est qu'ils abordent ça avec une certaine sérénité, relate l'auteur. C'est-à-dire que ce n'est pas forcément une source de stress ou de sentiments de déclin civilisationnel. Mais au contraire, c'est accueilli avec quelque chose qui caractérise pour moi cette utopie monastique, qui est l'amour de la faiblesse, de sa propre faiblesse et de la faiblesse des autres."
"Le travail des moines est anticapitaliste"
"Ora et labora, prie et travail". Voici la devise des moines, pour qui le travail occupe une place centrale. Cependant, pour Timothée de Rauglaudre, ce travail est anticapitaliste.
Ce travail est toujours subordonné à une fin plus grande
Certains moines suivent la règle de Saint-Benoît, qui les invite à arrêter immédiatement leur tâche en cours quand ils entendent les cloches sonner qui signalent le début des offices. "Ce travail est toujours subordonné à une fin plus grande qui est à la fois au service du Seigneur et à la préservation de la communauté", souligne le journaliste. Ce travail est donc anticapitaliste puisqu'il s'inscrit dans une logique de vie contemplative au quotidien et non pas dans le but de dégager un profit.
Ce que le monachisme a à apprendre aux sociétés occidentales
Les moines et les moniales ont de nombreuses choses à apprendre au monde. Tels que le retour à une vie simple, tournée vers l'amour du prochain, vers le bien commun, l'accueil du prochain, l'hospitalité, l'écologie, le recyclage... "Depuis toujours, depuis les Pères et les Mères du désert, le monachisme a toujours mis au cœur de son activité le fait de l'hospitalité radicale, le fait de recevoir l'étranger, de recevoir le pauvre, le malade en tant que tel, pour lui-même et pas pour ce qu'il apporte à la communauté", rappelle Timothée de Rauglaudre.
Ces démarches de bienveillance et d'accueil se font systématiquement dans une optique de don : "Il y a une forme de gratuité dans cette hospitalité, ils n'attendent rien en retour".
On répare tout un tas de choses et on jette un minimum. Les sociétés occidentales ont donc de nombreuses choses à apprendre
Certains monastères exercent une forme d'avant-gardisme écologique. Ils ne jettent rien. "Dans les monastères, on répare tout un tas de choses et on jette un minimum, souligne l'auteur. Les sociétés occidentales ont donc de nombreuses choses à apprendre du monachisme."


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